Rouen, le 06/09/08
Muriel QUONIAM
1 bis rue Pierre Curie
76100 ROUEN
A Monsieur Darcos,
Ministre de l’Education Nationale
Monsieur le Ministre,
Je suis très choquée par les propos méprisants que vous avez tenus lors de l’audition de la commission publique des finances au Sénat, le trois juillet dernier, vis-à-vis du travail des enseignants de petite section d’école maternelle, dont la fonction serait essentiellement de « faire faire des siestes à des enfants ou leur changer les couches ».
Cette réflexion prouve votre ignorance totale de l’école maternelle, des enfants qui la fréquentent et du personnel qui y travaille. Elle n’a pour but que d’amuser la galerie sur le dos d’une institution publique (et de son personnel) dont votre souci essentiel est de convaincre l’élu et l’électeur qu’elle doit disparaître car trop coûteuse.
Comme pour les nouveaux programmes et le reste des réformes que vous avez jusque là fait passer, vous n’argumentez pas, mais vous contentez de petites phrases, dignes du Café du Commerce, qui ont – hélas- beaucoup plus d’impact que les argumentations étayées.
J’entends d’ici mes collègues de petite section justifier de leur réel travail (qui n’a, entre nous, jamais consisté à changer les couches puisque la condition d’accueil en maternelle est la « propreté »…) avec vingt-cinq à trente enfants par classe. Mais est-ce utile ? Vous la connaissez, la qualité de notre école maternelle… mais vous n’avez plus les moyens de l’entretenir : il est là, le fond du problème !
« Quand on veut se débarrasser de son chien, on dit qu’il a la rage !» N’est-ce pas votre maxime concernant l’école maternelle ?
Et puis, pour évoquer cet odieux parallèle hiérarchique que vous osez faire entre l’enseignante de petite section et celle de CM2, sachez qu’après trente ans d’enseignement en maternelle, j’ai intégré l’an dernier… un CM2, ravie que la profession m’offre cette possibilité de « reconversion », tout comme des collègues l’ont effectuée en sens inverse avec le même bonheur. Je peux vous assurer que nous exerçons le même métier, parce que nous avons affaire à des enfants… qui n’ont pas les mêmes besoins certes, mais ont tous la même soif d’apprendre et la même jubilation face à chaque pas franchi !
Entre nous, à mes yeux : le plus difficile n’est pas l’enseignement en CM2 !
Encore faut-il reconnaître qu’enseigner n’est pas dispenser une série de connaissances, mais maîtriser un savoir-faire : c’est un métier, cela s’apprend… et pour cela je suis allée à l’école normale, mes collègues à l’IUFM… mais – bon sang mais c’est bien sûr ! – cela ne sert plus à rien puisqu’il suffit d’avoir bac + 5 pour enseigner !
Monsieur le Ministre, je suis triste et très en colère d’assister au dénigrement par les moyens les plus vils de cette institution qu’on nous enviait de par le monde : cette école maternelle qui permettait aux enfants d’être accueillis dès deux ans gratuitement, partout sur le territoire français, quelles que soient les conditions socio-professionnelles des parents, et qui plus est dispensait éducation et enseignement de qualité.
Du dénigrement au désengagement, il n’y a qu’un pas… de la maternelle à l’élémentaire : ce sera le pas suivant ?
Veuillez croire, Monsieur le Ministre, en mon dévouement pour l’école de la République.
Muriel Quoniam
Maîtresse d’école en CM2
ROUEN