Par François Jarraud
Trésor des médias, graal des familles, les « indicateurs de résultat des lycées » sont mis en ligne par le ministère. Déjà les magazines se les arrachent avec la certitude de réaliser de belles ventes. Mais au fond à quoi ça sert ?
Et on comprend l’attente des familles qui cherchent à garantir l’accès au bac de leur enfant. Elle les pousse à choisir un lycée avec les meilleurs indicateurs.
Or, il n’est pas certain que les indicateurs calculés par le ministère (la Depp) soient efficaces. Le taux de réussite au bac est évidemment un outil grossier : on peut facilement atteindre 100% si l’on dispose d’élèves ayant un bon niveau. Quant au « taux attendu » sensé mettre en valeur l’écart entre le taux réel de reçus au bac et celui espéré, c’est-à-dire « l’effet établissement », Georges Felouzis a pu montrer qu’il donnait lui aussi une version fausse de la réalité. Les critères retenus pour calculer le taux attendu camouflent de forts écarts de niveau scolaire. Enfin, malgré les efforts du ministère, les indicateurs ministériels sont souvent ramenés par les familles au seul taux de réussite au bac.
Le premier effet de ces indicateurs c’est évidemment d’alléger les familles d’une réflexion sur ce qu’est un « bon lycée » . Puisqu’on ne saurait réduire l’enseignement au bac et un bon lycée à son taux de réussite, les familles devraient se soucier davantage de savoir quel genre d’établissement peut convenir à leur enfant et choisir l’établissement en conséquence…
Le second effet c’est évidemment d’accompagner la suppression de la carte scolaire. Au vu des résultats les parents seront libres de demander l’établissement de leur choix. On peut donc s’attendre à des transferts importants particulièrement pour les classes moyennes. Cet effet est recherché. Toute une école croit que la suppression de toute contrainte incitera les établissements à s’améliorer. Ainsi pour Chubb et Moe, la libre concurrence entre écoles favoriserait l’efficacité scolaire. En effet les écoles les plus mauvaises perdraient une partie de leurs élèves attirés par d’autres établissements. Seules les meilleures survivraient…
On mesure dès lors que le principal risque est dans l’aggravation des ghettos scolaires accueillant les plus défavorisés. Pour tout un tas de raisons, on sait (l’expérience anglaise l’a démontré) que les familles les plus modestes restent dans l’école de leur quartier ce qui contrarie la théorie favorable à la concurrence.
La publication des indicateurs peut avoir l’apparence d’un geste d’information démocratique. Dans la réalité elle participe à la communautarisation de la société et empêche matériellement et intellectuellement de penser le lycée en accord avec la diversité des élèves et des besoins.
Les indicateurs
http://indicateurs.education.gouv.fr/
Etude de Felouzis (en pdf)
ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/revue70/article5.pdf