Par François Jarraud
Elle était attendue, voire exigée par la Fcpe. Les plus optimistes pouvaient croire qu’elle s’inspirerait des promesses du candidat à l’élection présidentielle. Le B.O. du 10 avril publie la circulaire de rentrée, le document annuel qui indique aux recteurs les grands axes de la politique éducative nationale. Pour la rentrée 2008, les optimistes resteront largement sur leur faim. Le texte a beau revendiquer « 10 grandes orientations prioritaires », il ne propose que des mesurettes inspirées par la politique étroitement conservatrice du gouvernement.
Le pire est sans doute le retour d’un sorte d' »apprentissage junior », mais à partir de 15 ans, sous l’appellation » dispositif d’initiation aux métiers en alternance » (DIMA). « Il permettra à des élèves de collège de découvrir un ou plusieurs métiers par une formation en alternance d’une année scolaire, tout en poursuivant l’acquisition du socle commun de connaissances et de compétences. Ce dispositif pourra être ouvert dans les lycées professionnels ou dans les centres de formation d’apprentis et se substituer ainsi à l’apprentissage junior abrogé ». On retrouve là les ingrédients de l’apprentissage junior à commencer par le rappel de l’acquisition des connaissances d’un « socle commun »… dont on exclut évidemment l’élève en alternance. On voit mal en effet comment des jeunes en grande difficulté scolaire pourraient acquérir les mêmes connaissances que leurs camarades en travaillant en alternance. L’inefficacité de l’apprentissage junior avait été démontrée au point que toutes les régions sauf une avaient fait barrage à son application. Il faut espérer qu’à nouveau elles arrivent à bloquer une mesure qui annule le droit à la scolarité jusqu’à 16 ans pour les enfants des milieux défavorisés.
Les autres mesures égrènent le chapelet conservateur. Il en va ainsi de la réforme du primaire avec ses programmes « compréhensibles par tous » et une double évaluation en Ce1 et Cm2. Là comme ailleurs le mot « cycle » a quasiment disparu du texte. L’enseignement des langues vivantes commencera au CE1 et si possible au CP. Un « livret scolaire national » sera mis en place dans l’année 2008-2009. Il permettra de suivre la scolarité des enfants par rapport aux exigences du socle commun.
Au collège, pour les langues étrangères, le programme du palier 2 entrera en vigueur en 4ème et, pour les langues régionales, le programme du primaire et du palier 1 du collège entrent en vigueur. Un parcours de découverte des métiers sera expérimenté en 5ème pour donner « une meilleure connaissance de l’entreprise ».
Le « développement » de l’éducation artistique reflète bien l’esprit traditionaliste. En fait les écoliers et les collégiens (à partir de 2009) devront subir des cours d’histoire de l’art. La pratique artistique sera externalisée dans le cadre de partenariats financés, si elles le peuvent et veulent, par les collectivités locales. Dans cet esprit » le nombre de classes à horaires aménagés sera multiplié par quatre en cinq ans et étendu aux domaines du théâtre et des arts plastiques… Chaque école, chaque collège et chaque lycée doit s’engager dans un partenariat avec des structures culturelles et des collectivités territoriales » affirme la circulaire. On ne saurait avouer plus crûment le désengagement de l’Etat.
L’enseignement professionnel verra à la fois la multiplication des lycées des métiers (800 en 2011), celle des bacs professionnels en 3 ans, et l’arrivée en L.P. des collégiens des DIMA évoqués plus haut. A noter qu’en bac pro, chaque académie fera ses programmes. » Il importe, pendant cette phase expérimentale, d’éviter les redondances entre les programmes de BEP et de baccalauréat professionnel d’une même discipline… Les corps d’inspection territoriaux et l’inspection générale de l’éducation nationale accompagneront ce processus. Afin de contribuer à la mutualisation, les académies mettront en ligne, sur leur site académique, les productions et réflexions transférables ». On le voit : l’Etat met en place une nouvelle filière en abandonnant même son rôle de régulation par un programme officiel.
Peu de mesures pour l’enseignement prioritaire, si ce n’est l’expérimentation du busing entre écoles primaires et la confirmation de la création de « 30 sites d’excellence », des lycées accueillant des filières d’excellence… probablement pour élèves excellents…
La présidence européenne de la France se traduira par des « pavoisements » des établissements scolaires en septembre et une « fête des langues » le 26 septembre, suivie d’une « semaine de l’Europe en octobre. C’est ce que le ministère appelle un « parcours européen ».
La dernière priorité ministérielle est « la lutte contre toutes les violences ». X. Darcos introduit officiellement la lutte contre l’homophobie à l’Ecole. Une décision très louable mais peut-être téméraire au regard de la majorité…
La circulaire
http://www.education.gouv.fr/bo/2008/15/MENE0800308C.htm
Sur l’apprentissage junior
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/r2006_gen8.aspx#a1