Par François Jarraud
En première
Un entretien d’orientation obligatoire doit avoir lieu en première. Il est conçu comme le premier pas vers « l’orientation active ».
En terminale
« Orientation active » ou sélection sociale ?
La nouvelle procédure « d’orientation active » mise en place par le gouvernement semble satisfaire tout le monde. Un nombre croissant d’universités l’utilise et, en ce moment même, les professeurs de terminale hésitent d’autant moins à donner un avis d’orientation qu’ils ont le sentiment d’aider leurs élèves. Toutefois elle introduit une rupture dans l’histoire éducative du pays et constitue une régression sociale sans précédent.
Pourtant, l’origine de cette réforme se trouve dans des préoccupations unanimement partagées. Le conseil européen de Lisbonne a souhaité voir les états européens augmenter leur taux de diplômés du supérieur à 50% d’une génération. Cela implique de diminuer un taux d’échec en université qui reste très important. Chaque année 80 000 étudiants quittent le supérieur sans diplôme. Un étudiant sur trois est réorienté. Seulement 39% des bacheliers technologiques obtiennent le Deug. Un taux qui descend à 17% pour les bacheliers professionnels. Quel gâchis !
En octobre 2006, pour lutter contre cela, le rapport du recteur Hetzel a recommandé l’instauration d’une procédure d’orientation qui est devenue officielle en janvier 2007. Le conseil de classe du second trimestre de terminale émet un avis d’orientation qui est communiqué à l’établissement d’enseignement supérieur. Celui-ci conseille l’étudiant et prend une décision de maintien ou non de l’étudiant à la fin du premier semestre universitaire. Comme le proclame le ministre : il y a orientation et non sélection. Le vilain mot est en effet dangereux pour un gouvernement. Et actuellement la procédure semble satisfaire tout le monde. Les jeunes ont le sentiment qu’ils bénéficient d’une aide réelle. Les parents pensent qu’on va s’occuper de leur enfant. Les universitaires pensent qu’ils vont avoir moins d’étudiants et qu’ils seront mieux adaptés aux études universitaires.
Et pourtant nous devons attirer l’attention des parents, mais aussi des enseignants, sur les conséquences néfastes d’une « orientation active » qui n’apporte pas de solution réelle aux lycéens.
La première tromperie concerne la personnalisation de l’orientation. Si le conseil de classe du lycée va émettre un avis réellement personnel, les universités, à de rares exceptions près, n’ont pas les moyens humains qui leur permettraient un réel suivi des étudiants. Dès octobre, le ministre de l’enseignement supérieur avait reconnu que les universités n’embaucheraient pas de personnel pour suivre cette orientation. On a donc toutes les raisons de penser qu’elle se fera de façon mécanique et que l’entretien prévu avec l’étudiant sera simplement une information de la décision administrative.
La logique qui sous-tend la procédure est tout de toute façon celle de la sélection. A l’étudiant qui a du mal à suivre, il n’est pas prévu d’apporter une aide spécifique. Selon la morale officielle de la responsabilisation, il doit ou réussir dès les premiers mois ou dégager. A la fin du premier semestre universitaire, l’établissement prendra une décision qui s’imposera à l’étudiant à qui on fera valoir que « le conseil de classe puis l’université l’avaient prévenu ». L’université aura le droit d’exclure, c’est-à-dire de sélectionner ses étudiants, en cours de première année selon les critères qu’elle se fixera elle-même. On laisse imaginer si les lycées appliquaient la même règle…
La procédure, qui se limite à l’éjection automatique, ne constitue évidemment pas une réponse digne d’un état démocratique aux difficultés d’une partie de sa jeunesse. Elle a aussi la particularité de méconnaître les causes d’échec des bacheliers technologiques et professionnels dans le supérieur. Elle ignore qu’un étudiant sur dix arrête ses études pour des raisons économiques. Un taux moyen qui doit être trois ou quatre fois supérieur pour ces bacheliers largement issus des milieux défavorisés.
