Par Françoise Solliec
A la rentrée 2006, huit projets « visant à soutenir des initiatives de communes ou de groupements de communes, d’associations, de partenaires de l’Éducation nationale, pour la mise en œuvre de services d’accompagnement à la scolarité utilisant les TIC » étaient labellisés par le ministère. Nous avons demandé à Christian Gautellier, directeur des publications multimédias des CEMEA, Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation actives, de nous décrire l’état d’avancement du leur.
Un projet modulaire, positionné dans la pluriannualité, dans lequel peuvent s’inscrire de nombreux acteurs.
Conformément à l’appel à propositions, le projet s’adresse à des préadolescents (10-14 ans) en difficulté scolaire, mais, compte tenu de l’action des CEMEA en ce domaine, il vise tout particulièrement les élèves en grande difficulté, notamment ceux susceptibles de relever des structures d’atelier relais.
Il s’agit d’offrir à ces élèves des activités de 2 à 3 heures par semaine dans des structures d’accompagnement, implantées ou non dans des établissements scolaires. Ils pourraient les fréquenter par groupes de 8 maximum, encadrés par des adultes. Les activités proposées visent à revenir, dans trois domaines cognitifs, sur des apprentissages fondamentaux, grâce à une pédagogie de détour.
Dans chacun des trois pôles cognitifs retenus, logique et stratégies, lectures de récits plurimédias et activités scientifiques et techniques, un kit est élaboré pour servir de base aux activités et permettre la définition de parcours pédagogiques. Les activités, de 20 à 30 par domaine, sont répertoriées en 3 catégories, correspondant aux 3 phases d’un parcours : première découverte, approfondissement, vers une production. Elles s’organisent autour de 2 à 3 dominantes thématiques et sont accompagnées de fiches de mise en œuvre.
Ainsi dans le pôle logique et stratégies, on s’appuiera sur différents types de jeux et un « serious game » qui introduira sous forme ludique des défis mathématiques et des situations mettant en œuvre des stratégies de résolution de problèmes dans un environnement multimédia interactif.
Dans le pôle lectures d’écrans et de récits plurimédias, qui vise des apprentissages fondamentaux en lecture et écriture, on s’intéressera aux récits multimédias, à la presse et aux récits littéraires. Les pratiques de blogs ou d’écriture vidéo, que de nombreux enseignants utilisent déjà, seront ici mobilisées dans un outil d’ensemble, avec des fiches repères.
Dans le pôle activités scientifiques et techniques, la mallette d’accompagnement comprend des kits de construction type lego, des objets techniques et des ressources numériques, illustrant les dominantes fusées, robotique et fonctions électromécaniques.
Aujourd’hui la phase de conception des produits et des parcours est pratiquement achevée. Des premiers tests ont été réalisés l’an dernier, dans les neuf académies décrites dans le projet : Amiens, Bordeaux, Créteil, Guyane, La Réunion, Martinique, Nantes, Paris, Versailles. Selon les académies, et en fonction de l’existant pour les CEMEA, les activités se sont déroulées dans des environnements divers (collèges, école ouverte, ateliers relais, sites de CEMEA).
De cette année de conception et d’expérimentation, plusieurs leçons ont été tirées.
Chacune des mallettes peut donner lieu à un nombre d’heures d’activités très supérieur aux 60 envisagées. Il est donc envisagé d’en resserrer un peu les contenus ou d’offrir à la carte des compléments.
Compte tenu de leur grande diversité, il semble nécessaire que les sites d’expérimentation répondent à un cahier des charges un peu précis. Les kits d’accompagnement devraient être livrés avec une charte de qualité, mais cela peut dépendre des partenaires qui s’investiront dans le projet.
La précarité des intervenants locaux, mise en évidence dans cette phase, pourrait mettre le projet en difficulté, au regard de son objectif ambitieux, de remobiliser ces préadolescents vers les savoirs et de leur redonner l’envie d’apprendre. Il est nécessaire qu’un interlocuteur référent, salarié permanent sur « l’accompagnement à la scolarité », existe pour porter un tel projet localement. Ce peut être selon les cas un enseignant de collège ou d’école primaire, un salarié de la collectivité de rattachement, un responsable de quartier, …, mais il doit recevoir une formation complémentaire de 7 à 8 jours, à la fois pour connaître les produits et les mettre en situation pédagogique et pour encadrer une équipe d’animateurs, là aussi possiblement hétérogène (assistants d’éducation, animateurs de quartier, bénévoles) qui recevront une formation plus courte (module de prise en main de deux jours), centrée sur les produits.
Il reste maintenant à finaliser les procédures d’évaluation des compétences cognitives, en relation avec les compétences du socle commun. Des inspecteurs de l’Education nationale ont été sollicités pour ce travail.
Parallèlement, les CEMEA avec les Editions Jériko développent un projet d’espace numérique de travail, ENT, centré non pas sur l’établissement, mais sur toutes les activités des élèves (dans l’école et hors de l’école). Cet ENT, dont le prototype est cofinancé par la Caisse des Dépôts et Consignations, offrirait un espace d’échanges et de productions pour les enfants, leurs familles et les acteurs locaux (scolaires, sociaux, sportifs, culturels). Il permettrait de plus aux élèves de constituer un premier porte folio, portant sur l’ensemble de ses activités.
L’année scolaire 2007-2008 devrait voir une première utilisation de ces produits élaborés pour les élèves en grande difficulté. L’expérience se déroulera en grandeur réelle, dans une quinzaine de sites en métropole et outre-mer. Mais, bien que « le projet soit économiquement viable à terme » selon Christian Gautellier, « il reste à trouver des interlocuteurs dans un cadre général et l’absence de politique publique ne favorise pas cette recherche. Il arrive même que des collectivités nous sollicitent pour expertiser d’autres produits d’accompagnement, conçus par des éditeurs privés, et ignorent totalement notre propre production en ce domaine». Il s’agit cependant pour les CEMEA « d’un chantier important, avec un réel enjeu de formation, qui nous donne l’occasion de réactualiser nos propres pratiques. Nous chercherons donc à enclencher des dynamiques de projets, par exemple dans les ateliers relais ou dans les écoles ouvertes où nous sommes déjà impliqués. Toute cette construction est assez modulaire et peut être réinvestie dans d’autres dispositifs, je pense par exemple à l’utilisation de ces outils pour les ZEP ou dans d’autres structures relais ». Il est vrai que de tels réinvestissements sont logiques et souhaitables. Il est vrai aussi que la situation est complexe au niveau des acteurs, des ressources et des technologies. Mais on ne peut s’empêcher de regretter que la multiplicité des dispositifs et des acteurs, voire de leurs différents rôles, ne soit pas plus fédérée par le ministère de l’Education nationale dans un cadre clair et cohérent, « avec une vraie politique de concertation et d’investissement ».