Les oreilles des professeurs de SES ont pas mal sifflé ces dernières semaines. Il y eut d’abord les attaques à l’emporte pièce du Ministre contre la filière ES, il y eut ensuite les critiques adressées par une organisation patronale aux manuels de Seconde.
Les attaques contre les manuels sont récurrentes — on se souvient de celles de L’Expansion, de Capital, de Liaisons sociales, du Monde de l’Economie, etc. Cette fois, c’est l’association « Positive Entreprise » qui s’en prend aux manuels de seconde, leur reprochant de méconnaître les réalités de l’entreprise. L’Association des Professeurs de SES a réagi à ces attaques, en rappelant que « la place de l’entreprise est importante (dans le programme) puisqu’elle couvre environ un tiers du programme de la classe de seconde » . Surtout, elle rappelle les objectifs de l’Ecole : « l’objectif de l’enseignement n’est pas de promouvoir la conception de tel ou tel acteur de la vie économique mais de fournir aux élèves des connaissances scientifiques et des méthodes de travail rigoureuses qui leur permettent de mieux comprendre les enjeux économiques et sociaux contemporains, ce qui ne peut que favoriser leur poursuite d’études dans l’enseignement supérieur et leur insertion professionnelle ». L’association demande au ministre de soutenir les enseignants face à « une campagne de dénigrement » (cf. ici et là).
Plus étonnantes, car moins attendues, furent les critiques du Ministre qui, dans deux interviews, a pointé le manque de débouchés du Bac ES. Il suffit de consulter les statistiques du Ministère pour voir que les bacheliers ES ne s’en sortent pas si mal, et, assurément, mieux que les bacheliers littéraires ! 84 % des premiers obtiennent un diplôme supérieur contre 78 % des seconds (Cf. L’Etat de l’Ecole 2006).
Les résultats de l’Enquête Génération 2001 (pdf), réalisée par le Cereq, montrent aussi que les bacheliers ES tirent bien leur épingle du jeu, là encore mieux que les bacheliers L. Ils représentent 18 % des bacheliers mais 22 % des diplômés de 3ème cycle et 27 % de ceux du second cycle, 21 % des diplômés des IUT, et 20 % des diplômés du secteur sanitaire et social (les écoles d’infirmières et de travailleurs sociaux).
Enfin, les taux de réussite en DEUG des bacheliers ES sont supérieurs à ceux des bacheliers L dans toutes les séries (Notes d’information, Mai 2003) :
Taux de réussite au DEUG par discipline et série de baccalauréat (bacheliers de la session 2001)
Séries du Bac |
Droit | Économie
+ AES |
Lettres | Langues | Sciences humaines | Sciences | STAPS |
Littéraire | 33.2 | 40.3 | 61.7 | 48.6 | 53.0 | 21.4 | 37.2 |
Économique | 36.6 | 46.9 | 64.6 | 48.7 | 59.0 | 34.7 | 43.1 |
Scientifique | 54.0 | 58.9 | 69.6 | 59.8 | 70.4 | 42.4 | 65.9 |
Technologique | 6.2 | 14.8 | 33.2 | 11.6 | 22.5 | 8.8 | 19.2 |
Pour l’Apses, qui cite un rapport de l’Inspection Générale de l’Education Nationale, « la série ES s’affiche d’emblée comme représentante des valeurs des humanités modernes et préparant largement, au delà des études d’économie, à celles de droit, de sciences humaines et aux métiers du secteur des services ». La régionale d’Ile de France ajoute : « s’il s’agit de rééquilibrer les séries du baccalauréat, la série ES, qui regroupe un tiers des élèves du bac général, qui marche et qui correspond à une forte demande sociale, n’a pas à en faire les frais ».
Après leur entrevue avec le Ministre (cf. ici), les représentants de L’Apses sont sortis soulagés : « Nous prenons acte des engagements du ministre ». Selon Sylvain David, président de l’Apses, le ministre est revenu en arrière. Plus question de revoir les séries actuelles : elles sont maintenues mais le ministre souhaite les rééquilibrer. Oubliés les propos incendiaires véhiculés par une partie de la presse sur un enseignement accusé de détourner les élèves des entreprises. L’identité des Ses est reconnue, leur utilité aussi. Ces déclarations lèvent le climat de suspicion qui s’était installé ces derniers jours.
Mais la foudre pourrait tomber ailleurs. X. Darcos a laissé entendre qu’il pourrait revoir les enseignements de seconde et les filières technologiques. Le Ministre entend aussi rendre la série L plus attractive. Ces intentions apparaissent d’ores et déjà en filigrane dans les contrats d’objectifs proposés en ce moment par les rectorats (en application de la LOLF 2006). Parmi les objectifs et les indicateurs, j’en cite quelques uns :
— « Revaloriser la filière littéraire : rendre plus lisible les parcours et les débouchés, agir sur les représentations ». Indicateur retenu : Taux de passage de 2de en 1ère L.
— « Privilégier l’accès en BTS des élèves de Bac technologique ». Indicateur retenu : Taux de poursuite des bacheliers technologiques en BTS.
— « Préserver et développer la série Technologie industrielle… ». Indicateur retenu : Taux de passage de 2d en 1ère STI.
— diverses mesures d’accompagnement, de réorientation et de soutien visant à réduire les taux de redoublement en Seconde. Indicateurs retenus : taux de redoublement en Seconde, taux de passage de 2d en terminale BEP.
Il n’y rien là de scandaleux, mais il en résulterait fatalement une baisse sensible de nos effectifs — en série ES et en seconde SES. Autant le savoir.
En attendant, la vigilance est de mise. Le 17 novembre, l’Apses organisera un colloque sur l’avenir des ES. Un adjoint de M. Darcos pourrait y participer. Les anciens élèves de la série ES sont également invités à apporter leur témoignage sur le site de l’Apses.