Par Robert Delord
CON-TRI-BUEZ !
Lorsque l’on enseigne les langues anciennes, il arrive bien souvent que l’on se sente isolé et/ou démuni. En effet, que l’on soit jeune titulaire encore inexpérimenté ou l’unique « lettres classiques » de l’établissement, ou encore que l’on enseigne dans un établissement isolé géographiquement et éloigné des grands centres culturels, il s’avère parfois difficile d’échanger (sur) ses pratiques avec d’autres collègues. Heureusement, Internet est arrivé à la rescousse des enseignants, permettant des échanges rapides et illimités.
Toutefois le travail contributif (en ligne) connaît encore quelques freins puissants. Individualisme bien connu des enseignants de lettres, manque de confiance en soi ou pudeur intellectuelle pour montrer son travail, manque de compétences informatiques, mènent chacun de nous à refaire inlassablement, chacun dans son coin, années après années, les mêmes commentaires de textes, traductions, leçons de grammaire ou de civilisation, alors que la sphère Internet nous permet, depuis quelque temps déjà, de confronter et partager nos travaux en toute simplicité !
I. Se créer des réseaux
Lorsque l’on entreprend un travail contributif en ligne, la première chose à faire consiste à se créer des réseaux d’information qui vont permettre à la fois de récupérer et d’échanger des informations. Pour ce faire, Internet offre trois possibilités : les listes de diffusion, les forums de discussion et enfin, les newsletters (« lettres des nouveautés ») et les récents flux RSS.
1°- Les listes de diffusion
a) les listes de diffusion académiques
On ne saurait trop conseiller à chaque enseignant de s’abonner au moins à la liste de diffusion académique dédiée à sa discipline. Le plus souvent les académies proposent, pour ce qui nous concerne, une liste « lettres modernes » consacrée à l’enseignement du français et des lettres et une liste « lettres classiques » consacrée à l’enseignement du grec et du latin.
Les avantages : vous restez en contact et pouvez échanger avec tous les enseignants de votre discipline qui sont abonnés à la liste académique ; vous recevez les courriers postés sur la liste par votre inspection ; vous avez à temps les informations concernant les rencontres, séminaires et autres manifestations culturelles de votre région ;
Pour vous abonner, rendez vous sur le site de votre académie : http://www.education.gouv.fr/pid167/les-academies-les-i[…]
b) Musagora
La liste de diffusion « langues anciennes » qui est certainement la plus fréquentée (plus de 550 abonnés) et la plus active est celle du projet Musagora qui se propose, je cite : « de favoriser les échanges concernant l’usage des T.I.C.E. (en particulier internet) en langues anciennes), les pratiques pédagogiques innovantes et la réflexion didactique, la réflexion sur les contenus et l’application des programmes, les pratiques interdisciplinaires (littérature, arts, histoire, philosophie, sciences…), les méthodes d’enseignement en Europe .
Vous pourrez vous abonner à cette liste de diffusion très bien gérée par ses modérateurs à l’adresse suivante :
http://listes.education.fr/wws/info/musagora
2°- Les forums de discussion
Comme dans l’Antiquité, on peut également aller traîner sur les forums (numériques) pour y glaner quelques informations, trouver des réponses à ses questions ou solutionner les problèmes des autres.
a) les incontournables
Les forums « langues anciennes » sont principalement consacrés aux questions relatives à l’enseignement de ces langues anciennes.
Les jeunes enseignants trouveront certainement un soutien salutaire sur le forum du site Néoprofs :
On utilisera bien sûr avec profit le forum « langues anciennes du Café Pédagogique :
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/lettre[…]
Le site études-littéraires.com propose également un forum « langues anciennes » :
http://www.etudes-litteraires.com/forum/forum-17-langues-anciennes
La liste TELEMACO est consacrée à l’application des TICE dans l’enseignement des lettres classiques, gérée conjointement par l’université de Bologne et d’Erlangen ; inscription : cliquer sur le lien.
http://telemachos.phil.uni-erlangen.de/list.html
Enfin, sur le site du projet Hélios, vous pourrez ouvrir de nouvelles discussions grâce au forum VBulletin :
http://helios.fltr.ucl.ac.be/bulletin/
b) forums (très) généralistes
Certains forums « langues anciennes » généralistes sont le lieu de rencontre d’internautes de tous poils : enseignants du secondaire, chercheurs, simples passionnés, élèves de quatrième en quête d’une traduction pour leur version à rendre le lendemain, ou quidam égarés.
