JP Gallerand – E Jourdan
Nous avons interviewé pour vous
Eric Sanchez est professeur agrégé, docteur en didactique des sciences, détaché à l’Institut national de recherche pédagogique (INRP) en tant que chargé d’études et de recherche. Il est affecté à l’équipe de recherche EducTice dont il est membre du bureau de direction. Il est également membre du Laboratoire d’étude du phénomène scientifique (LEPS-Université de Lyon).
Ses travaux portent sur la question de l’enseignement des sciences de la Terre et plus particulièrement sur l’intégration des technologies de l’information et de la communication.
Sa thèse « Investigation scientifique et modélisation pour l’enseignement des sciences de la Terre, contribution à l’étude de la place des technologies numériques dans la conduite d’une classe de terrain au lycée » réalisée sous la direction de Luc Trouche (Univ. Lyon) et Christian Orange (Univ. Nantes) est téléchargeable sur le serveur des thèses en ligne du CNRS (TEL).
http://tel.archives-ouvertes.fr/index.php?[…]
Sur son blog Coménius, Eric Sanchez propose entre autres, le téléchargement des derniers logiciels qu’il a réalisés.
http://comenius.blogspirit.com/
Modélisation et démarche d’investigation sont des sujets sur lesquels Eric Sanchez travaille actuellement. Il a contacté le Café Pédagogique après avoir visionné l’interview de Jacques-Marie Bardintzeff parue dans notre édition du mois de février.
Modélisation et démarche d’investigation
JPG : Vous nous avez adressé un message dans lequel vous réagissiez à la partie de l’interview de Jacques-Marie Bardintzeff concernant la modélisation. Pouvez-vous préciser pourquoi certaines réponses de JMB vous ont fait réagir ?
ES : Ma réaction concerne la toute fin de l’interview, lorsque JMB s’exprime sur les relations entre observation et modèle. Il prend une position qui me semble proche de celle qui a été défendue par le philosophe Pierre Duhem au début du XXème siècle. Pour observer, il suffit « d’être attentif et d’avoir les sens suffisamment déliés ». Il existerait alors des observations objectives. Ces observations précéderaient les interprétations qui en sont faites.
JPG : En quoi ce point de vue sur la manière dont la science fonctionne vous paraît-il sujet à caution ?
ES : L’un des apports de Gaston Bachelard a été de montrer que l’observation n’est jamais un constat dénué de toute idée préconçue. Une observation est le résultat d’un projet. Elle confirme ou infirme une idée. Ibrahim Halloun, un chercheur qui travaille sur l’enseignement des sciences utilise le terme de « lentilles conceptuelles » pour qualifier les modèles. Il souligne par-là que les observations qui sont réalisées dépendent des modèles conceptuels de l’observateur et que, à défaut du modèle adéquat, un phénomène peut passer complètement inaperçu au chercheur. Pierre Duhem lui-même considérait que toute expérience est une interprétation théorique.
JPG : Ces idées qui ont été développées pour expliquer le travail du chercheur peuvent-elles aider à enseigner les sciences ?
ES : Tous les enseignants de SVT ont été confrontés à des situations dans lesquelles les élèves placés en situation de réaliser des observations éprouvent de grandes difficultés ou effectuent des observations sans rapport avec le problème qu’ils doivent résoudre. C’est particulièrement vrai dans le cas d’une classe de terrain. Il est difficile à un élève, qui ne dispose pas d’un modèle interprétatif, d’extraire de la complexité du terrain les éléments pertinents pour conduire le travail qui lui est demandé. Il me semble donc que l’explicitation du modèle scientifique en jeu est une condition importante pour que les élèves puissent travailler de manière autonome. Le travail conduit peut alors consister dans une confrontation de ce modèle aux données, dans la construction d’une argumentation et dans l’évolution du modèle initial.
JPG : Ce point de vue ne va-t-il pas à l’encontre des instructions officielles ?
ES : Il va probablement à l’encontre des pratiques de certains enseignants et j’ai pu l’observer dans le cadre de visites de classes d’enseignant stagiaires ou à travers certains résultats d’enquêtes que nous avons conduites. Ces points sont peu ou pas abordés dans la formation des enseignants de sciences et ils n’ont pas, pour la majorité d’entre eux, effectué des travaux de recherche. Néanmoins les programmes de terminale S indiquent bien que la classe de terrain pourra permettre de « valider un modèle proposé et présenté en classe ».
Le lecteur pourra trouver un développement de ce point de vue dans un article publié dans le numéro de mars du Mensuel de l’université.
Deux personnalités, deux avis à vous de vous faire le vôtre.
Interview réalisée par JP Gallerand
Les derniers logiciels d’Eric Sanchez :
Calendrier géologique : Le Calendrier Géologique est une application réalisée en collaboration avec Gilles Fuxa et Michèle Prieur avec la participation de François Atrops et Gilda Putinier dans le cadre des travaux de l’équipe INRP/ACCES.
Cette application permet de naviguer au cours des temps géologiques et d’afficher des données sur la biosphère et la paléogéographie. La navigation s’effectue en tournant des roulettes ou en sélectionnant une période sur une échelle stratigraphique.
Chronocoupe : Chronocoupe est un logiciel destiné à l’apprentissage de la chronologie relative en sciences de la Terre. Il a été réalisé par Gilles Fuxa et Eric Sanchez. Il est gratuit pour un usage éducatif.
Géonote : Géonote est une application qui permet d’accéder à des données géoréférencées sur une carte. Un clic sur un point chaud de la carte ouvre un menu qui permet d’accéder à des données de type image ou texte. L’application constitue un environnement complet de travail sur les données. L’élève peut superposer différents types de cartes, réaliser des mesures, zoomer sur un détail, rechercher des données indexées, annoter ces données, prendre des notes, accéder à de la documentation…
Géonote possède également un mode édition qui permet de créer un jeu de données comprenant différentes cartes d’une région reconnue pour son intérêt pédagogique et les images et textes associés.
Institut de recherche en éducation qui conduit ses travaux en association avec des enseignants du secondaire et en partenariat avec différents laboratoires de recherche
L’INRP remplit différentes missions aux niveaux national et international : recherche, formation de formateur, expertise, production de ressources pour les enseignants et les formateurs.
L’équipe Actualisation Continue des Connaissances des Enseignants en Sciences regroupe l’INRP, l’ENS Ulm et l’ENS Lyon autour des problématiques d’actualisation des connaissances des enseignants en sciences de la vie et de la Terre.
EducTice est une équipe de recherche de l’INRP dont les travaux sont guidés par l’évolution des usages des TICE et veulent répondre aux défis posés par ces technologies aux acteurs de l’éducation.
En s’appuyant sur les pratiques de terrain, comme sur les laboratoires universitaires experts du domaine, l’équipe EducTice s’intéresse plus spécifiquement aux didactiques des disciplines scientifiques dans leurs liens aux usages des TIC et à la conception et aux usages de scénarios d’apprentissage dans les environnements numériques.