Par Françoise Solliec
« Découvrir et partager avec l’e-éducation », tel était le thème de la manifestation organisée conjointement à Pau le mercredi 14 mai par le conseil général des Pyrénées-Atlantiques, l’agence numérique départementale et le rectorat de Bordeaux. Un thème qui, décliné en plusieurs chapitres, usages dans la classe, usages pour l’administration, usages pour le grand public, parlait manifestement aux quelque 600 participants inscrits à la journée.
Des ateliers très divers reflétant la richesse des utilisations des outils numériques dans le département
Comme beaucoup de collectivités, le CG 64 est fortement engagé, depuis plusieurs années, dans le développement des TICE au sein des collèges, en partenariat avec l’Education nationale. De manière sans doute plus originale, il s’est doté d’une agence départementale numérique pour accompagner les établissements dans la mise en œuvre des équipements informatiques et maintenant dans celle d’un environnement numériquede travail, « Argos 64 ».
Celui-ci, est-il dit sur le blog de l’agence consacrée à la journée du 14 mai « constitue le premier bouquet de services intégralement en logiciels libres mis à disposition de tous les collèges d’un territoire. Il accompagne les politiques de dotation du Conseil général en tableaux numériques interactifs et en baladeurs MP3 ».
Pour montrer et valoriser les utilisations de ces nouveaux outils, cette 3ème journée e-éducation proposait, comme les précédentes, une très large palette d’ateliers, comme on peut en juger en lisant le programme de la journée. Le Café était d’ailleurs invité à y faire une présentation …
Comme l’année dernière, à en croire l’article de notre consœur Monique Royer sur la manifestation d’Anglet en 2007 paru dans le Café pédagogique, les problématiques locales étaient à l’honneur : étude du patrimoine, utilisation de la plate-forme Ilias supportant Argos 64, les outils numériques dans les langues régionales, le travail sur l’eau et le développement durablequi sera présenté à Saragosse prochainement, etc.
Dans l’introduction à la journée, que se partagèrent la principale du collège d’accueil, Marguerite de Navarre, le directeur de l’agence départementale numérique, le directeur de l’éducation du conseil général, l’inspecteur d’académie et trois élèves, représentant cette nouvelle génération née avec la souris et l’utilisation d’Internet, les intervenants insistèrent sur la nécessaire égalité du territoire et l’obligation d’assurer à tous les élèves l’accès à l’outil informatique, avec par exemple de l’équipement en milieu très rural ou des détournements de la plate-forme ENT pour faire travailler les élèves handicapés.
Des usages dans la classe
Dans l’atelier consacré à l’utilisation des TICE dans le 1er degré), trois exemples étaient donnés.
Dans les deux premiers, il s’agissait d’utiliser un même ENT entre plusieurs classes distantes (les écoles utilisent soit la plate-forme du conseil général Argos 64, soit la plate-forme Argos gérée au rectorat).
Ainsi, les professeurs de deux classes de cycle 3 font travailler leurs élèves sur de l’expression orale en anglais, en commentant des images créées par les enfants, visibles sur l’ENT. Les phrases, composées par les élèves répartis en petits groupes de l’une et l’autre classe, sont enregistrées avec le logiciel Audacity, puis déposées elles aussi sur l’ENT. Tous les documents sont accessibles en et hors temps scolaire.
De même, 4 classes de cycle 3 réalisent ensemble sur toute l’année l’écriture d’ « un roman à 4 mains ». Chacune des classes intervient dans la composition du scénario en faisant des propositions sur lesquelles les autres se prononcent (on définit de cette manière le choix du type d’histoire, du personnage principal, du lieu de l’action, du personnage secondaire). Tous les documents sont déposés sur la plate-forme et le dialogue se fait par messagerie (chaque classe a un compte). On passe ensuite à l’écriture des différentes parties et aux illustrations. Lorsqu’une classe a écrit sa partie (environ 15 jours), les autres lisent, commentent et suggèrent des améliorations, que la classe auteur incorpore dans un travail de réécriture. Les illustrations sont, sur le même principe, sélectionnées par vote. Le roman est ensuite mis en page en revenant dans un traitement de texte.
