X. Darcos toilette les nouveaux programmes du primaire
« Je ne serai pas le ministre qui cède, je serai le ministre qui va au bout des réformes ». C’est sur un ton très combatif que Xavier Darcos a présenté, le 29 avril, le projet de programmes du primaire qui sera présenté au Conseil supérieur de l’éducation, autrement dit, le texte très probablement définitif.
Après avoir tracé un portrait très sombre de l’Ecole, il est revenu, tout au long de son discours, sur les critiques portées sur son projet, dénonçant ses contradicteurs en fossoyeurs de l’Ecole. « On me dit que les programmes rédigés entre 1998 et 2002 n’avaient pas encore fait leur preuve » s’est exclamé le ministre. « Comme s’il fallait encore sacrifier quelques générations scolaires de plus pour avoir l’assurance définitive de l’échec d’une certaine pensée scolaire ! Cette pensée, celle du pédagogisme ». Sur le même ton il a récusé les experts « En quoi le temps des comités d’experts, parfois auto-proclamés, toujours auto-désignés, était-il plus juste ou plus démocratique que cette consultation ouverte et transparente de l’ensemble des acteurs concernés de près ou de loin par ces nouveaux programmes ? »
Il s’est présenté en homme du consensus, rappelant les consultations menées. Il s’est appuyé sur un sondage qui donne 81% de parents en accord avec les nouveaux programmes (mais il a « oublié » de dire que 80% des mêmes jugent que l’école prépare bien les enfants au collège avec les anciens programmes…). En ce qui concerne la consultation des enseignants, il n’a pas mentionné le rejet majoritaire des programmes par les enseignants mais évoqué des « demandes de précision » ou des « demandes de compléments » sur certains points. La lecture de la consultation, qui est publiée, est pourtant éclairante. Pour prendre le point le moins conflictuel, si effectivement la très grande majorité des enseignants jugent les programmes « clairs », de nombreuses équipes accompagnent l’adjectif de précisions qui sont sans ambiguïté. « Clairs oui pour les parents et non pour les professionnels » notent les uns. « Oui parce que ne laissant place à aucune initiative… Les programmes sont trop clairs ! » notent d’autres. « Les horaires restent flous » précise-t-on encore ailleurs…
Par rapport à la version antérieure, le texte des programmes a évolué sur certains points.
D’abord la question des horaires est tranchée. Ainsi en ce2-cm1 et cm2, le français passe de 7 à 8 heures, mes maths de 5h30 à 5h, ce qui correspond au retour aux fondamentaux voulus par le ministre. L’EPS (le ministre parle de sport) est maintenu à 3 heures. La 4ème heure annoncée pourra avoir lieu durant l’accompagnement éducatif. L’horaire de langue vivante est inchangé (1h30). Par contre le reste diminue : 2h au lieu de 2h30 en sciences, 2 h au lieu de 3 pour les pratiques artistiques et l’histoire des arts et donc moins pour les pratiques), 2h au lieu de 3h30 pour l’histoire-géographie – instruction civique et morale.
Le lien avec le socle commun est affirmé avec ambiguïté, dans le sens où les programmes sont récapitulés selon les 7 domaines du socle. Mais leur conception reste totalement étrangère à la philosophie du socle et strictement disciplinaire.
Même ambiguïté pour les cycles. Les programmes sont découpés selon les cycles… mais la liste des « repères » à acquérir reste annuelle, ce qui fatalement jouera sur les progressions.
En maternelle, les programmes modifient la partie consacrée au principe alphabétique (voir l’analyse de R. Goigoux) répondant ainsi à certaines critiques mais ils apprennent à associer lettre et son et « découvrent le principe alphabétique ». La maternelle dispose également d’une liste précise d’acquisitions que l’enfant devra avoir acquis. Les enseignants sont invités à faire découvrir les « œuvres du patrimoine littéraire ». L’apprentissage du vivre ensemble est affirmée.
En français, le programme reste centré « sur l’essentiel ». La grammaire, les conjugaisons, l’orthographe gardent toute leur importance. L’enfant doit être capable au CM2 de conjuguer au plus-que-parfait, à l’indicatif futur antérieur, au conditionnel présent, de faire une dictée de 10 lignes sans fautes, et même de prendre des notes en cours. Mais l’étude de la voie passive, du passé antérieur, du subjonctif et du complément d’agent sont reportés au collège.
