Par Françoise de Almeida – François Jarraud
« Entre les murs », palme d’or au festival de Cannes provoque de nombreuses discussions en salle des profs depuis sa sortie officielle. Certains n’y voient qu’un documentaire et découvrent une réalité qu’ils ne connaissent pas et sont à mille lieues d’entrevoir, d’autres y trouvent une fiction-caricature de ce qui se passe au collège, où se côtoient les « bons » et les «mauvais» profs . Le Café vous propose trois avis.
Lettre ouverte à Laurent Cantet et François Bégaudeau
Le jury du festival de Cannes vous a attribué la Palme d’Or pour votre film « Entre les murs », et vous avez reçu des critiques très élogieuses. Personnellement, je regrette que votre film ait été sélectionné. Le film,une comédie dramatique, paraît-il, fait le constat de l’échec du système scolaire français en utilisant des clichés et des stéréotypes mille fois vus et lus et à mon avis tous les personnages du film ne sont que des caricatures :
Au niveau des élèves : le Chinois discipliné est bien sûr intelligent ; la première de la classe est une Française, l’Africain est indiscipliné et borné, l’Antillais se sent vraiment Français et est fier de l’être, le Beur sait à peine parler. On a enfermé les élèves qui ont joué leur propre rôle, (ils ont presque tous gardé leur propre prénom !!) dans un carcan qui fait l’apologie du comportement stéréotypé. Le comportement attendu n’est pas le comportement d’un individu, mais le comportement qui correspond à son groupe social. « Tous les Noirs sont…………… ». Nous savons tous vers quoi cela peut nous mener !
Au niveau des profs : Il y a le gentil, le vieux qui part à la retraite, la râleuse de service, le directeur si politiquement correct. La relation entre les professeurs et leur relation aux élèves me laisse pantois. Comment concevoir un collège sans travail en équipe (ex. la proposition du prof d’histoire aux professeur de français: « on pourrait faire des ponts » est rejeté avec un soupir.) Pour résoudre les difficultés, vous avez trouvé le remède miracle : l’exclusion, prononcé démocratiquement (vote à bulletin secret !) par le conseil de discipline. La preuve de la réussite de cette « méthode », selon vous, est l’intégration d’un nouvel élève, qui « est très content d’être là ». Sachez que la méthode « se refiler la patate chaude » n’a vraiment pas fait ses preuves.
Votre film est un film noir, sans espoir, qui me laisse penser que les autorités et les parents qui voient ce film sont en droit de réclamer « de bonnes vieilles méthodes qui ont fait leurs preuves » pour redorer l’image ternie de notre institution scolaire. Pour les élèves qui voient ce film, ils sont en droit de réclamer qu’on les filme aussi en faisant des pitreries ou en débitant des âneries, car ce n’est que comme cela qu’ils vont être « reconnus » par la société. Quant aux spectateurs qui ont ri dans la salle quand les élèves faisaient état de leur ignorance, je m’afflige de leur sens d’humour.
La journée contre l’échec scolaire du 24 septembre dernier, organisé par l’AFEV, a été un grand succès, mais ce n’est pas votre film qui fera bouger les mentalités et qui aidera les jeunes à dépasser leurs difficultés, car le fait d’habiter dans une cité ou d’appartenir à une catégorie sociale prédéfinie les condamne à l’échec scolaire. La soi-disant réalité du film n’est que poudre aux yeux pour justifier une situation dramatique qui enferme les élèves entre les murs d’une prison d’ignorance.
Quant à moi, j’aime aller au cinéma pour m’évader, pour rêver, pour frémir, pour réfléchir, pour pleurer ou pour rire,le cinéma faisant partie du 7e Art ( !) mais en tout cas pas pour trouver un « copier-coller » si répandu de nos jours.
Aisa Cleyet-Marel
Enseignante spécialisée
L’avis de Philippe Meirieu
« En réalité, le film n’est jamais véritablement « entre les murs » de l’école… Ce qu’on nous montre comme matrice pédagogique, c’est un vague cours magistral dialogué, où, en l’absence de structuration pédagogique, de lest intellectuel, d’enjeux culturels, le professeur est contraint de jouer avec la séduction, la pression et la sanction ». Peut-on tirer un enseignement pédagogique du film « Entre les murs » ? Face au vent médiatique, Philippe Meirieu met en garde contre les interprétations qui peuvent être tirées du film.
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2008/PMe[…]
Celui de B. Robbes : « Entre les murs » : un documenteur
« Après avoir vu ce film, je crains qu’une majorité de l’opinion publique ne retienne qu’ « avec de tels élèves, on ne peut pas enseigner », que « ces élèves n’ont décidément pas leur place au collège »… » Bruno Robbes, maître de conférences en sciences de l’éducation à Cergy-Pontoise, analyse le film de F. Bégaudeau. « Nous avons à faire à une fiction qui ressemble à un documentaire : il y a là matière à piéger bien des professionnels (en particulier les jeunes enseignants) et a fortiori les personnes peu familières du monde scolaire ».
L’article de B Robbes
http://www.meirieu.com/FORUM/faire_autorite_robbes.pdf
Sur le site officiel du film, vous pourrez laisser vos avis