« Le programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) insiste dans sa dénomination même sur la dimension de programme : il est constitué d’une action spécifique d’aide et, le cas échéant, d’un ensemble d’autres aides coordonnées. Pour en garantir l’efficacité, cette action spécifique est intensive et de courte durée. La vocation du PPRE est tout autant de prévenir la difficulté que de la pallier. Sa mise en oeuvre est assortie d’un système d’évaluation permettant de dresser un état précis des compétences acquises par l’élève au regard des objectifs à atteindre à la fin du cycle et de les situer au regard des exigences du socle commun » affirme la circulaire du 31/08/2006. Elle précise d’ailleurs leur déploiement : En 2007-2008, les PPRE seront étendus au cycle des approfondissements à l’école, à la 5ème et 4ème au collège. Or cette mesure phare de la loi Fillon pose problème. Le budget permettra-t-il son déploiement sur le terrain ? Dans quelles conditions : les enseignants sont-ils formés pour différencier l’enseignement ? Par suite, quel peut être l’impact de cette mesure sur les résultats des élèves ?
Une mesure improvisée selon l’Inspection générale
Mesure phare de la loi Fillon, les programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE) sont censés remédier aux difficultés des élèves. Mis en place à la rentrée 2006 en CP, CE1 et en 6ème leur déploiement s’est avéré difficile comme l’atteste un rapport officiel.
« Au total, il n’est guère possible de dire qu’au collège cette expérimentation des PPRE ait fait réellement apparaître de nouvelles réponses pédagogiques aux difficultés rencontrées dans les disciplines par les élèves, notamment sur le plan de la personnalisation des approches… On peut se demander si la définition même du concept de personnalisation n’a pas posé problème aux enseignants qui l’ont appréhendé de façon très différente, confondant parfois personnalisation et individualisation ». Mesure phare de la loi Fillon, les programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE) ont été présentés comme l’outil devant permettre l’acquisition par tous les élèves du socle commun. Le rapport des inspecteurs généraux Michèle Chevalier-Coyot, Alain Houchot, Ghislaine Matringe, Michel Valadas et Katherine Weinland montre l’improvisation de la mesure, prédit qu’elle aura une portée limitée et demande de véritables efforts en termes d’accompagnement et de moyens.
Le rapport de l’Inspection générale s’appuie sur l’expérimentation menée dans plus de 8 000 classes du primaire et près de 150 collèges. Les inspecteurs soulignent les profondes divergences d’un établissement à l’autre dans la mise en place des PPRE et le manque d’accompagnement pédagogique des enseignants.
Les divergences portent d’abord sur les objectifs des PPRE. S’agit-il de faire travailler les fondamentaux, de favoriser l’intégration à l’école ou d’aider des élèves moyens à devenir bons ? On observe ainsi d’un endroit l’autre qu’ils sont proposés à des publics différents. Ainsi à l’école primaire, ce sont de 3 à 68% des élèves qui y sont invités, au collège de 5 à 33%. Parfois les PPRE sont la marque de catégories d’élèves : les étrangers, les élèves revenant d’atelier relais, ou carrément toutes les sixièmes !
Il y aussi la question du comment. « La mise en oeuvre effective révèle une extrême disparité des pratiques… Les PPRE, ont été relativement souvent la reprise à l’identique d’actions déjà engagées, que l’on intégrait dans le nouveau dispositif. Des actions lectures diverses, des études dirigées, des groupes de soutien déjà existants, des actions de remédiation en mathématiques ou en français, consécutives à l’évaluation d’entrée en 6ème sont ainsi devenus des PPRE, ou des composantes de PPRE, par simple adjonction d’un entretien avec l’élève et/ou ses parents et la création d’une fiche individualisée de suivi ». Enfin l’inspection signale la maigreur ou l’absence de la coordination.
C’est que les PPRE, si l’on veut qu’ils deviennent véritablement une aide personnalisée, supposeraient de nouvelles compétences, de nouvelles approches pédagogiques, de nouvelles façons de travailler à l’intérieur de l’Ecole, l’acceptation d’un recadrage du métier dans une direction éducative que le ministre semble réprouver. « Il sera cependant plus difficile de mobiliser les enseignants dans l’ensemble des établissements, en particulier lorsqu’il n’existe pas d’habitude de travail en équipe, certains professeurs craignant d’alourdir leur charge de travail pour un petit nombre d’élèves, par le temps passé à la concertation entre les intervenants et au dialogue avec les élèves et les familles… La question des moyens est un sujet d’inquiétude… car la conception et la mise en oeuvre d’un PPRE, plan coordonné d’actions conçues pour répondre aux difficultés d’un élève, est un véritable travail d’ensemblier qui exige du temps. En effet, outre les moyens nécessaires à la mise en place des aides spécifiques, il nécessite notamment des moments particuliers de dialogue avec l’élève et sa famille et des temps de concertation importants entre les différents membres de l’équipe afin d’assurer la bonne coordination des actions menées en direction de chaque élève concerné. La construction des emplois du temps des professeurs devra donc prendre en compte la concertation et le travail en équipe : plages communes de concertation, alignement d’une heure pour les enseignants d’une même discipline à un niveau donné, « barrettes » qui permettent une certaine souplesse (mélange des classes, évolution de la composition des groupes de besoin au cours de l’année) ».
