Par Blandine Raoul-Réa
Anne Rabany (AR) et Christophe Pavlidès (CP), co-organisateurs n’en sont pas à leur première journée mêlant professeurs documentalistes et bibliothécaires. Ils ont mis en place depuis quelques années plusieurs dispositifs permettant le rapprochement des deux professions. Ils expriment ici leurs convictions sur le sujet.
Christophe Pavlidès est directeur de Médiadix
Anne Rabany est Inspectrice d’Académie Etablissement et Vie scolaire
Café : D’où vient cette idée de mêler les deux professions ?
CP : L’idée est ancienne. C’est celle de rapprocher les bibliothécaires et les documentalistes. C’est une vieille idée chez nous -autant chez l’un que chez l’autre sur l’idée que ces deux
cultures professionnelles recouvrent en fait un seul métier. Les éclairages pour y parvenir varient.
AR : Médiadix, avec le soutien de la Drac, a régulièrement organisé des journées d’étude destinées aux bibliothécaires et enseignants. Ce fut l’occasion d’aborder des domaines de l’édition comme le livre d’art, le livre d’architecture, de présenter la littérature roumaine en lien avec les Belles étrangères et le salon du livre de mars, de voir comment les ateliers d’écriture et les rencontres avec des écrivains se développent et sont vécus par les adultes et les jeunes des lycées et collèges.
CP : Pour Médiadix, c’est une chance, depuis qu’on travaille avec Anne Rabany d’avoir une porte d’entrée sur le monde scolaire et de pouvoir plus facilement toucher le public des documentalistes que peut-être d’autres centres de formation aux carrières des bibliothèques.
Café : En quoi ça vous intéresse-t-il d’entrer dans le monde de l’éducation ?
CP : Je suis convaincu que c’est un même métier, qu’il y a ou qu’il devrait y avoir une continuité ce qui se passe à l’Ecole et ce qui se passe à la bibliothèque municipale tout comme il doit ou il devrait y avoir une continuité entre ce qui se passe à l’Ecole et ce qui se passe à l’Université.
AR : Le métier sous entend un accompagnement des lecteurs, une médiation culturelle, une formation à la recherche de l’information et à son traitement. Après, chacun a ses savoirs faire et ses méthodes. Il y a une différenciation des méthodes et des approches, mais il reste quand même des objectifs communs au moins pour former un lecteur futur citoyen.
CP : Oui puisque la documentation s’est structurée comme profession autour de gens qui désespéraient historiquement de la modernisation de la profession de bibliothécaire dans l’entre-deux guerres. C’est un débat qui est totalement dépassé quand on voit les évolutions qui sont survenues dans le métier de bibliothécaire. Il suffit d’ouvrir de gros ouvrages comme Le Métier de bibliothécaire ou Le Métier de documentaliste pour voir ce qu’il en est réellement. La palette des formes que peut prendre le métier de bibliothécaire ou documentaliste se recouvrent largement. Tous les documentalistes ne font pas le même métier que tous les bibliothécaires, mais les documentalistes font, en partie, le même métier que les bibliothécaires avec des publics divers, dans des établissements divers … Le propre d’un centre de formation comme Médiadix est de faire passer les problèmes de formation et de compétences avant et par dessus la question des statuts.
AR : Cette approche permet aussi de voir l’enfant ou l’adolescent et pas forcément l’élève ou l’étudiant. Cela permet de le voir dans la cité, fréquentant librement un lieu. Le public auquel on s’intéresse circule dans la ville, dans les différentes institutions, s’y implique souvent.
Café : Qu’est-ce que les documentalistes auraient à apprendre des bibliothécaires ? Qu’est-ce que les bibliothécaires auraient à apprendre des documentalistes ?
AR : Je crois que les professeurs documentalistes ont tout intérêt à voir que leur établissement scolaires s’insère dans un tissu social qu’est la ville. Elles ont à apprendre de la bibliothécaire une connaissance de ce public –adulte ou enfant- et apprendre justement que les enfants sont à même de réinvestir des connaissances apprises à l’école ou à l’extérieur. Ce qui est très intéressant c’est que le documentaliste ou le bibliothécaire montre différents lieux qui sont des lieux de réinvestissement de savoir, savoir faire. Il ne faut pas voir uniquement le réinvestissement scolaire dans l’exercice à l’Ecole. Les connaissances ne sont pas faites uniquement pour répondre à des professeurs ; elles sont utiles pour comprendre le monde, agir dans la cité, ne pas nuire aux autres, ne pas se nuire.