Reste quand même 30 ou 40% d’échec nous dira-t-on. Le ministre feint de croire que ces étudiants viennent en université parce qu’ils sont mal informés et que l’information qui leur sera donnée dans le cadre de la procédure Hetzel les aidera. C’est peut-être vrai pour une partie d’entre eux. Mais la plupart arrivent en université parce qu’ils n’ont pas trouvé place en BTS ou en IUT. C’est tellement vrai que le rapport Hetzel lui –même demande la création de 50 000 places en BTS. Une demande qui est restée lettre morte. Par conséquent le nombre de bacheliers technologiques et professionnels demandant à aller en université va rester le même. La différence c’est qu’ils seront exclus au bout de quelques mois.
La procédure n’apporte donc aucune réponse à la formation supérieure de ces jeunes des milieux populaires. C’est pourquoi on peut douter qu’elle s’inscrive réellement dans le cadre l’optique européenne de 50% de diplômés du supérieur. Une perspective qui est d’ailleurs officiellement remise en question par les experts gouvernementaux du Conseil d’analyse stratégique qui dénoncent « l’inflation scolaire ».
Quelle est alors la motivation du gouvernement ? Je crains qu’elle ne soit que budgétaire. Les universités françaises manquent effectivement de moyens. En diminuant le nombre de bacheliers inscrits en université, le gouvernement croit avoir touché trois objectifs. Dégager des moyens dont les universités ont bien besoin. Eviter toute remise en cause de l’enseignement secondaire et supérieur dans la préparation intellectuelle des jeunes. Faire jouer la sélection sociale en réservant les filières universitaires aux milieux sociaux favorisés. La procédure d’orientation active respecte-elle le droit de tous les jeunes à l’éducation ?
Le HCEEE propose un autre plan pour l’orientation des lycéens
» Si, d’ores et déjà, plus de la moitié d’une génération entame des études supérieures, la part de diplômés du supérieur, passée de 16 % chez les actifs de cinquante à soixante-cinq ans à 29 % chez les vingt-cinq à quarante-neuf ans, plafonne à 38 % chez les jeunes sortis de l’école. Il y a donc eu une croissance importante des diplômés du supérieur mais il conviendrait de la poursuivre. Cependant, il n’est guère besoin, à première vue, de faire fortement grandir encore le « format » de l’enseignement supérieur pour atteindre l’objectif de 50 % de jeunes diplômés, dans la mesure où le système d’enseignement supérieur accueille déjà plus de 50 % des jeunes d’une génération. La question est donc double : limiter les sorties sans diplôme du supérieur, qui touchent plus de 10 % d’une génération, soit une part très significative des jeunes ; viser l’efficacité des poursuites d’études dans l’enseignement supérieur ».
Pour le Haut Comité éducation – économie – emploi (HCEEE), un organe consultatif de l’éducation nationale, mener la moitié d’une tranche d’âge à un diplôme de l’enseignement supérieur c’est économiquement nécessaire et accessible. Mais cela implique des efforts pour l’enseignement secondaire et le supérieur.
Au lycée, la première mesure, pour le HCEE, est le plein rétablissement des TPE. Il faut » développer une pédagogie basée sur le projet personnel et l’interdisciplinarité… rétablir les travaux personnels encadrés, avec des procédures d’évaluation objectives, en vue du baccalauréat avec le soutien éventuel d’enseignants du supérieur » afin de mieux préparer les lycéens. Le HCEE recommande aussi d’améliorer l’orientation et de décloisonner les bacs. » L’organisation de la dernière année du secondaire (voire des deux dernières années) pourrait en ce sens conjuguer les spécialités de la filière de bac choisie avec une (ou deux) options associées (sciences en lettres, philosophie en SMS en sont aujourd’hui des exemples). Déjà, dans certaines classes (sport-études, langues, musique-études), les disciplines de base de chaque type de bac sont maintenues mais complétées par les spécialités sportives ou artistiques, ce qui constitue de bons exemples de ce modèle ».
