Par Monique Royer
Curieux paradoxe : alors que les vertus de l’enseignement agricole sont vantées devant la commission Pochard par le Sgen-Cfdt, les inquiétudes sont vives sur le devenir de l’enseignement agricole public. A cause de la restriction actuelle des moyens, qui ne permettent plus d’appliquer toute la richesse pédagogique, une de ses marques de fabrique, mais aussi par les interlignes d’une note de service sur la rentrée 2008 qui n’en finit plus d’être interprétée sur le terrain. La biodiversité de l’enseignement serait elle menacée?
La gestion des seuils est présentée comme une priorité et, lorsque la note stipule « en cas de sous-recrutement dans une classe, des solutions de regroupements ou de partenariats entre établissements, intra ou inter-régionales, doivent être mises en place le plus tôt possible avant la rentrée pour permettre le maintien de l’offre de formation tout en concentrant les moyens. », les inquiétudes ne manquent pas. Le rapprochement avec les établissements de l’éducation nationale est également préconisée pour rationnaliser l’offre de formations. De nombreux établissement d’enseignement agricole comprennent des classes de 4e, de 3e ou dispensent des formations aboutissant à des diplômes de l’éducation nationale (terminale S ou Bac professionnel Bio industrie de Transformation par exemple). Le passage de la note «En effet, les moyens dévolus à l’enseignement agricole doivent être consacrés en priorité aux filières et missions de l’enseignement agricole. Notre dispositif de formation ne doit pas se substituer aux missions et obligations de l’éducation nationale, mais peut apporter un appui à celles-ci sous réserve de moyens délégués par le rectorat. » interroge sur le devenir de ces formations, alors que leur existence se justifie bien souvent par le contexte local et l’orientation ultérieure des élèves vers des filières agricoles.
Les craintes sont nombreuses, sur le devenir des sections à faible effectif, qui offrent soit des spécialités rares et spécifiques localement ou encore qui permettent d’accueillir en proximité des élèves en rupture scolaire. Craintes aussi sur le désengagement du Ministère de l’Agriculture dans ses structures de formation : certains voient poindre une spécialisation vers des domaines strictement agricoles alors que l’ouverture vers les sciences du vivant, l’environnement, l’animation du monde rural, est fortement d’actualité. Quant aux personnels, titulaires, contractuels ou en poste gagés, les questions s’amoncellent sur leurs devenirs : travailler sur plusieurs établissements souvent éloignés (à l’heure du développement durable !), intégrer des structures de formations scolaires lorsqu’on s’est spécialisé dans la formation continue ou la formation par apprentissage, réserver ces deux voies aux personnels contractuels, voire vacataires?
Le Snetap Fsu relève en outre un risque de modification des modalités d’obtention du diplôme« Comme cela ne semble pas suffire pour réduire les dépenses de l’Etat, la DGER a déjà donné consigne à ses services de travailler sur un accroissement de la proportion du CCF (contrôle en cours de formation) dans la délivrance des diplômes ». La Cgt dénonce quant à elle la préparation d’une rentrée 2008 sous le signe de l’extrême austérité alors que les conditions de rentrée 2007 difficiles donnent lieu à des mouvements de protestation dans plusieurs régions. La grève du 18 octobre, à l’appel de l’intersyndicale, a constitué une première mobilisation ; celle du 20 novembre pourrait être le baromètre des inquiétudes des acteurs de l’enseignement agricole public, souvent attachés à cet appareil de formation si particulier. Tellement particulier que, selon Sud Rural, la lettre de Nicolas Sarkozy aux éducateurs préconise des méthodes qui y sont déjà mises en œuvre, mais de moins à moins, pour cause de restrictions budgétaires.
La Fcpe, dans un communiqué, préconise le rattachement de l’enseignement agricole à l’éducation nationale pour enrayer l’érosion des moyens. Intégrer l’enseignement agricole à la grande maison de l’éducation pour préserver ses spécificités et ses richesses : voilà une vision iconoclaste, ou un vieux serpent de mer pour certains, qui nourrit de plus belle les échanges dans les établissements.