CP : Inversement, je crois que les bibliothécaires ont à sortir du vieux débat lecture plaisir / lecture prescrite et sortir du caricatural en pensant que ce sont eux les bons fournisseurs de lecture non prescrite. C’est une opposition dépassée. De la même manière est dépassée l’idée que l’enfant est légitime seulement s’il enlève sa casquette d’élève. Il ne faut pas tomber dans l’excès inverse et être conscient que c’est aussi la coopération bibliothèque-Ecole qui amène évidemment les lecteurs à la bibliothèque. Si l’école ne faisait pas cette démarche-là, je pense que certaines bibliothèques auraient des soucis à se faire en matière de public.
AR : Elles auraient à conquérir ce public que les enseignants conduisent à la BM et à développer des stratégies d’incitation.
CP : En fait chacune des professions a à gagner à remettre en cause une forme d’auto légitimation qui ne convainc personne en dehors d’elle-même.
AR : Les bibliothécaires peuvent aussi s’informer sur les programmes scolaires, les contenus disciplinaires, les pratiques interdisciplinaires… Il faudrait les aider à comprendre ce qui peut être demandé aux jeunes lorsqu’ils font des recherches documentaires pour l’école. D’une certaine façon, les programmes orientent leurs acquisitions en documentaires à côté des curiosités exprimées, et de la volonté d’équilibrer un fonds. Les fonds de littérature sont souvent l’occasion d’échanges et d’acquisitions complémentaires.
CP : On peut mettre en avant quelque chose par rapport à cette journée : l’importance de la formation des usagers et l’usage des TICEs. S’il y a bien un domaine de convergence entre les professions c’est bien celui-là. Or il n’y a pas forcément de convergence non plus dans les cultures professionnelles. Du côté de l’éducation nationale il y a quelque chose de structuré… la convergence se retrouve sur le fait qu’il faut apprendre à l’usager à rechercher l’information.
AR : Depuis des années, avec l’usage croissant des outils TICE aussi bien pour les adultes dans leur profession que par des jeunes, il apparaît qu’il faut rapidement partager cette formation du citoyen : qu’il soit attentif à la nature des sites aussi bien à l’Ecole qu’à la BM et dans d’autres lieux mais aussi former et informer des adultes… Cela débouche aussi sur la question : qu’est-ce qu’on partage comme ressources en ligne entre bibliothèque et CDI ? Si on est tous en train de faire des portails… est-ce bien intéressant de refaire de ce qui est déjà fait ? La sélection des ressources documentaires peut se partager.
Café : Comment intervenir alors dans les formations ?
AR : Il faudrait que Médiadix et que le responsable de la Dafpen fassent des « propositions communes » que Médiadix réponde aux appels d’offre de l’Académie de Versailles. Cette journée de Médiadix, je l’ai inscrite dans le programme des animations des professeurs documentalistes correspondantes de bassin. On pourrait faire l’inverse tout autant !
CP : Il faudrait trouver des formes de coopération. Les journées d’étude à Médiadix ont toujours été vues comme les prémices de stages à venir. Effectivement les formations organisées par Médiadix pour le monde scolaire ont toujours été très ponctuelles. Ceci dit je ne suis pas sûr qu’il faille en mettre en place si on touche le monde scolaire de façon close, c’est à dire ce que je trouverais intéressant c’est que les stages publics aient des inscrits de l’enseignement. Chaque stage sur le catalogue est ouvert à un double public :
bibliothèque publique et bibliothèque universitaire. Il serait intéressant que des documentalistes puissent accéder plus facilement à ces offres de formation.
AR : DAFPEN et Médiadix peuvent décider de disposer d’un budget pour les actions partenariales de formation, chacun décidant du nombre de participants ou du public désigné.
CP : Un autre facteur positif est celui d’une participation croisée de plus en plus importante dans les jurys de concours. Personnellement je suis au jury de concours du CAPES externe et inversement, des professeurs documentaliste, IPR… interviennent dans le jury du concours de conservateur. Les évolutions sont positives de ce côté-là.
AR : L’intégration progressive des IUFM [Institut universitaire de formation des maîtres] avec les universités devrait nous permettre un certain nombre d’actions communes.
CP : Déjà le rapprochement des IUFM des universités a eu pour effet depuis plusieurs années maintenant que les formations Médiadix touchent les personnels des IUFM. Les deux personnes chargées de mission pour les IUFM de Créteil et Versailles ont toujours été très volontaristes sur ce plan. Il y a des jalons qui sont déjà posés : par exemple le directeur de Médiadix est membre du Conseil d’Administration du CRDP de Versailles.
Le site de Médiadix
http://netx.u-paris10.fr/mediadix/