Pour lutter contre les sorties sans diplôme de l’enseignement supérieur, le HCEE recommande d’y injecter davantage de moyens pour mieux suivre les étudiants en première année. Le HCEEE envisage lui aussi un bilan d’orientation en fin de premier semestre mais accompagné de passerelles de réorientation. Il donne en exemple l’accord passé entre le lycée Diderot de Paris et l’université de Jussieu qui permet aux étudiants d’intégrer au second trimestre un BTS spécialement aménagé, ou encore le Diplôme interuniversitaire de repositionnement des études inventé à Strasbourg.
La publication de ce rapport intervient après celle du rapport Hetzel qui se limite à instituer des mesures de sélection plus ou moins automatiques plus susceptibles d’éliminer des universités les jeunes issus de milieu défavorisé qu’augmenter le nombre des diplômés. Entre ces deux philosophies, Robien a choisi le rapport Hetzel.
http://cisad.adc.education.fr/hce3/HC/Actualite/Articles/objectif50%25docfr.pdf
Emploi : Quelles sont les attentes des lycéens ?
Apprentissage à 14 ans, CPE, délégué à l’orientation : l’insertion professionnelle des jeunes a été un des thèmes dominants de la dernière année scolaire, un de ceux qui cristallisent les angoisses et les espoirs des parents et que l’on devine en contre-jour du débat sur la carte scolaire.
On s’est pourtant peu intéressé aux attentes des jeunes, aux valeurs qu’ils veulent défendre au travail ou aux métiers qui les font rêver. Des sujets sur lesquels une récente publication de la Dep (ministère de l’éducation nationale) sur la formation et l’emploi apporte des éclairages nouveaux.
Une des premières révélations d’une recherche menée par Emmanuelle Nauze-Fichet, c’est que 8 jeunes sur dix terminent le lycée avec un projet professionnel précis en tête et des attentes précises. Ils espèrent à la fois bien gagner leur vie et travailler dans un domaine passionnant. La garantie de l’emploi, le temps libre viennent bien après ces deux revendications, portées, pour la première, plutôt par les lycéens technologiques et professionnels et les apprentis, l’autre plutôt par les élèves des lycées polyvalents. L’enquête montre un sérieux décalage entre les métiers projetés et ceux qui sont réellement attribués aux jeunes. Ainsi ils sont 16% à envisager de travailler dans la santé et le social pour moitié moins d’emplois. L’écart se creuse pour les métiers de la communication et du spectacle: 9% d’aspirants pour 1% de reçus !
Inversement la gestion administrative, le tourisme, et surtout les industries sont peu sollicités alors qu’ils offrent des emplois.
Mais c’est dans le secteur professionnel que les désillusions sont les plus fortes. Henri Eckert (Céreq) met en évidence les désillusions des lycéens de bac pro. « ils ont le sentiment d’avoir été floués » nous dit H. Eckert. « Ils ont l’impression de ne pas y retrouver leurs mises précisément, c’est-à-dire toute l’énergie, toute la bonne volonté tous les efforts qu’ils ont mis dans leur formation professionnelle. Ils ont poursuivi, avec souvent donc beaucoup de bonheur, cet effort-là. Ils ne retrouvent pas, au bout du compte, ce qu’ils comptaient en retirer. Et là, du coup, pour eux, l’insertion professionnelle se passe dans des conditions particulières ».
Formés au lycée à concevoir des projets,ils se retrouvent le plus souvent dans la simple exécution. « Ces bacheliers professionnels désouvrièrisés par la formation qu’ils ont eu au lycée professionnel se retrouvent contraints de se réouvrièriser à travers de l’expérience de l’entreprise. Alors, cette situation a des répercussions diverses puisqu’elle peut créer de l’embarras, du doute ». Pour H. Eckert, elle alimente l’idée de ne rien avoir appris à l’école et un sentiment de dévaluation.
