Par François Jarraud
Le cannabis se découvre en seconde
Quel est le profil de l’usager de cannabis ? C’est ce qu’a cherché à définir une équipe de l’Institut de veille sanitaire. Actuellement 18% des garçons de 17 ans et 7% des filles consomment du cannabis au moins 10 fois par mois. L’âge moyen d’initiation au produit est de 15 ans et 4 mois, c’est-à-dire au moment de l’entrée au lycée. Près de 8 personnes sur dix fument de 5 à 7 jours par semaine, près de 1 sur 5 considère comme difficile de passer une journée sans consommer et la moitié fume de 2 à 4 joints par jour en semaine. Pour 14% d’entre eux l’établissement scolaire est un lieu habituel de consommation. Une personne sur sept ressent des troubles de concentration ou de mémoire.
http://www.invs.sante.fr/beh/2005/20/index.htm
Un guide contre la toxicomanie
« Que sais tu de la toxicomanie ? » demande ce guide publié par le ministère de la justice. Destiné aux parents et aux enseignants il apporte une information légale intéressante et à jour. Mais il n’aidera pas les lecteurs dans d’autres domaines.
On pourra plus utilement lire le guide publié en 2002 par le Desco suite à deux séminaires nationaux ou le guide de prévention réalisé par la MILDT (Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie). » Il s’agit d’un guide d’intervention, c’est à dire d’un outil orienté vers l’action, conçu pour mettre à votre disposition les éléments concrets susceptibles de vous aider à intervenir dans un milieu particulier, caractérisé par des « règles du jeu » bien spécifiques (le milieu scolaire) sur un thème complexe qui met en jeu de multiples dimensions et conduit à poser un grand nombre de questions éthiques. »
http://www.justice.gouv.fr/art_pix/1_guidequesaistudelatoxicomanie.pdf
http://eduscol.education.fr/D0190/guide.htm
http://www.drogues.gouv.fr/article3023.html
Le milliard du cannabis et l’école
Parmi les pays développés, la France se signale par l’importance de sa consommation de cannabis, affirme le récent rapport de l’Office français des drogues et des toxicomanies (OFDT). Selon lui, » En 2005, en France, l’estimation du nombre de consommateurs réguliers (au moins 10 fois par mois) de cannabis s’élève à 1,2 millions. Ce nombre est en augmentation. Ainsi, entre 2000 et 2005, la part des consommateurs réguliers de cannabis parmi la population française âgée de 15 à 34 ans est passée de 3,8 à 5,9 % ».
L’étude établit également un lien entre scolarité et exposition à la drogue. « La consommation régulière de cannabis, comme son usage en général, est principalement rencontrée chez les adolescents et les jeunes adultes. Elle devient plus rare après 35 ans. Elle concerne surtout les hommes… Chez les jeunes, l’usage régulier est plus fréquent parmi ceux en situation de relégation scolaire, mais aussi, toutes choses égales par ailleurs, un peu plus répandu parmi les jeunes des milieux favorisés. Chez les adultes, le niveau scolaire est aussi un facteur discriminant. Ceux qui possèdent un haut niveau de diplôme sont plus fréquemment expérimentateurs de cannabis, mais moins souvent usagers réguliers ». Le cannabis génère un chiffre d’affaire conséquent : 832 millions d’euros.
Le cannabis développe aussi ses pathologies. L’OFDT recense » la perception de troubles de la mémoire ; un manque d’énergie ; une certaine dégradation des relations avec les proches, les amis ou la famille ; la conduite d’un véhicule après avoir consommé du cannabis. Enfin, un quart des usagers réguliers montre des signes qui pourraient suggérer une potentielle dépendance… Au niveau somatique, les conséquences d’une consommation chronique de cannabis fumé se rapprochent des tableaux cliniques observés avec le tabac puisque sont retrouvés des risques de cancers (poumon, voies aérodigestives supérieures, plus rarement vessie et prostate voire cancer du col utérin), de pathologies vasculaires et de maladies respiratoires chroniques (bronchopathies) ».
L’importance du rôle de l’école est bien montrée par le président de la Mildt, Didier Jayle. » Les actions de prévention se sont progressivement généralisées dans les établissements scolaires, avec un accent particulier sur le cannabis pour les élèves de 3e et 2de. Mais on ne peut alerter sans offrir de réponse. Aussi, 300 consultations anonymes et gratuites ont été ouvertes en 2005 à l’intention des jeunes consommateurs et de leurs parents dans l’ensemble des départements. Ce réseau de consultations, à mi-chemin entre la prévention et le soin, répond à un réel besoin : deux tiers des consommateurs accueillis (très majoritairement des garçons) déclarent un usage régulier ou quotidien de cannabis, et plus du tiers fait l’objet d’un diagnostic de dépendance… L’accent doit être mis encore et toujours sur la lutte contre le trafic : à petite échelle, il faut rappeler aux jeunes que vendre du cannabis, même en petite quantité, est assimilé par la loi à du trafic ; à plus grande échelle, le démantèlement des réseaux passe aussi par l’attaque du patrimoine des trafiquants, et une étude approfondie des circuits de blanchiment ».
Le rapport
http://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/cdecomp.pdf
Face au haschich
« Nous assistons à un fait culturel nouveau et insidieux. De jeunes adolescents choisissent de prévenir les malaises de leur âge en s’autoprescrivant la molécule de cannabis… Les jeunes captifs de nouveaux idéaux, de nouveaux plaisirs, sont pris dans des réseaux de discours qui leur donnent de nouveaux droits… Pour un certain nombre de jeunes, ce pari conduira à l’impuissance à engager une vie d’adulte ». On sait que près de 40% des jeunes garçons sont des consommateurs réguliers de cannabis (enquête OFDT). Pour Gisèle Bastrenta, psychologue clinicienne et analyste, le haschich est d’abord un phénomène culturel qui renvoie à une évolution globale de la société.
« Lorsque des parents, des professeurs affirment que si un jeune consomme, c’est parce qu’il a un malaise et qu’il souffre, ils inversent la problématique.. Cette affirmation indique que le malaise et la souffrance liés à l’adolescence ne sont plus une évidence. L’intolérance à la souffrance est un fait nouveau : on ne supporte plus de voir souffrir les gens qu’on aime. La normalité implique qu’il faille aller bien, les malaises n’ont plus droit de cité. Dans cette optique, l’adolescence est interprétée comme un symptôme à faire taire ». C’est pour vouloir oublier que la souffrance est liée à l’état adolescent et à la vie, que notre société prépare la jeunesse à la consommation cannabique.
Aussi que faire dans les établissements ? Certainement pas faire débarquer la police et ses maîtres chiens : pour G. Bastrenta c’est signer l’impuissance de l’institution.
Elle plaide pour le rétablissement des liens humains entre adultes dans les établissements et pour une prise en charge ouverte. « Ces actions ne visent pas l’abstinence. Ce serait un leurre que d’y songer. En revanche il est possible de faire entendre, et d’imposer des coupures entre le temps pour travailler et celui de la fête ». Il s’agit d’abord d’amener à la vie des ados qui se murent dans un nuage protecteur.
L’ouvrage est accompagné d’entretiens avec les différents acteurs dans les établissements : infirmière, CPE, proviseur, prof, inspecteur etc.
Gisèle Bastrenta, Face au haschich en collège et en lycée, Comprendre, repérer, agir, CRDP de Grenoble, 205 p., 2005.
http://www.ac-grenoble.fr/cddp74/librairie/fiche_produit.php?code=380VL009&selection=viescolaire