Ces forums présentent l’avantage – inconvénient de la diversité et de la profusion des messages. On lira par exemple les messages des forums « grec » et « latin » de l’académie de Versailles :
news://news.ac-versailles.fr/ac-versailles.disciplines[…]
news://news.ac-versailles.fr/ac-versailles.disciplines.langues-[..]
… ou même les forums « lettres – langues anciennes » ouverts sur Google :
http://groups.google.fr/groups/dir?sel=usenet[…]
c) forums spécialisés
D’autres forums se spécialisent plus particulièrement dans certains domaines. On consultera par exemple :
le forum « langues anciennes et épigraphie » du site Passion-Histoire :
http://www.passion-histoire.net/phpBB3/viewforum.php?f=81
la liste « Iconographie » sur l’art grec, gérée par J.-G. Bodard ; pour s’inscrire, écrire « subscribe iconographie » au serveur de listes de l’Université de Reading
pour écrire à la liste
le forum « ArchéoClub » consacré à l’archéologie :
http://archeoclub.free.fr/forum/index.php
le forum « Monnaies de l’Antiquité » consacré à la numismatique antique :
http://fredericweber.grafbb.com/index.forum
– et caetera, et caetera…
d) newsletters et flux rss
Enfin, vous pouvez vous abonner aux newsletters (« lettres des nouveautés ») de vos sites favoris. Vous serez ainsi informé automatiquement par mail de la mise en ligne de nouvelles ressources. La plupart du temps, il vous suffit de fournir l’adresse mail de votre choix, professionnelle ou privée, et parfois quelques renseignements anodins vous concernant.
Vous pouvez par exemple vous abonner aux « Actu’Itinera » hebdomadaires (tous les vendredis) du projet « Itinera Electronica » de l’université de Louvain en Belgique :
http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/inscrip.htm
Latine Loquere vous propose également une newsletter à une fréquence à peu près mensuelle :
http://www.ac-grenoble.fr/lycee/diois/Latin/contact.html
Enfin, comble du raffinement technologique, certains sites vous proposent de vous abonner à leur très pratique Flux RSS qui vous évite d’aller visiter les sites eux-mêmes pour consulter les nouveautés.
Techniquement, un flux RSS n’est qu’un fichier texte mis à disposition des internautes qui contient les titres des derniers articles mis en ligne par un site web ainsi que les liens vers ceux-ci. Ce fichier est généré périodiquement pour que le sommaire soit toujours à jour.
Pour pouvoir consulter le sommaire des derniers articles d’un site web il faut utiliser un logiciel appelé « agrégateur ». Le logiciel travaille généralement en tâche de fond, et vous avertit dès qu’un nouvel article est disponible sur un site web.
Où trouver un agrégateur ? Vous pouvez aller voir sur Bloglines, agrégateur web gratuit. Avantage : Rien à installer. Inconvénients : En anglais. Connexion au site obligatoire pour savoir s’il y a de nouveaux articles.
Vous pouvez également utiliser Mozilla Thunderbird, client mail gratuit, avec fonction de lecture des flux RSS. Avantage : Tant que le client mail est allumé, l’utilisateur est prévenu s’il y a de nouveaux articles.
http://www.mozilla.org/products/thunderbird/
II. Créateur, consommateur, pudeur
1°- Agir en créateur et non en consommateur
Tout comme le professeur qui prépare ses cours peut très bien suivre le parcours proposé par son manuel de la première à la dernière page sans jamais s’en éloigner ou proposer un document extérieur, quitte à ennuyer les élèves avec certaines séquences mal construites (si si, cela existe !), l’enseignant en quête de ressources sur le Net, peut adopter deux attitudes totalement opposées.
La première consiste à emprunter à ses collègues des documents de travail dont il va indiquer l’origine, qu’il va remanier pour les adapter à ses élèves, et qu’il pourra remettre en ligne après ces adaptations pour en faire profiter toute la collectivité. La seconde se résume à un pillage sans vergogne et sans respect pour le droit à la propriété intellectuelle.
