Danielle Manesse : « Pourquoi l’orthographe est-elle si importante ? Parce que c’est une affaire de la société, pas seulement de l’Ecole ! «
C’est un lieu hypocrite : on peut à la fois dire que ce n’est pas être si important, et un lieu d’anxiété, lorsque ça ne fonctionne pas, et qu’on ne sait pas y faire face. Et surtout, ça reste un indicateur social important : dans les lycées professionnels, on renonce à écrire, au motif que les élèves ne pourraient pas.
L’orthographe est une métaphore de l’école : vous savez l’inquiétude des parents lorsque leurs enfants ne font pas de dictée. Dans toutes les sociétés, la langue écrite est la première mission de l’Ecole. Les instituteurs sont porteurs eux-mêmes de l’amplification de son poids dans la culture scolaire, eux qui ont mis cinquante ans à l’acquérir dans les Ecole Normales, et ont été les plus fervents opposants de la réforme de Ferdinand Buisson lorsqu’il proposa la réforme de l’orthographe, notamment au motif qu’ils avaient eu tant de mal à l’acquérir.
Le vice congénital de l’orthographe française est qu’elle n’a pas l’alphabet qui lui convient. Il a donc fallu beaucoup bricoler, au Moyen-Age, pour écrire la langue française vulgaire qui se construisait. Tout au long des siècles, les débats ont été permanents. Et au fil des siècles, la langue orale s’est beaucoup éloignée de la langue écrite, nécessairement fixiste.
Contraitement à d’autres disciplines, depuis quatre siècles, c’est l’Etat, par le biais de l’Académie Française, qui fixe la norme acceptable, jusqu’en 1835 avec l’orthogrape fixée pour le concours de recrutements des instituteurs. Les rectifications orthographiques de 1990 vont rester une cause perdue, trop petites et trop compliquées pour qu’on s’en souvienne. Pour la première fois, l’Etat ne s’est plus fait respecter…
L’orthographe et aussi un lieu de méfiance et de dérision pour les intellectuels, dont les linguistes, qui ont délaissé l’orthographe pour l’oral, jusqu’au redémarrage par la psychologie cognitive qui en a fait un cheval de bataille. Si la lingusitique a eu des effets positifs avec l’irruption de l’oral dans les classes, elle a aussi été un lieu à des curieux concepts, lorsqu’elle a oser parler de « toilettage » en parlant de la révision des textes après écriture.
Défense de l’évaluation
Je pense que l’Ecole doit des comptes à la Nation. L’évaluation des productions des élèves est un travail de labour, souvent peu créative. C’est un boulet dont se défient parfois les pédagogues, parce qu’elle se retourne souvent en jugement sur l’Ecole. Ce n’est jamais le moment de dire ce qui fait mal, entend-on parfois. Je prétend que mentir ou prendre du retard nous met en porte à faux. Par contre, il faut se méfier des évaluations nationales, même si je pense qu’elles ne sont pas assez utilisées : les évaluations critériées ont des effets d’hypocrisie ou de masque : quand on demande à un élève d’écrire un texte d’une vingtaine de lignes, avec des copies illisibles, non segmentés, mal orthographiés, avec quatorze critères dont trois seulement sur l’orthographe ou la grammaire, ne permettent pas de dire grand chose du « niveau ».
Il faut donc mesurer mieux les résultats des élèves. Il y a vingt ans, nous avons exploité 3000 dictées qu’un inspecteur obsessionnel avait fait passer en 1870. En 1986, nous avons fait repasser, avec André Chervel, cette dictée, avec l’idée de faire reculer l’idée de la « baisse du niveau », dix ans après l’instauration du collège unique. A l’époque, nous avions prouvé que le niveau en orthographe avait bien augmenté. Nous avions prouvé que les erreurs imputables à la langue (sans fonce pour s’enfonce) avaient quasiment disparu, montrant l’acculturation des petits français. Les fautes de grammaire et lexicales étaient celles qui pesaient le plus lourd.
Nous avions cependant oublié, au passage, de vérifier si le niveau avait augmenté de manière constante, ou si on avait eu un pic à l’après-guerre et une décrue ensuite.
Ma deuxième recherche a été initiée après plusieurs années de travail avec des élèves de ZEP, où je me désespérait des résultats de ces élèves les plus pauvres. On constate nettement l’écart de deux ans. Mais ce qui fait plonger les élèves de 2005, ce sont essentiellement les erreurs de grammaire.
Inconstestablement, c’est la question du temps d’exposition aux apprentissages qui est en cause. au collège, la question de l’orthographe est totalement absente. Mais en primaire, il est incontestable qu’on passe moins de temps à faire des gammes, tant ces pratiques ont été discréditées par les situations problèmes : « faire réfléchir », ça ne suffit pas pour que les pauvres progressent… Il faut installer des temps de repères, avec les deux piliers qu’a identifié Fayol : temps de production en contexte, temps d’exercices et travail spécifique sur le lexique.
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