Le dernier exemple montrait à l’aide d’une vidéo, le travail engagé par la professeure des écoles, qui arrivant dans une classe de cycle 2 très rurale s’est retrouvée dotée à la rentrée d’un TNI non demandé, sans expérience d’utilisation. Elle a souhaité relever le défi, a suivi une formation de 2 demi-journées et s’est lancée dans une utilisation quotidienne de l’outil, en apprentissage de la lecture. Elle a donc, à partir d’une méthode de lecture, numérisé divers éléments, fabriqué ses séqueces et envoyé les élèves au tableau pour travailler dessus (assemblage d’images, déchiffrage de mots, reconnaissance de lettres manquantes, etc). Ce qui semble le plus frappant, c’est le rapport collectif au livre de lecture qui s’instaure dans la classe. Les élèves sont visiblement captivés par ce mode de travail, qui permet le retour en arrière et facilite la préparation de la leçon pour le maître. Certes, si l’on veut généraliser ces pratiques, les TBI sont encore chers, mais on peut recréer des fonctions de déplacement avec les nouvelles souris Wii et n’avoir ainsi besoin d’investir que dans un video-projecteur et un ordinateur.
Des usages pour l’administration
Plusieurs ateliers se référaient à ce thème. Nous avons participé à celui qui montrait l’utilisation d’Argos 64 comme outil de dialogue et de partage d’informations entre le conseil général et les collèges du département.
La dernière loi de décentralisation oblige le conseil général à définir un cadre juridique de travail beaucoup plus précis avec l’éducation nationale. En effet, des problèmes de conventionnement et des nécessités de partage d’information surgissent pratiquement dans tous les domaines de fonctionnement de l’établissement : travaux, utilisation de locaux hors temps scolaire, restauration, assurances, etc.
L’utilisation des locaux du collège hors temps scolaire est un exemple intéressant, qu met bien en lumière le besoin de formalisation de l’opération et l’échange d’informations entre les acteurs. En effet 4 signataires doivent s’engager, le chef d’établissement, le président du conseil général, le maire de la commune et le représentant de l’organisme demandeur. Le dialogue en amont doit avoir permis de régler les problèmes de surveillance, de respeonsabilité et d’assurances, de coût éventuel à la charge du demandeur, etc. Un modèle de convention a été proposé et est soumis pour l’instant aux établissements et aux mairies.
Argos64 permet ici le dépôt des documents, les commentaires via un forum et, ultérieurement, le suivi des conventions.
WebCampus 64, la culture pour tous
La problématique de diffusion et d’appropriation des nouveaux outils de communication du conseil général des Pyrénées-Atlantiques ne se limite pas à un public de jeunes, bien au contraire. Il paraît en effet essentiel de permettre un accès à la culture aux personnes âgées ou de milieu rural qui ne se déplacent pas aisément et qui n’ont que peu d’occasions de sorties culturelles. C’est ainsi que le CG a retneu la proposition de création d’une chaîne de diffusion Internet sur 100 points d’accès distants, les cyberbases et les établissements du département étant des points de diffusion privilégiés.
Cette année ce sont principalement les conférences de l’université du temps libre d’Aquitaine qui ont ainsi été diffusées. Les participants distants ont pu intervenir en temps réel, par chat, auprès du conférencier.
Les points distants ont besoin d’être équipés d’une liaison haut-débit Internet (ADSL ou autre), d’un ordinateur et, pour une bonne visibilité, d’un video projecteur. Le tournage, réalisé dans la salle de conférence est directement diffusé sur l’adresse Internet communiquée aux points distants qui se sont inscrits par avance à la conférence. Un procédé simple, gratuit pour les points de diffusion et qui pourrait faciement accroître le rôle culturel des établissements scolaires, surtout dans les zones rurales.
En guise de conclusion, un entretien avec Antoine Bidegain, de l’agence numérique départementale, réalisé par Monique Royer
Quels étaient les objectifs de cette journée ?