« Après tout, ils l’ont bien cherché en mettant leurs documents en ligne ! » pourraient être tentés de me répondre les plus revêches d’entre vous. Ce à quoi je vous répondrai que la plupart des enseignants qui mettent des ressources en ligne ne sont pas des nombrilistes auto-satisfaits de leur travail qui se présentent comme des modèles et éprouvent un plaisir narcissique à être imités. Bien au contraire, ces enseignants sont le plus souvent en quête d’échanges et de réflexion autour de leurs pratiques et souhaiteraient avoir un retour d’au moins 1% des collègues qui téléchargent leur travail.
Enfin, il est navrant de se dire que certains professeurs, qui doivent enseigner à leurs élèves les règles du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle, profitent de l’anonymat d’Internet pour opérer un tel plagiat numérique. Le professeur doit au contraire montrer l’exemple dans l’utilisation d’Internet en adoptant une démarche de créateur et non suivre la mouvance en restant dans la catégorie des consommateurs.
2°- Pudeur intellectuelle
Une fois l’écueil du consumérisme évité, reste encore, avant de mettre en ligne ses premiers documents personnels, à vaincre une certaine pudeur intellectuelle.
Cette pudeur intellectuelle n’est pas une réaction naturelle chez les enseignants français, mais un réflexe conditionné à la fois par des siècles de tradition universitaire et par l’individualisme qui règne encore dans les préparations aux concours de recrutement des personnels enseignants.
Beaucoup d’entre nous craignent également à tort que leurs publications en ligne leur soient reprochées par leur hiérarchie ou leurs inspecteurs, alors que ces derniers sont sans cesse en recherche de contenus pour les sites d’établissement ou d’académie. Certes, diffuser son travail en ligne c’est prêter le flanc à la critique, mais c’est déjà une preuve que l’on travaille et surtout que l’on accepte de remettre son travail en question, qualité indispensable à tout bon pédagogue.
III. Contribuer en ligne
Ça y est, vous êtes fin prêt, bien décidé. Rien ne pourra vous faire changer d’avis : vous allez contribuer en ligne à la cause des langues anciennes. « Oui, mais comment je fais ? »
1°- Créer son propre espace ou contribuer à un espace existant ?
A moins que votre projet n’ait pas encore d’équivalent en ligne, nous vous conseillons, plutôt que de créer un énième site consacré à tel ou tel sujet, de proposer vos documents personnels à un site contributif ayant déjà pignon sur rue sur le Web.
Cette option règle de nombreuses contraintes liées à l’édition sur le Web : l’hébergement de vos documents (espace d’hébergement gratuit limité en taille et souvent tributaire de la publicité imposée par votre fournisseur), la création des pages Web (site classique ou blog) et leur mise à jour, la lisibilité sur le réseau Internet mondial (la multiplication des sites rend la recherche d’information de plus en plus difficile sur le Web), et enfin le référencement de votre travail qui sera bien meilleur s’il se trouve sur un site Internet connu et fréquenté.
Un précaution à prendre cependant si vous comptez proposer à un site vos travaux personnels : s’assurer que le site fasse bien mention des auteurs de chaque document et ne s’approprie pas le travail de ses contributeurs.
Enfin, avant de vous lancer dans des « grands travaux » de conception de site Web, pensez d’abord à alimenter les sites d’établissement et les rubriques disciplinaires des sites académiques. Certes, ces solutions vous contraignent à un contrôle éditorial plus rigoureux (chef d’établissement, inspecteur, recteur), mais elles vous offrent surtout des structures déjà en place et solides pour proposer vos travaux.
2°- Site vs. blog
Si vous décidez de créer et de gérer votre propre espace sur le Web, réfléchissez avant toute chose à l’utilisation que vous allez en faire : simple « réservoir » de documents textuels, plateforme multimédia.
L’ouverture d’un blog est désormais à la portée du premier venu (voir unblog ou overblog = TF1 !!!) mais laisse techniquement moins de possibilités qu’un site Web. D’autre part, lorsque vous créez un site Web, vous conservez tous les documents qui le constituent sur votre ordinateur, a contrario, si votre hébergeur blog ferme votre espace pour une raison ou une autre, tout ce qui a été fait jusque-là est perdu.
