collaborent-ils ?
C’est
la question que s’est posée la Communauté française de Belgique qui a
mandatée une recherche – action, menée par Caroline Letor, JudithLeal
Gonzalez et Marie de Monge, pour aider les équipes
enseignantes à
utiliser le temps de concertation à analyser leurs pratiques.
Dans la
Communauté, les enseignants du primaire bénéficient de 60 heures
annuelles pour la concertation (en France 36 heures aujourd’hui,
probablement une soixantaine l’année prochaine). Si la recherche
produit des outils d’analyse, elle apporte aussi des informations
précieuses, et sans doute transposables au système français, sur les
pratiques de collaboration des enseignants.
Le premier enseignement
c’est la grande diversité
des situations. « Les
pratiques de collaboration s’avèrent avant tout plurielles dans leurs
modalités, leurs objets et leurs intentions. La collaboration ne se
réduit pas à une pratique unique et uniforme ». Les
variations
portent aussi bien sur leur caractère formel ou pas, la planification,
le rôle de la direction et le mode de fonctionnement horizontal ou
vertical, les objets traités et les retombées sur la vie pédagogique de
l’école.
Le
second, et peut-être le plus important, c’est que la collaboration est tout sauf
naturelle dans les écoles.
« Les données montrent que d’une part, les enseignants sont attachés à
garder une certaine réserve sur ce qu’ils font en classe et en même
temps, ils manifestent leur volonté à lever le voile sur leurs
pratiques de classe. Ces deux aspects qui nous avions a priori défini
comme des pôles opposés d’un même axe, se retrouvent associées… Aussi,
si la dimension professionnelle inclue dans les injonctions est bien
présente dans la conception que se font les enseignants du travail de
collaboration, ils dénient le projet d’établissement, les demandes de
la direction et des autorités scolaires comme référents de ce travail
de collaboration. On peut voir dans ces données, un rejet des
aspects
hiérarchiques et bureaucratiques que prennent les modalités de contrôle
de ce travail. Toutefois, les enseignants restent ambivalents sur le
fait de reconnaître les réunions de concertation comme une ressource ou
une contrainte ».
On
retiendra donc peut-être de cette recherche que toute tentative
d’impulser de la collaboration, surtout si on veut lui donner une
finalité pédagogique, nécessite un accompagnement important. « Cette
transformation des manières de penser et d’agir en situation
professionnelle suppose la mise en place d’un cadre sociocognitif qui
permette l’expression de points de vue différents et le traitement
critique de ces points de vue et d’un cadre sociorelationnel et
émotionnel où les identités des personnes ne sont pas menacées. Il
s’avère que de tels processus relève d’une combinaison heureuse de
conditions socioorganisationnelles, psychosociales (cognitives,
sociales et émotionnelles) et socioprofessionnelles. L’ampleur du défi
que pose le concept d’apprentissage organisationnel aux établissements
scolaires laisse penser que l’observation de tels processus relève
plutôt de l’improbable. C’est pourquoi nous préférons parler
d’apprentissage organisationnel que d’organisation apprenante ».
« Si
les enseignants sont prêts à mettre en commun leurs pratiques…, ils
restent attachés à un exercice « à la base », isolé, et que ce qui se
passe en classe relève d’une zone professionnelle mais privée »
concluent nos auteurs.
L’étude