Isabelle Lardon
La Fondation de France a
encouragé financièrement des projets de
coopération entre parents et enseignants. Pour rendre compte
de ces expériences, elle a demandé à
Martine Kherroubi, sociologue de l’éducation, chercheur et
enseignante à l’IUFM de Créteil,
spécialiste des questions sur les transformations des
professions enseignantes, la discrimination positive à
l’école, de travailler avec deux autres sociologues et de
synthétiser les expériences recensées
dans des écoles.
Cet important travail de collecte a permis un état des lieux
de pratiques – pas spécialement innovantes ou
expérimentales, mais très diverses. La forme
même de la restitution de l’enquête (rapporter un
maximum de points de vue) nuit un peu à sa
lisibilité : des choses déjà dites
trois pages plus haut sont reformulées
différemment selon l’interlocuteur interrogé.
La question de la place des
parents dans l’école n’est pas neuve : après la
loi d’orientation de 1989, les droits des parents dans
l’école ont été recadrés
dans un texte de 2006.
L’ouverture de
l’école aux parents se fait par une multitude de pratiques.
De la plus ordinaire (entretien avec l’enseignant) à la plus
sophistiquée (groupes de paroles avec le psychologue
scolaire, par exemple), de nombreuses modalités : accueil et
observations dans la classe, participation à la
préparation d’évènements
dans l’école, accompagnement de groupes
d’élèves pour des sorties ponctuelles, ou pour
des activités régulières comme la
bibliothèque ou la piscine, participation à des
réunions ou investissement dans les instances
institutionnelles (conseil d’école).
C’est pour les
auteurs la marque que cette relation a du mal à s’installer,
entre des enseignants qui ont peur d’être attaqués
dans leur légitimité et des parents usagers ayant
un avis sur l’école. Les enseignants ont souvent le
sentiment de ne pas avoir appris les gestes professionnels à
effectuer, et les pratiques varient au gré des individus.
Les parents ne sont donc pas égaux devant leurs droits. Les
politiques d’ouverture, parfois, paradoxalement, les en
écartent.
L’ouvrage insiste
sur plusieurs points importants :
−
C’est lorsque les enfants deviennent
élèves que les parents deviennent parents
d’élève. Derrière le
truisme, l’idée que c’est une relation
obligée, qui n’est pas naturelle, dans laquelle chacun est
engagé « malgré soi» :
enfants, parents et enseignants.
−
Au départ, enseignants et parents peuvent avoir
des intérêts communs. Les enseignants
ont besoin des parents pour assumer des tâches
éducatives considérées comme
nécessaires à l’efficacité de leur
action ; les parents cnfient leurs enfants à l’institution
pour qu’elle les fasse réussir. Gilles Monceau parle d’une
« ambiguïté »
cependant « efficace » dans les
intentions croisées des enseignants et des parents.
−
La première des relations est celle qui se tisse
entre le parent et l’enseignant de son enfant, en direct, qui va
permettre d’autres types de coopération
ultérieurs. Elle est basée sur
l’engagement personnel de l’enseignant,
très personnalisée. Le climat de
confiance est un atout majeur pour développer la
coopération. Elle ne peut exister que quand les
rôles de chacun sont clairs, les droits et les devoirs
réciproques définis, quand l’école est
rendue accessible, familière.
−
Lorsque la participation des parents est engagée
dans des activités de l’école, cela peut
rapprocher les parents des « modèles
éducatifs » qu’ils transfèrent dans la
famille. La proximité avec les enseignants permet aux
parents de mieux connaître le système scolaire et
de partager certaines préoccupations des enseignants.
−
Mais tous les parents ne participent pas de façon
égale ; il y a les parents « participatifs
» et la difficulté est grande de faire sortir les
« autres » d’un rapport individuel à
l’école. Plus on appartient à des couches
sociales élevées, plus les valeurs
éducatives de l’Ecole sont proches, et
inversement. D’où la difficulté
à exercer les fonctions de parent «
délégués » lorsque la
composition sociale de l’Ecole est
hétérogène.
On ne sera pas surpris
d’apprendre que certains acteurs de l’Ecole ont un
rôle-clé dans les relations avec les parents :
– l’ATSEM, dont l’importance
n’est pas toujours prise en compte dans les projets
formalisés par l’institution, est un relais entre
l’école et la famille, en particulier lorsqu’elle
est de plus grande proximité géographique,
sociale ou culturelle avec les familles de milieu populaire qu’on a du
mal à toucher à l’école. Par les soins
corporels et les relations individualisées avec l’enfant,
elle l’aide à s’adapter au groupe, à s’immerger
le plus confortablement possible dans l’univers scolaire.
– le directeur
d’école, dont l’une des missions est d’assurer les
« relations extérieures Contraint à
« naviguer » entre les uns et les autres, ses
qualités de négociation et son investissement
personnel ont une grande influence sur ces fonctionnements, et
l’ambiance change quand le directeur change…
Des parents dans l’école.-
sous la direction de Martine KHERROUBI.- Erès/Fondation de
France, 2008.- 221 pages.- 23€
Le site
de l’Editeur
Cette année, les élections de parents au conseil
d’école ont lieu les 17 et 18 octobre.
Un colloque «
Ecole-famille : « quelle place pour les parents »
organisé par Cap Canal (chaîne de
télévision de l’éducation
dirigée par Philippe Meirieu) et la région
Rhône-Alpes aura lieu en novembre à Lyon.
http://www.orientation-lyon.org/choix/actualites/index.php?id=787&cat=9
Les syndicats diffusent
un document pour expliquer leurs points de vue sur
l’enseignement et l’apprentissage.
http://www.sgen-cfdt.org/actu/article1738.html
« Fenêtres sur
cours », hebdomadaire du SNUipp, présente un
dossier « Parents-enseignants : un lien professionnel
» dans son dernier numéro
daté du 29 août.
http://www.snuipp.fr/spip.php?article4360
Le ministre
s’adresse adressé aux parents pour
présenter toutes les réformes en cours dans son
allocution de rentrée. Un livre sur les programmes est
diffusé massivement
http://media.education.gouv.fr/file/Espace_parent/16/4/Guide_parents2008_34164.pdf
Clairement, le
ministre communique à fond dans l’espoir que les
parents soient son relais politique pour faire passer les modifications
de programmes. Cette guerre des communicants montre bien que
c’est l’opinion qui fera gagner (ou perdre)
l’un des protagonistes…