La meilleure solution, pour un premier site, associant simplicité de réalisation et liberté technique est de réaliser son site avec un logiciel gratuit de type Guppy)qui ne nécessite aucune connaissance en langages html, php et mysql.
3°- Que mettre en ligne ? Où mettre en ligne ?
Si vous ne souhaitez pas héberger vos documents sur le site de votre établissement ou de votre académie, voici, parmi tant d’autres, quelques suggestions de sites, connus et moins connus, auxquels vous pouvez contribuer en toute confiance.
a) pour le professeur
Weblettres
En quelques années, Weblettres a su s’imposer comme un portail majeur pour l’enseignement des lettres et a grandement participé au développement de la mutualisation du travail chez les enseignants de lettres. A l’adresse ci-dessous, vous trouverez un guide simple et précis vous indiquant la procédure à suivre pour mettre en lignes vos documents sur le site.
http://www.weblettres.net/pedagogie/index2.php?page=mit
Hélios
Le projet Hélios de l’académie de Grenoble et de l’université de Louvain, recherche quant à lui des concepteurs de séquences en ligne en latin et grec pour le collège et le lycée, et propose dans son « Espace didactique » un modèle de « fiche didactique » à remplir pour présenter une séance ou une activité pédagogique expérimentée en classe.
http://helios.fltr.ucl.ac.be/default.htm
Latine Loquere
Le site d’établissement Latine Loquere se propose d’accueillir toutes sortes de documents textuels : textes appareillés, leçons, fiches civilisation, questionnaires de lecture, questionnaires vidéo…
http://www.ac-grenoble.fr/lycee/diois/Latin/index.html
mais également iconographiques, audio ou vidéo (sur son annexe YouTube, LatineLoquereTV ) :
http://fr.youtube.com/user/oscardu26
Le site met également en ligne les productions des élèves, travail contributif valorisant pour les élèves.
Enfin, un espace est consacré à la promotion des langues anciennes et mutualise toutes les initiatives intéressantes proposées par les collègues.
http://www.ac-grenoble.fr/lycee/diois/Latin/promoLatin.html
Cours de latin
Le très esthétique site « Cours de latin » se veut également contributif. Il faut cependant montrer patte blanche : l’accès à ses ressources ne se fait que sur inscription et après avoir fourni un document personnel. http://www.coursdelatin.fr/
MesExercices
Comme son nom l’indique, le site MesExercices.com compile les exercices auto-corrigés réalisés par les contributeurs du site
http://www.mesexercices.com/latin/ .
b) avec les élèves
Le travail collaboratif en ligne se révèle également très formateur et très motivant lorsqu’il est mené avec les élèves ( !!! avec autorisation de diffusion en règle signée par les parents !!!). En effet, les élèves sont alors doublement motivés par le fait d’utiliser l’outil informatique, mais également d’avoir, au terme d’un travail généralement collectif, apporté leur pierre à la construction de l’édifice Internet.
Ainsi, avec ses classes on peut par exemple envisager de
=> participer à l’élaboration d’un dictionnaire contributif
http://www.ac-grenoble.fr/lycee/diois/Latin/dicofrancaislatin.htm
=>mettre en ligne des travaux d’exposé papier, sonores ou vidéo
=> réaliser des dossiers numériques
=> faire réaliser par les élèves eux-mêmes des exercices de grammaire auto-corrigés en ligne
=> créer ou compléter des articles sur Wikipédia (cf. le guide « débuter sur Wikipédia
http://www.ac-grenoble.fr/lycee/diois/Latin/multimedia/B2iSo[…] )
=> constituer des galeries iconographiques sur un thème d’étude précis
=> mettre en place par le biais d’un blog ou d’un forum des échanges ou défis entre classes d’établissements scolaires différents
et bien d’autres choses encore…
En espérant que ces quelques pistes vous auront donné des idées et montré que tout le monde peut, à son niveau, participer à cette mutualisation indispensable, je vous propose que, pour cette rentrée 2008-2009, nous prenions toutes et tous cette bonne résolution : « Cette année, je me lance dans le travail contributif en ligne ! »
Agenda : « Associations d’enseignants et travail collaboratif : quels modèles ? » – Une journée de réflexion organisée par Les Clionautes, Sésamath, WebLettres et l’INRP – le mercredi 24 septembre 2008