En maths, la résolution de problèmes la règle de trois devient une modalité de résolution parmi d’autres; la division par 2 et 5 est maintenue au CE1. La résolution de problèmes est encouragée.
En sciences, le ministre a retenu l’avis de l’Académie des sciences et les programmes affirment l’importance de l’approche expérimentale et de la démarche d’investigation. Le paragraphe sur la biodiversité est renforcé.
En culture humaniste, les pratiques artistiques sont renforcées, les références en histoire des arts allégés. Le ministre a promis la publication sur Internet de ressources pour ce nouvel enseignement. En histoire, l’approche traditionnelle est maintenue. La déclaration des droits de l’homme est intégrée dans les repères. L’instruction civique et morale reste inchangée.
On se rappelle que le Sénat avait conseillé à X. Darcos de publier des documents d’accompagnement conçus dans des termes qui lui permettent de renouer contact avec les enseignants. Ils sont annoncés mais leur diffusion pourrait n’être qu’électronique et le ministre veut des documents « clairs »…
C’est dire que la philosophie générale de ces programmes – catalogues de repères, reste sur le fond inchangée. C’est d’ailleurs clairement exprimé dans leur présentation. » Ce que ces programmes excluent absolument, c’est l’affirmation selon laquelle un seul modèle pédagogique devrait être privilégié en toutes circonstances et dans des classes forcément différentes. Ils invitent les enseignants à réfléchir librement aux meilleurs moyens d’atteindre les objectifs de réussite que la Nation a fixés à son école… C’est pourquoi la liberté pédagogique des enseignants va de pair avec de nouvelles modalités d’inspection des maîtres, davantage centrées sur l’évaluation des acquis des élèves. C’est une nouvelle conception du métier de professeur des écoles qui se dessine ». C’est peut-être ce que le ministre a dit le moins…
Les programmeshttp://media.education.gouv.fr/file/nouveau_programme_du_prim[…]
Le discours de Darcos,la vidéo, le dossier de pressehttp://www.education.gouv.fr/cid21246/projet-de-programmes-[…]
Les synthèses des circonscriptions http://eduscol.education.fr/D0048/sommaire-syntheses-circonscriptions-2008.htmLa synthèse du Café, à partir des remontées des circonscriptions
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/primaire/elementai[…]
Le dossier du Caféhttp://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/Pr[…]
Dont le texte de Goigouxhttp://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/programmes_goigoux.aspx
Dans Libération, le pour et le contrehttp://www.liberation.fr/actualite/societe/323833.FR.php
L’avis du Café dans Libérationhttp://www.liberation.fr/actualite/societe/323659.FR.php
Le débat continueLe Sénat exprime sa « satisfaction » après la publication des programmes du primaire. Les sénateurs estiment que « les propositions formulées par la commission des affaires culturelles le 16 avril dernier ont en effet été très largement retenues ». Ils relèvent notamment que » les sept piliers du socle commun de connaissances et de compétences sont désormais pleinement pris en compte ; le rôle de l’expérimentation dans les sciences a été conforté ». Il y a quand même un point sur lequel le Sénat est peu entendu, c’est la démarche demandée au ministre vers les maîtres. « Il est sans aucun doute bon que les programmes soient rédigés dans une langue claire et compréhensible par tous. Pour autant, il n’y a à mon sens aucune nécessité à se priver des documents d’accompagnement qui permettent d’expliciter de manière technique et détaillée ces programmes à l’intention des enseignants » écrivait la Commission Valade. « Ces documents pourraient être les supports de toutes les clarifications à destination de la communauté éducative, afin de rassurer les uns et les autres ». Si des documents d’accompagnement sont annoncés par le ministre, leur date de publication, leur forme, les moyens de leur diffusion sont encore flous.
Satisfait aussi, bien sûr, le ministre qui a déclaré à l’AFP à Clermont-Ferrand lors du congrès de la Peep : » L’avenir de nos enfants est trop important pour l’abandonner aux idéologues et aux pédagogistes… Ce qui me préoccupe, ce n’est pas ce que les professionnels de l’éducation diront de ces programmes au cours des dix prochains jours, c’est ce que ces programmes permettront à nos enfants de devenir dans 10 ans ».
Insatisfaits, les syndicats, les experts et les formateurs.
