Par François Jarraud
On n’a certainement pas fini de parler de Pisa et de chercher les facteurs qui expliquent les mauvais résultats français à cette enquête internationale. Pour le moment les explications médiatiques oscillent entre la morale et le bris de thermomètre.
Le laxisme et la pédagogie nouvelle sont-ils responsables des mauvais résultats ? C’est la thèse avancée par Luc Ferry avant même la conférence de presse de présentation des résultats. Pour le moment, les résultats publiés par Pisa, à la différence de Pirls, apportent peu d’information sur les pratiques des enseignants. Tout au plus peut-on affirmer que ce n’est pas par d’un excès d’innovation dont souffre l’école française. Les analystes de la Depp (ministère) ont mis en évidence des caractères déjà signalés dans les enquêtes Pisa 2000 et Pisa 2003 : les jeunes Français hésitent à répondre (fort taux de non réponse), ont du mal à utiliser des connaissances scientifiques. Les réactions conservatrices sont donc tout a fait anticipées.
Par exemple, Internet est-il responsable de la baisse des résultats ? C’est ce qu’affirme le physicien Edouard Brézin dans Le Monde, qui déplore « l’abus de l’usage des ordinateurs » accusé de développer la paresse chez les élèves. Or les données publiées jusque là par Pisa 2006 ne permettent pas d’apprécier cet usage. En attendant les bons chiffres, il faut rappeler que Pisa 2000 avait montré que les jeunes Français étaient au dernier rang de toute l’Europe pour l’utilisation des ordinateurs en classe. 60% des élèves ne l’utilisaient « jamais ou presque jamais », seulement 5% plusieurs fois par semaine. On ne voit pas trop ce qui aurait pu induire un changement massif depuis 2000. Et quand on étudie les résultats en lecture publiés dans PIRLS, on voit que les enseignants français sont caractérisés par une faible pratique des outils multimédias par rapport à leurs collègues d’autres pays.
Pour le moment un seul résultat est incontestable. Le pourcentage des élèves faibles a fortement augmenté et ils sont beaucoup plus faibles. .Ainsi pour les compétences en compréhension de l’écrit, le pourcentage des élèves de niveaux faible et très faible est passé de 15 à 22% (en moyenne dans l’OCDE on est passé de 18 à 20%), avec dorénavant 8,5% des élèves de niveau très faible, contre 4% en 2000. Cette hausse est-elle due à l’Ecole ou reflète—elle une aggravation des inégalités sociales ? Ce que nous dit Pisa c’est que dans l’école française on observe des écarts de niveau énormes selon l’origine sociale et ethnique. Ainsi les scores en sciences, maths et lecture sont très différents selon que les parents sont cols bleus ou blancs. Il y après de 100 points d’écart par exemple dans les connaissances en maths entre les enfants de parents ouvriers et cadres. Mais l’inégalité est aussi ethnique. Les résultats en sciences varient de 505 pour les français « de souche » à 456 pour les enfants de la seconde génération et 438 pour la première génération. A coup sûr la baisse des résultats de l’école française ont à voir avec les inégalités sociales et aussi avec le fait que l’Ecole est incapable de les atténuer.
Pisa apporte aussi deux bonnes nouvelles. La première c’est qu’il est possible d’améliorer rapidement ses résultats. L’Allemagne ou la Suisse, par exemple, qui avaient obtenu de mauvais scores en 203 ont admirablement remonté la pente. La seconde c’est qu’on peut aussi échapper à la règle qui voudrait que les pauvres et les minorités ethniques obtiennent de mauvais résultats. Certains pays ont des résultats très équitables, comme la Finlande. Et justement ce sont ceux qui sont en tête du classement Pisa. La fabrication des élites ne se fait pas forcément en lâchant les pauvres, bien au contraire c’est l’équité qui paie. Les démocrates voulaient l’équité. Pisa montre qu’elle est l’intérêt de tous.