Par François Jarraud
Le gouvernement face aux collectivités locales
Il faut rappeler les pouvoirs que la loi de décentralisation a accordés aux collectivités locales. On sait que pendant longtemps il s’est agi principalement « de la plomberie et du chauffage », c’est-à-dire l’entretien des locaux. Un domaine où elles ont excellé, améliorant grandement, pour les collèges et les lycées, un parc immobilier que l’Etat entretenait chichement.
Mais aujourd’hui les collectivités territoriales ont largement étendu leurs compétences. Elles sont devenues des partenaires incontournables du ministre de l’éducation nationale.
On peut citer en exemple quelques domaines où leur action s’impose à l’éducation nationale. C’est le cas des Tice. De Robien à Darcos, les manifestations d’intérêt en faveur des tice viennent régulièrement buter sur la réalité des intérêts locaux. Acheteuses du matériel, les collectivités locales en assurent également la maintenance en accord avec les rectorats. Certaines vont plus loin en prêtant des portables à des milliers d’élèves ou en développant des ENT. Dans ces deux cas elles influent sur les pratiques pédagogiques.
Plus important encore est le plan régional des formations. L’effondrement du nombre de postes, qui va maintenant être connu de façon précise localement, va forcément impacter cette prérogative régionale. On se souvient comment le refus des régions suffit à faire annuler le dispositif « apprentissage junior’ lancé par Gilles de Robien
On pourrait tout aussi bien évoquer les CEL, l’accompagnement scolaire ou encore l’orientation, trois domaines où la collaboration avec l’Etat est indispensable. Aujourd’hui davantage encore qu’hier, la capacité de changement est à chercher chez les acteurs locaux.
Que veut dire réformer l’éducation ?
« Comptez-vous « plier » dans le cas où les grèves se généraliseraient et se durciraient dans les lycées ? » Xavier Darcos : « Les réformes sont décidées par le gouvernement et votées par la majorité politique. Elles sont faites dans l’intérêt du système éducatif ». Au lendemain de la défaite électorale subie par le gouvernement, on pouvait penser qu’il temporiserait sur les réformes. La réponse de X. Darcos (lors du chat du Monde) montre qu’il n’en est rien. Il a d’ailleurs apporté des détails sur la réforme du lycée et annoncé un calendrier chargé sur les prochains mois où doivent s’installer la réforme des filières de lycée, celle du primaire et le nouveau métier d’enseignant. Est-il vraiment en situation d’imposer toutes ces réformes ? «
Dans « Améliorer l’école » (Puf), Antoine Prost énumère les nombreuses réformes qui ont vu le jour dans l’éducation nationale, démentant son immobilisme. Il montre aussi les réformes qui ne se feront maintenant jamais. Pour A. Prost, « les changements qui ne se font pas sont ceux qui mettent en cause l’identité professionnelle des enseignants ». Voilà qui augure mal de l’avenir du rapport Pochard.
Bien avant A. Prost, Durkheim en 1904 mettait en évidence un autre postulat de réussite. « Il faut que ce grand travail de réfection et de réorganisation, qui s’impose, soit l’œuvre même du corps qui est appelé à se faire et à se réorganiser. On ne décrète pas l’idéal; il faut qu’il soit compris, aimé, voulu par ceux dont c’est le devoir de le réaliser. Ainsi, il n’y a rien de plus urgent que d’aider les enseignants de nos écoles à se faire collectivement une opinion sur ce que doit devenir l’enseignement dont ils ont la responsabilité, les fins qu’il doit poursuivre, les méthodes qu’il doit employer. Or, pour cela, il n’y a pas d’autres moyens que de les mettre en présence des questions qui se posent et des raisons pour lesquelles elles se posent; que de leur mettre dans les mains tous les éléments d’information qui puissent les aider à résoudre ces problèmes, que de guider leurs réflexions. Et c’est d’ailleurs à cette condition qu’il sera possible de réveiller, sans aucun procédé artificiel, la vie un peu languissante de notre enseignement ».
On mesure alors la faute commise à propos de la consultation hâtive et désordonnée sur les nouveaux programmes du primaire. Alors que les syndicats sont divisés et que certains acceptent la réforme, cette opportunité est gâchée par l’organisation de la consultation. Il reviendra au ministre de convaincre les enseignants de l’intérêt de ces textes. Un défi impossible ?