Ainsi le Sgen Cfdt qui demande à X. Darcos « d’abandonner l’idéologie et d’accepter un moratoire ». Le syndicat estime que « ces nouveaux programmes redessinent l’École du passé » malgré quelques « habillages ». « L’idéologie qui a présidé à l’élaboration de ces programmes les rend tout à la fois mécanistes dans l’apprentissage et simplistes dans l’acquisition des savoirs. Le ministre le revendique d’ailleurs dans son discours de présentation,en accusant le pédagogisme de tous les maux, en dénigrant les “comités d’experts“, en ignorant l’avis des professionnels de l’Éducation… »
Le Snuipp invite à une lecture comparée du projet et du nouveau programme. La comparaison est confondante. On observe peu de modifications si ce n’est la suppression des formules les plus rétrogrades. Ainsi en maternelle, disparaît la référence aux « imagiers », l’obligation d’apprendre 10 mots par semaine en petite section ou encore la liste des consonnes à apprendre à ânonner en moyenne section. Disparaît aussi l’affirmation fausse mais révélatrice « le principe alphabétique régit la transcription des sons en français : une lettre transcrit un son ». On ne peut qu’inviter les maîtres à découvrir ces documents.
Le Se-Unsa « constate que les modifications apportées au projet de programmes pour l’école primaire visent d’abord un affichage d’écoute.. Cette nouvelle version ministérielle, au-delà de retouches cosmétiques, ne change pas les défauts de conception du projet : manque de rigueur scientifique, approches mécaniques des apprentissages, alourdissement des programmes avec moins d’heures de cours, déconnexion avec le développement psycho-affectif des enfants, inspirations nostalgiques éloignées des réalités sociales du XXIème siècle… Affirmer que l’on parviendra ainsi à « diviser par trois, en cinq ans » le nombre d’élèves en grande difficulté, relève de la méthode Coué ».
Toujours sur le site du Snuipp, le mathématicien Roland Charnay analyse en détail les programmes de maths. Il relève que » le volume de connaissances qui ont migré du cycle 3 vers le cycle 2 et du collège vers le cycle 3 reste quasiment aussi important que dans le projet initial » ce qui lui fait craindre un alourdissement des programmes. « Le travail sur la résolution de problèmes est mieux affirmé, mais le volume des connaissances exigées et la précocité de certains apprentissages compliquera sérieusement le travail des enseignants, amènera davantage d’élèves dans une situation de difficulté ou d’échec et ne permettra pas à beaucoup d’autres de parvenir à une maîtrise des notions qui en garantisse une disponibilité suffisante » ajoute-il.
Mécontents également les formateurs. A titre d’exemple, ceux de l’IUFM de Saint-Etienne nous ont fait parvenir leurs remarques. Ils demandent eux aussi un moratoire.
Communiqué Sénathttp://www.senat.fr/presse/cp20080430.html
Sur le Café L’Expresso du 17 avrilhttp://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2008/04/17042008Accueil.aspx
Comparaison Snuipphttp://www.snuipp.fr/spip.php?article5189
Communiqué Unsahttp://www.se-unsa.org/presse/comm/page.php?id=080429
R Charnayhttp://www.snuipp.fr/spip.php?article5531
Texte des formateurs Saint-Etiennehttp://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/Motionf[…]
Tout le dossier « Programmes » du Café
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/Programmesduprimaire_[…]
Programmes : Encore un effort « Le souci de cohérence des programmes, la nécessité de rendre les programmes lisibles à la totalité des familles est un enjeu décisif pour que les familles comprennent mieux une école qui s’est considérablement modifiée en une génération » écrit Jean-Louis Auduc, directeur adjoint d’IUFM, dans une tribune accordée au Café.
Les programmes Darcos seraient-ils parfaits ? Pas encore. « Un effort devra être fait dans les programmes du collège pour éviter les rédactions pédantes totalement incompréhensibles pour les familles qu’illustre notamment l’actuel projet de programme d’éducation musicale ».
La tribune de JL Auduchttp://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/Programmes_Encoreuneffort.aspx
Maternelle : La plus mauvaise idée depuis longtemps…« La plus mauvaise idée en pédagogie de la lecture depuis très longtemps ». Dans Le Monde, la formule, de Goigoux et Ouzoulias, désigne le nouveau programme de maternelle tel que les programmes ministériels l’imposent. Ils sont appuyés par Michel Fayol et Jean-Emile Gombert.
Article du Mondehttp://www.lemonde.fr/societe/article/2008/04/15/l-enseign[…]