Par Julie ANNE
Tout l’enjeu du livre intitulé Les Dix plaies d’Internet est présenté dans l’avertissement fait par l’auteur dans l’introduction : « cet ouvrage n’est pas un pamphlet contre Internet« . En effet, si Dominique Maniez -enseignant à l’ENSSIB- précise cela, c’est que le titre et peut-être une contre-vague éditoriale pourrait laisser à penser cela. L’idée est non pas de critiquer les pratiques des usagers, voire les usagers eux-mêmes, mais de partir de ces pratiques pour les analyser, sous tous les angles et amener à de nouvelles réflexions (parfois laissées volontairement en suspens… liberté laissée au lecteur), proposer éventuellement des solutions : discussions parents/enfants, enseignants/élèves…
Les dix plaies d’Internet : lecture
Si ce livre revient sur des points sensibles concernant cet outil, c’est davantage pour nous proposer une lecture critique des usages qui en sont faits que pour en dénoncer les dangers (hackers, pornographie, et autres « sujets- chocs « ). L’idée-force du livre est « esprit critique » : prise de recul par rapport à Internet, dont le vrai problème (en même temps que la formidable avancée, paradoxalement), est d’être à ce point entré dans les mœurs…que nous n’en voyons parfois plus à quel point il fait partie du quotidien…au risque de ne plus avoir ce fameux doute raisonnable !
Ces dix points ne sont donc volontairement pas exhaustifs, mais pointent plutôt ce qui relève de notre pratique quotidienne la plus banale… et ce en quoi le risque de perdre toute distance critique est le plus élevé. Le livre commence notamment avec la « googelisation des esprits», en rappelant notamment, à côté de toutes les questions à se poser sur l’antagonisme liberté-transparence / économie-hégémonie les limites de l’intelligence artificielle et l’indispensable rôle des bibliothécaires et documentalistes pour l’indexation.
Suivent les questions posées par le téléchargement en ligne et les problèmes de droits d’auteurs (où d’ailleurs on y trouvera un point fait sur l’actualité et les dernières avancées législatives), la question de la validité des informations labellisées « Web » (avec l’insolente idée d’instaurer un « permis d’écrire »), le fameux Web 2.0 (résumé en » l’utilisateur peut rajouter son grain de sel »)… On y lira encore la fracture numérique, le copier/coller, le fichage des informations et la vie privée, et même l’utilisation pédagogique des TICE (avec une intéressante réflexion sur la « fatalité » de la présence de son apprentissage dans le Socle commun…). On apprendra/retiendra à l’occasion l’expression » larvatus prodeo » ( » j’avance masqué » – citation tirée d’une oeuvre de Descartes), lorsque l’auteur aborde la question de l’anonymat des auteurs.
Pas mal de questions récurrentes certes, mais synthétisées et interrogées avec des points de vues et des angles d’attaque pour chaque sujet, tourné et retourné à chaque fois dans tous les sens. Si tout le contenu ou toutes les pistes lancées du livre n’apprendront somme toute peut-être pas beaucoup de choses fondamentalement nouvelles pour les documentalistes, il offre du moins un très bon condensé, une actualisation de nos connaissances en la matière et une vigoureuse piqûre de rappel. On pourra y puiser des argumentaires pour défendre ou pourfendre les positions des uns et des autres sur l’information numérique. Pour le grand public, n’en doutons pas : que de choses à y apprendre!
Et pour l’anecdote: un des contributeurs de la liste Biblio.fr, cité dans le livre, est appelé par l’auteur » documentaliste-professeur « : si l’inversion est singulière, l’essentiel y est, non ?
Références :
MANIEZ, Dominique. Les dix plaies d’Internet : les dangers d’un outil fabuleux. Paris, Dunod, 2008.
19 euros
Lien vers l’éditeur avec une présentation de l’ouvrage et la possibilité de le feuilleter en ligne
http://www.dunod.com/pages/ouvrages/ficheouvrage.asp?id=51586