Par Françoise Solliec
Le lycée polyvalent et CFA Emile Mathis (800 élèves, 400 apprentis, 120 enseignants) faisait partie des tout premiers utilisateurs de l’ENT alsacien. Au bout de quatre ans, l’espace numérique de travail est totalement intégré dans le fonctionnement quotidien pour la communauté éducative, les élèves et même les parents, qui attendaient à la rentrée leurs codes d’accès avec impatience.
« L’ENT, on ne pourrait plus s’en passer ! »
Effectivement, l’utilisation de l’espace numérique de travail a modifié la relation avec les familles, explique Christian Thivel, CPE. « Grâce au portail, les familles entrent dans l’Ecole de manière plus contrôlée et plus cohérente. Elles peuvent consulter les notes, les absences, communiquer avec les personnels de l’établissement, recevoir des informations du conseiller d’orientation ou de l’assistante sociale ». Le suivi des élèves s’en trouve grandement facilité. Si, par exemple, un élève est obligé de s’absenter un peu longuement pour maladie, il aura accès à ses cours sur la plate-forme. Les parents y sont sensibles et apprennent rapidement à consulter très régulièrement l’ENT, d’autant qu’ils sont informés des absences des élèves en temps réel. Même s’ils ne disposent pas d’un ordinateur connecté à leur domicile, ils ont en général un accès à leur travail ou dans de la famille ou encore à la mairie. Ils ont toujours la nécessité de venir dans l’établissement en cas de problème, mais ils réagissent plus vite quand la scolarité de leur enfant « dérape » et n’hésitent pas à solliciter d’eux-mêmes un rendez-vous. Les parents des élèves de BEP, qu’on a souvent du mal à mobiliser, sont davantage présents.
Il est vrai que l’établissement avec ses formations très spécifiques comme celle de la navigation fluviale a toujours été très apprécié des parents et que ceux-ci viennent parfois de loin pour assister à la réunion d’informations fin août. Traditionnellement, les codes leur sont distribués un peu après la rentrée. Pour la première fois, cette année, une majorité de parents les attendaient avec impatience. « Il arrive que des parents téléphonent parce qu’ils ne comprennent pas bien le fonctionnement de l’ENT : on leur explique » dit Christian Thivel. Les parents sont également présents au comité de pilotage de l’ENT interne à l’établissement et font valoir des intérêts différents selon le profil de leurs enfants ; ils demandent aussi accès à d’autres informations, telles les absences des enseignants. La question doit être débattue au CA, mais d’ores et déjà les absences prévisibles sont en ligne. Ils demandent aussi à pouvoir interroger l’établissement, pour vérifier certaines informations transmises par les élèves ; des imprimés de demande d’informations seront prochainement en ligne. Au fur et à mesure, la notion de parents s’est élargie. Elle s’applique désormais aux responsables des élèves, parfois aux éducateurs ou aux juges qui les suivent. D’autres intervenants dans la vie de l’élève ont aussi leur place dans l’ENT, notamment les entraîneurs des sportifs de haut niveau. Ils ont des accès restreints par rapport à ceux des parents. Cette année, des comptes seront ouverts aux tuteurs des apprentis.
Les élèves vivent bien dans cette culture et s’approprient facilement l’outil. Il y a néanmoins nécessité de cadrage et de formation et ce sont les professeurs principaux qui se chargent initialement de cette mission. Ensuite, chaque fois que les élèves vont en salle informatique, les enseignants leur laissent 5 minutes pour consulter la plate-forme.
Les personnels TOS ont aussi appris à utiliser l’ENT et y font transiter leurs demandes (liste des travaux d’entretien en cours, penser à mettre les chaises sur les tables en fin de journée, etc).
L’ENT a facilité de nombreux échanges et personne dans l’établissement ne souhaite revenir en arrière ou modifier son fonctionnement. Cependant, ajoute Christian Thivel, il faut prendre garde à ce que les échanges continuent de se faire par d’autres moyens que la seule voie électronique.
Michel Jourdain, administrateur ENT et professeur de maths-sciences souligne lui aussi le rôle positif de l’ENT dans les relations à l’intérieur et à l’extérieur de l’établissement. « C’est beaucoup plus simple maintenant et on est obligé de travailler en groupe. Les équipes pédagogiques ont pris de l’ampleur. Il y avait déjà des habitudes de partage et de collaboration, mais elles rassemblaient plutôt les collègues sur la base de l’affinité. Les contacts entre familles et enseignants sont plus faciles et plus nombreux ». Contrairement aux craintes, la réaction des enseignants à l’ouverture de la messagerie de l’ENT aux élèves a été très positive. « Les relations avec les enseignants sont très réfléchies ; les élèves posent des questions sans qu’il y ait un quelconque excès et seulement en cas de besoin ».
Dans un lycée professionnel, on a l’habitude du partage de fichiers et, avant l’arrivée de l’ENT, des élèves rendaient déjà des devoirs sous forme électronique. L’équipement fourni par le conseil régional, notamment en vidéo-projecteurs pour répondre à la demande grandissante des élèves, a facilité les usages. Un ordinateur, parfois ancien, a été mis à disposition dans chaque salle et tous les enseignants sont obligés de saisir les absences et les notes dans l’ENT, ce qu’ils font très volontiers. Les élèves disposent ainsi d’une vue globale sur leur scolarité, ce qui est très apprécié, car ils ont parfois du mal à se faire une représentation synthétique de leurs résultats.
Les enseignants apprécient de pouvoir communiquer de chez eux et l’échange d’informations est beaucoup plus important que par le passé. « On est parfois un peu noyés sous les messages » commente Michel Jourdain « surtout lorsque les auteurs manient trop facilement le répondre à tous. Mais cela ne gêne pas la communication présentielle, bien au contraire. Les petites salles de travail sont toujours occupées par exemple. L’ENT permet un suivi d’action, mais l’impulsion reste le fruit d’un travail présentiel et il y en a plus qu’avant ».
Le développement de l’ENT passe néanmoins par la mise en place d’une certaine conduite du changement. « Tout ce que l’on fait devient visible pour tout le monde, que ce soit les notes de la direction ou le cahier de textes de l’enseignant ; il faut accepter de vivre avec ». Il n’est pourtant pas si facile de passer du vase clos à la transparence et, si leurs craintes disparaissent vite, il faut quand même rassurer les collègues au départ. Par exemple, les inspecteurs ont désormais accès à l’emploi du temps et au cahier de textes des enseignants ; cela n’a pas suscité de réactions négatives.
Michel Jourdain est tuteur de 3 autres lycées qui rentrent dans l’utilisation de l’ENT. « Ca se passe très bien, mais la plate-forme présente encore des bugs. On a envie d’y trouver beaucoup plus de fonctionnalités, telles des possibilités conviviales de travail collaboratif ou retrouver dans son espace personnel tout ce qui concerne sa vie de prof. Il faut que l’outil devienne réellement interopérable et interactif, mais je suis persuadé qu’on va y arriver. L’ENT est vraiment devenu un outil de la vie de tous les jours et les collègues qui ont quitté l’établissement en constatent le manque dans leur nouvelle affectation ».