Cette année est une confirmation des choix opérés l’an dernier par le département. Pour donner des conditions de succès aux collèges, nous avions retenu la logique d’appel à projets (projets locaux émanant des établissements) et la mise à disposition de réseaux pour se connecter. L’accent est mis sur l’accompagnement. La journée sera le reflet de cela avec une moisson d’usages. Comment les établissements s’approprient-ils les outils et les adaptent-ils à leurs besoins (exemple de la plateforme ILIAS) ? L’an dernier, des projets autour des langues (utilisation du baladeur MP3) et du patrimoine ont été présentés. Depuis, ils ont foisonné avec l’émergence de nombreux petits projets. On pourra voir un dessin animé en ligne sur la citoyenneté, les usages technologiques pour le handicap … Ces projets répondent à des besoins. La technologie peut devenir bloquante si elle est trop lourde ou si c’est une fin ensoi. Par contre, si on facilite son appropriation, des micro systèmes d’innovation naissent. Les enseignants qui présentent les projets ne sont pas des pilotes, mais des enseignants qui ont su en un an développer des usages et viennent en parler.
Comment mesurez-vous les évolutions des usages des Tice dans les Pyrénées Atlantiques?
Nous pouvons utiliser des indicateurs quantitatifs et qualitatifs. A la suite de la journée au collège Endarra l’an passé, un appel à projets a été lancé. 48 collèges ont répondu , on particulier pour des demandes de tableaux blancs interactifs. 2000 baladeurs MP3 ont été demandés. 6000 utilisateurs réguliers ont été enregistrés sur la plateforme. Intuitivement, on sent que les gens ont envie de créer, d’innover. On sent aussi des attentes par rapport à cette journée : 650 personnes se sont inscrites.
Quel rôle pour cette journée ?
Le rôle d’une galerie. C’est surtout un outil d’encouragement, un effet de stimulation avec la rencontre de pairs et la présentation d’usages adaptés aux besoins de chacun. C’est un outil de motivation et un moment d’information sur des initiatives développées ailleurs.
Est ce que le succès des projets ne tient pas à ce qu’ils émanent des établissements ?
Les projets sont proposés sous couvert de l’établissement mais n’impliquent pas tout l’établissement. Ce peut être un TBI pour les Svt ou un projet pluridisciplinaire. Mais pour que cela fonctionne, il faut qu’il y ait une réelle identification de ce qui se fait par l’établissement. Par exemple, pour les projets utilisant le MP3, 10 à 15% des élèves n’ont pas d’accès ADSL chez eux. Il faut donc créer les conditions favorables pour qu’ils puissent utiliser l’outil, télécharger, dans l’établissement (au CDI par exemple). Tout l’établissement doit être mobilisé.
Autre raison du succès : la complémentarité des acteurs ?
Le rectorat de Bordeaux a en charge la formation disciplinaire et à l’utilisation des outils. Le Conseil Général fournit le contexte technique. L’échelon intermédiaire, c’est l’Agence du Numérique. Elle couvre la zone des besoins non traités, l’accompagnement méthodologique et l’animation. Il faut être présent, relancer, détecter les besoins techniques.
L’accompagnement scolaire ne va t-il pas bouleverser ces relations entre les acteurs avec plus de perméabilité, vous avez donc une longueur d’avance ?
Cette question rejoint la question de l’utilité des travaux personnels semi encadrés. Pour l’accompagnement scolaire, chacun devra avoir accès aux outils dans les meilleures conditions possibles. Le projet est actuellement en réflexion. Il y a nécessité d’une très grande clarté sur ce que fait chacun. L’agence Numérique amène la sous-couche technique qui favorise le développement de compétences pédagogiques ou ce qui est liés au programme qui ressortent eux de l’éducation nationale. Il y a une grande intrication dans tout cela si tout le monde est d’accord. Le tout est facilité par la simplicité de l’outil ILIAS.
Que sont devenus les films et interviews réalisés l’an dernier par les élèves?
Il y avait énormément de matériaux ! Un film compte rendu a été mis sur le site de la journée de l’an dernier à partir des travaux des élèves. Cette année, les élèves ont travaillé avec les Tic pour un concours mettant à profit les outils sur le thème de l’eau et du développement durable à l’occasion de la prochaine exposition universelle de Saragosse. Le 14, les films seront montrés plus dans l’idée d’expliquer comment ils ont fait pour les réaliser.