Par François Jarraud
Naître dans une famille nombreuse, est-ce un handicap ? Oui répond l’Insee. L’actualité des familles c’est aussi la question de l’incompréhension. Peut-on comprendre l’adolescent ? Et lui quelle importance accorde-t-il à la famille ?
La destinée négative des familles nombreuses
« Une famille très nombreuse aurait en elle-même une influence négative sur la destinée sociale ». L’affirmation serait choquante si elle ne résultait d’une étude réalisée par Dominique Merllié et Olivier Monso pour l’Insee. Leurs travaux établissent en effet que, toutes caractéristiques sociales mises à part, le fait d’avoir plus de 2 frères ou sœurs influe négativement sur la réussite sociale.
Ainsi la probabilité d’avoir un diplôme supérieur varie du simple au double selon la taille de la fratrie, la mobilité sociale également. Par exemple l’accès à la catégorie cadre quand on est fils d’ouvrier passe de 7 à 15% selon l’importance de la fratrie. L’effet se fait aussi sentir chez les fils de cadres (49 et 56%).
Les auteurs avancent deux hypothèses qui intéressent directement l’école. Selon eux ces inégalités sociales sont liées au fait que la probabilité d’accès au diplôme n’est pas la même selon l’importance de la fratrie. A diplôme égal les inégalités disparaissent.
Par conséquent, ils interrogent les styles éducatifs des familles nombreuses et peu nombreuses pour expliquer ce facteur d’inégalité sociale. » Ainsi, des enfants nombreux vivent davantage en interaction entre eux, dans une société d’enfants ; des enfants uniques ou peu nombreux (et aussi d’âges espacés) sont plus continûment plongés dans une société d’adultes : les conditions du développement intellectuel et social peuvent en être affectées. Les mères des familles nombreuses sont plus souvent inactives, de sorte que leurs enfants, gardés chez eux, sont moins souvent ou moins précocement confrontés à d’autres lieux de socialisation que leur foyer. Les pratiques éducatives peuvent aussi être affectées. Une étude associant un questionnaire détaillé sur ces pratiques et des tests du développement intellectuel des enfants a permis de constater que les styles éducatifs pouvaient constituer l’une des médiations entre « classe sociale » et développement intellectuel (Lautrey J., 1980). Un style éducatif rigidement structuré, plus fréquent dans les familles des classes populaires, est également lié aux conditions de logement et au nombre des enfants : un ordre éducatif contraignant peut correspondre au défaut des conditions matérielles qui rendraient possible une structuration plus souple et plus négociée de l’environnement éducatif, qui apparaît plus favorable au développement intellectuel ». C’est finalement l’autoritarisme qui nuirait aux familles nombreuses.
L’étude (en pdf)