Par Françoise Solliec
La question titre du débat proposé le 25 novembre au salon de l’éducation était sans doute provocatrice à tort, puisqu’elle n’a pas été réellement abordée sous cette forme, ni par les invités à la table ronde, ni par le public assistant au débat. Dans la salle, l’un des participants a d’ailleurs proposé en conclusion le titre « orientation : choix ou compromis ? », qui aurait sans doute davantage fait écho aux préoccupations exprimées généralement par les élèves et les parents en matière d’orientation.
En introduction, Brigitte Perucca, rédactrice en chef du Monde de l’éducation, avait cependant bien posé la question en se fondant, d’une part, sur le constat général « on est orienté plus qu’on ne s’oriente » et, d’autre part, sur la préoccupation grandissante de l’institution d’arriver à faire construire à l’élève le plus tôt possible un projet personnel professionnel.
Bernard Thomas, délégué interministériel à l’orientation, a rappelé l’inscription de l’orientation dans les missions du service public d’éducation depuis 1989. La loi Fillon, par le biais des compétences à acquérir dans le socle commun, et la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, LRU, dans son article sur « l’orientation active » en font toutes deux mention. De plus, c’est l’orientation qui sera la thématique principale du domaine éducation, lors de la prochaine présidence française du conseil de l’union européenne.
Il affirme la nécessité pour l’élève de commencer à élaborer dès la 5ème un projet personnel professionnel, qu’il affinera tout au long de sa scolarité et pour lequel il bénéficiera de la mobilisation de différents acteurs : personnels des établissements scolaires, entreprises au travers de l’option découverte professionnelle, réseaux d’information et de conseil, dont le nombre est à la fois une richesse et un handicap car leur diversité ne facilite pas leur lisibilité.
Si les événements du type salons ou portes ouvertes lui semblent nécessaires, Bernard Thomas plaide aussi pour que la connaissance des métiers rentre davantage dans les enseignements. Pourquoi les notions sur la société et l’économie contemporaine ne seraient-elles pas enseignées à part égale avec celles du passé ? Il souhaite enfin que cette dynamique d’orientation et de relations avec les professions s’inscrive dans le projet d’établissement et que la structuration qu’elle suppose se réalise en partenariat avec les collectivités locales.
Pour Alain Taupin, directeur général adjoint de l’Onisep, la mission de cette institution doit être de faciliter la conjugaison de l’autonomie individuelle à celle des besoins collectifs. L’Onisep veut fournir à l’élève des cartes pour s’orienter, même s’il est difficile de prévoir les métiers de demain à plus de 5 ans. Travaillés à la fois avec des spécialistes de l’entreprise et de l’éducation, les 16 millions de guide édités et les deux sites, l’un grand public, l’autre s’adressant plus spécifiquement aux éducateurs, cherchent à fournir des réponses adaptées aux profils très divers des demandeurs, en fonction de leur âge et de leur situation sociale et scolaire.
La nouvelle collection « Perspectives » vient s’ajouter aux outils déjà proposés aux enseignants, pour mettre en valeur la dimension sociale des disciplines, au travers de textes sur la définition des métiers, les productions et les techniques. Les apprentissages et les savoirs pourraient ainsi prendre un sens supplémentaires pour les élèves.
Enfin, en réponse à l’importance et à la rapidité des mutations dans le travail aujourd’hui, l’Onisep veut promouvoir des méthodologies d’aide à la maîtrise de ces mutations, portant notamment sur l’aide à la recherche documentaire ou l’utilisation de bilans de compétences.
Pour Eric Favey, secrétaire général de la Ligue de l’enseignement, les jeunes pensent qu’on les met trop tôt sur des rails. La société doit pourtant réussir à combiner s’orienter et être orienté, besoins de formation et besoins économiques. Il ne faut plus que 150 000 jeunes quittent chaque année le système éducatif sans qualifications. Certes, un travail important est mené par l’Onisep, les établissements, les collectivités, mais on doit pouvoir faire mieux.
Il ne faut cependant pas croire que tout doit se passer dans l’institution ni méconnaître la place du non-formel dans ce jeu de l’orientation. Les jeunes qui vivent des passions (artistiques, sportives, humanitaires) ou qui assument des responsabilités dans différents groupes développent des compétences qui facilitent leur parcours social.
Pour donner vie à la nécessaire connaissance des métiers, Eric Favey souhaite que les établissements scolaires utilisent davantage leur dimension de formation continue et organisent plus de rencontres avec des professionnels, des retraités, des associations. A l’instar de ce qui se passe dans l’enseignement agricole, il estime qu’il faut développer des occasions de rencontres sociales, de témoignages sur les métiers dans des milieux différents, de visite d’entreprises où l’on s’attachera à faire valoir les compétences développées à tous les niveaux. Un tel maillage de relations facilitera les représentations des élèves, pour peu qu’on prenne la précaution de les renvoyer aussi vers des lieux d’information validées.
La rapidité des mutations sociales oblige à penser des besoins pour une époque qui n’existe déjà plus. Il faut donc entrer dans un processus d’orientation tout au long de la vie et apprendre à connaître et faire valoir ses compétences et ses passions. Il est important de donner aux élèves le meilleur outillage possible et de leur faire vivre la question de leur intégration professionnelle dans un contexte pluridisciplinaire. Cependant, l’Ecole ne doit pas être la seule à s’interroger sur la complexité d’un métier, les professionnels aussi doivent être présents pour l’expliquer.
Dans la salle, plusieurs participants s’expriment sur des thématiques diverses. A titre d’exemples :
Un participant évoque une étude sur les pratiques des jeunes en matière d’orientation menée l’an dernier en Seine-Saint-Denis. Corroborée par une étude plus récente en Charente-Maritime, elle montre l’importance des pratiques Internet et du rôle de l’information par les pairs ou, à un moindre degré, par les adultes référents de proximité.
Deux participants de la Réunion soulignent qu’il n’y a pas toujours adéquation entre projet professionnel et contexte économique et que l’orientation la mieux réussie devra bien se confronter à l’absence d’emploi local.
Quel sera le devenir des COP ? Pour Bernard Thomas, on les accable de tous les maux, mais ils sont indispensables et la dimension psychologie n’est pas inutile. Pourtant leur nombre déjà faible va encore diminuer. Il faudra que le ministre prenne position.
Un parent, pourtant bien armé, assimile l’inscription dans l’enseignement supérieur au parcours du combattant, constate l’absence de réelles passerelles et s’inquiète des capacités d’autres parents à se retrouver dans cette jungle.