Aussi le rapport fait-il des propositions de grande ampleur. Ils demandent une mise en oeuvre progressive des PPRE. Ils insistent sur la nécessité d’une clarification des caractéristiques des PPRE et d’un accompagnement important. « Grâce à l’accompagnement qui devra être proposé (animation pédagogique, formation, mise à disposition de ressources sous formes diverses), les enseignants devront être en mesure de choisir les contenus d’activités et les modalités pédagogiques correspondant aux besoins repérés ; faute de quoi, le PPRE restera confronté aux limites actuelles de l’aide apportée…, démarche qui a fait la preuve de son inefficacité »Des documents d’accompagnement devront être réalisés pour expliciter les objectifs, la stratégie. « Pour atteindre ces objectifs et au-delà du besoin d’un pilotage national et académique renforcé, les chefs d’établissement comme les équipes expriment massivement la nécessité d’un accompagnement pédagogique au plus près des enseignants ». Des outils pédagogiques devront être conçus.
Enfin, le rapport prédit un impact raisonnable pour les PPRE. « Quelles que soient les vertus de chaque type de PPRE, il convient de rester lucide sur les limites de son efficience dans le cadre actuel de sa généralisation et de bien analyser les effets indésirables potentiels qui doivent constituer autant de points de vigilance. Les multiples contraintes perçues, intrinsèques aux exigences du PPRE ou liées aux conditions de son organisation dans des contextes aux ressources très disparates (« ambition réussite » / secteur rural isolé), attirent l’attention sur la capacité du dispositif à produire, au-delà de progrès significatifs, des résultats totalement probants sur le parcours scolaire de bon nombre d’élèves concernés ».
Ce rapport courageux relève officiellement des carences connues des acteurs de terrain. S’agissant d’un important programme officiel, il révèle l’écart entre les déclarations officielles, trop souvent triomphales ou bouffonnes, et la réalité de la classe. Les PPRE ont besoin de moyens, d’esprit d’ouverture, de capacités relationnelles et de beaucoup d’ingénierie pédagogique. Des ingrédients qui font défaut rue de Grenelle.
Le document est à rapprocher de ce qu’écrit une enseignante sur le blog du Café : « Etablir un PPRE c’est long, ça a le mérite de formaliser clairement pour les familles, l’éventuel remplaçant, les stratégies mises en place pour aider l’élève. Car il ne s’agit bien que de stratégies, aucune aide extérieure n’est apportée à l’élève. Pour moi le PPRE c’est donc mettre en mots ce que nous avons toujours fait à l’école c’est à dire inventer avec nos propres ressources et notre perpétuelle inquiétude des moyens de bout de chandelle, pour aider les élèves en difficulté ».
Quelles pratiques pour personnaliser l’aide aux élèves ?
Comment personnaliser effectivement les apprentissages des élèves ? En février 2006, l’académie de Rennes avait réuni un séminaire qui apporte de nombreuses pistes aux enseignants et aux équipes de direction.
Fanny de La Haye et Laurent Gourvez, Iufm Bretagne, sont intervenus sur l’individualisation dans l’apprentissage de la lecture. » Pour une pédagogie adaptée de la compréhension en lecture, certains points doivent être retenus et certaines règles respectées : proposer des activités axées sur le vocabulaire afin d’accroître le lexique des élèves peut, à terme, améliorer leur compréhension; proposer des activités visant à améliorer les capacités d’analyse syntaxique; proposer, aux élèves qui en ont besoin, des textes dont les titres constituent de réels résumés peut constituer une aide à la compréhension; aider les élèves en difficulté à effectuer des résumés intermédiaires; alterner les tâches d’évaluation en compréhension : tâches de questionnement (questionnaires oraux ou écrits), de reformulation, de résumé, de rappel, de reconnaissance…; alterner les questions littérales et les questions inférentielles; apprendre aux élèves les procédures nécessaires à la compréhension afin qu’ils se les approprient et les utilisent à bon escient ».
Un groupe de travail a réfléchi sur l’individualisation en classe entière et propose des exemples de pratiques ainsi qu’une grille résumant ce qui favorise l’individualisation : une autre gestion du temps scolaire, une autre organisation de la classe, un travail en groupe mais aussi un rapport différent aux programmes.
L’accompagnement du travail personnel en 6ème a mobilisé un autre groupe avec d’intéressantes réflexions sur les difficultés rencontrées du fait des représentations des professeurs, des élèves et des parents. » Un chef d’établissement du Finistère regrette que les professeurs soient « encombrés » par leur expertise de professeur, (et ne se sentent pas capables d’aider des enfants dans une autre discipline que la leur) contrairement aux jeunes étudiants ASEN dont bénéficie son établissement. De plus, elle dit devoir se battre contre élèves et parents qui ne voient pas l’intérêt de la « permanence», car selon eux, elle est un endroit où on ne fait rien. La transformation de la « Perm » en « Etude » ou « Aide aux devoirs » est la solution qui s’est imposée. . Elle témoigne enfin que pour que les élèves acceptent de rester dans l‘établissement aux heures où ils n’ont pas cours, elle doit lutter pour qu’ils acceptent d’être aidés dans leurs devoirs, dans les murs de l’établissement ». Autre obstacle repéré par un IPR, la faible part des compétences transversales dans les textes officiels disciplinaires.
Mais le séminaire propose également des cas concrets de démarche d’individualisation. On peut ainsi découvrir un dossier type de PPRE, des dossiers de suivi d’élèves ayant des difficultés de comportement ou des difficultés scolaires ainsi que les stratégies développées pour y faire face.
Le B.O. du 31 août 2006
ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/bo/2006/31/31_v1.pdf
Le rapport des IG
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/064000688/index.shtml
Le séminaire de Rennes
http://www.ac-rennes.fr/gdossier/projacad3/ppr1.htm
Le coût budgétaire des PPRE
Il a été estimé dans un document éducation nationale annexé au rapport d’audit sur les lycées. La généralisation des PPRE au collège représente 12 140 emplois. Où trouver ces emplois dans des budgets qui suppriment des milliers de postes ? Pour le moment, c’est un mystère…
L’audit
http://www.audits.performance-publique.gouv.fr/bib_res/395.pdf