Alors l’apprentissage serait-il la réponse aux difficultés des jeunes ? On sait que le gouvernement entend doubler le nombre des apprentis et y orienter le plus tôt possible les élèves. On sait aussi qu’il attire de plus en plus de jeunes. Pour Gilles Moreau (université de Nantes) ce succès s’explique paradoxalement par le succès du modèle lycéen. Pour les familles populaires qui n’ont pas les moyens d’assurer la charge de ce que représente ce modèle, l’apprentissage permet de prolonger les études et d’entrer dans ce modèle tout en gagnant en indépendance financière. Est-ce à dire que l’apprentissage fournit une formation bien liée à l’emploi ? « Bien sûr je confirme que, pour un secteur donné, l’insertion des apprentis est meilleure à court terme que celle des lycéens professionnels…. C’est ce que j’appelle l’effet du « capital d’autochtonie ». Cela a été déjà signalé, cela a été précisé à propos du bâtiment, les apprentis se voient souvent offrir des places pour lesquelles ils ne sont pas mis en concurrence avec d’autres demandeurs d’emplois où avec d’autres jeunes qui sont sur le marché du travail ou qui sortent des filières scolaires… Mais attention ce capital ne joue pas pour tout l’apprentissage. (Il) fonctionne dans le bâtiment, dans la pharmacie. Il ne joue pas (ou moins) pour l’hôtellerie-restauration ou les métiers de la bouche, parce que dans ces secteurs-là, notamment dans l’hôtellerie-restauration, l’apprentissage a une fonction économique autant que de formation. Donc cet effet d’autochtonie est un effet qui fonctionne dans l’apprentissage mais qui n’est pas systématique ». Encore faut-il rappeler que « l’effet d’autochtonie » est poussé très loin dans l’apprentissage puisqu’une sélection féroce rend l’accès des CFA difficile aux minorités et aux filles.
Que tirer de ces quelques exemples ? Peut-être l’occasion de dénoncer le mythe d’une Ecole conçue pour fournir de la main d’œuvre et qui ajusterait parfaitement l’offre de diplômés et les besoins de l’économie. Alors que les parents affirment toujours attendre de l’Ecole une bonne préparation professionnelle, les attentes des jeunes et de leurs familles, les représentations sociales suffiraient à rendre l’objectif inatteignable. Il faut y ajouter que l’Ecole ne saurait perdre de vue un autre but : favoriser l’épanouissement des jeunes qu’on lui confie.
Que deviennent les bacheliers ?
Juste après le bac, 88% des bacheliers poursuivent leurs études dont 35% en université, 32% en STS ou IUT, 8% en CPGE. Trois ans plus tard, huit sur dix sont encore étudiants. Mais tous ne rencontrent pas les mêmes difficultés. 45% des bacheliers inscrits en licence parviennent en troisième année sans redoubler. 71% des bacheliers inscrits en IUT, 63% de ceux inscrits en STS obtiennent leur diplôme en deux ans.
Mais deux après le bac, 18% des bacheliers technologiques ont arrêté leurs études, soit trois fois le taux des bacheliers généraux. La moitié des bacheliers technologiques ont changé d’affectation soit là aussi trois fois le taux des bacheliers généraux.
Comment les étudiants expliquent-ils ces échecs ? Un étudiant en université sur quatre a du mal à s’organiser dans son travail et un sur trois manque d’intérêt pour les matières étudiées. Mais la première difficulté rencontrée par les étudiants (37%) ce sont les difficultés financières.
Etude officielle
http://media.education.gouv.fr/file/48/1/5481.pdf
Que devient-on sans le bac ?
Sans le bac, il reste des solutions ! D’abord le redoublement : ce n’est pas une perspective amusante mais c’est souvent la meilleure solution. On peut aussi préparer un bac professionnel. Attention cependant au stage en entreprise obligatoire pour ce bac.
On peut également poursuivre des études supérieures. Et par exemple entrer en faculté sans le bac avec une capacité en droit ou un DAEU (mais l’accès au DAEU est réservé aux adultes en reconversion). Sans le bac, on peut aussi s’inscrire en BTS.
Enfin il reste l’alternance, c’est à dire la possibilité de se former en travaillant.
Un premier pas : consulter un centre d’information et d’orientation.
Que faire sans le bac ?
http://emploi.france5.fr/emploi/formation/diplome/10039559-fr.php
La liste des CIO
http://www.education.gouv.fr/cid160/lieux-d-information.html