François Jarraud
Les concours en 2008
Trois concours seulement sont ouverts : agrégation interne et externe, capes externe. Il n’y aura pas en 2008 de capes interne. Les programmes sont définis au B.O. spécial n°3 de mai 2007.
Pour l’agrégation externe : Écrit : 2e épreuve. Composition de philosophie se rapportant à une notion ou à un couple ou groupe de notions.: L’image.
3e épreuve. Épreuve d’histoire de la philosophie.
1. Aristote : Organon (Catégories, De l’Interprétation, Premiers et Seconds Analytiques, Topiques, Réfutations sophistiques); Ethique à Nicomaque. Ethique à Eudème; Rhétorique; Poétique.
2. Pascal.
Oral : Première leçon : La logique et l’épistémologie. Textes français ou traduits en français : Kant, Critique de la raison pure, Bergson, L’Évolution créatrice, Textes en langue étrangère : Plotin, Ennéades IV, 7 et 9, Texte latin Thomas d’Aquin, Quaestiones disputatae de veritate, q. 1 (de veritate), Texte allemand Marx, Das Kapital, Livre I, 1ère, 2ème et 3ème sections jusqu’au chapitre v inclus, Texte anglais J. S. Mill, Considerations on Representative Government, in On Liberty and Other Essays, Texte arabe Al-Kindi, Kitâb al-Kindî ilâ al-Mu’tasim bi- Llâh fî al-falsafa al-ûlâ (Livre de la philosophie première), Texte italien Dante, Convivio, Premier et deuxième traités.
http://www.education.gouv.fr/bo/2007/special3/default.htm
Débuter en philosophie
Le dossier Bac du Café propose des ressources pour les élèves : réviser et s’entraîner.
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/01042007_BB_Philosophie.aspx
En série générale
Des conseils pour les devoirs et les cours
« On veillera à donner très rapidement un sujet de dissertation, sans s’attarder dans des considérations méthodologiques préalables. Il est préférable de donner en classe, dans la leçon, le constant exemple du traitement méthodique d’une question, et notamment de l’usage philosophique des textes ». Les IPR parisiens fixent leurs exigences dans le bulletin de rentrée. « Le travail de la dissertation doit être régulier et soutenu. En S, ES et dans les séries technologiques, la périodicité recommandée est d’un devoir toutes les quatre semaines, donné lors de la remise des copies précédentes. Trois devoirs en temps limité (4 heures) doivent être organisés au cours de l’année. En série L, le nombre des devoirs en temps libre est plus important (un toutes les trois semaines) ».
http://philosophie.scola.ac-paris.fr/Bulletinderentrée0607.pdf
En série générale, le programme a été changé en 2003. Il est en ligne sur EduScol
http://www.eduscol.education.fr/index.php?./D0016/LLP16GD01.htm
Un recueil de textes officiels sur le métier
http://www.ac-amiens.fr/pedagogie/philosophie/infosofficielles.htm
et un autre, très complet, sur l’enseignement de la philosophie
http://www.ac-amiens.fr/pedagogie/philosophie/infosphilo.htm
Particulièrement le dédoublement de la 3ème heure en série S
http://www.ac-amiens.fr/pedagogie/philosophie/philoofficiel/horaires.htm
Les 8 heures en série L
http://eduscol.education.fr/D0056/horairesseriel.htm
Sujets et textes
Plus de 3.000 sujets, près de 1.200 textes philosophiques : c’est ce que nous propose le site grenoblois. Un moteur de recherche permet d’accéder facilement aux notions et de construire ainsi rapidement des sujets de devoirs. Car « Les hommes peuvent-ils avoir des droits sans avoir des devoirs ? »…
http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/pages/search2.php
http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/pages/search.php3
Les auteurs au programme
Une sélection de sites Internet pour étudier chaque auteur au programme.
http://www.ac-rennes.fr/pedagogie/philo/ress/bauteurs/baut.htm
Textes
C’est une petite encyclopédie que le site académique de Grenoble nous propose. Pour chaque notion du nouveau programme 2003, pour chaque auteur, les enseignants trouvent sur le site des textes philosophiques illustrant le programme.
http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/
Entraînement à la dissertation
Sur le site picard, C. Prompsy propose un exercice de correction de dissertation. Les élèves doivent travailler les problématiques, puis les conclusions.
http://www.ac-amiens.fr/pedagogie/philosophie/sujets/exercicesplaisir.htm
L’explication de texte au baccalauréat
» A la fin du premier trimestre, trois réunions départementales se sont tenues dans notre académie. Elles avaient pour vocation de susciter une réflexion commune sur l’explication de texte, sa nature et sa place dans notre enseignement. A l’issue de ces trois rencontres, nous étions convenus de consigner les conclusions de ces discussions et de les communiquer à tous afin qu’elles jouent un rôle régulateur dans la conduite de notre enseignement et dans nos pratiques d’évaluation, notamment lors des épreuves du baccalauréat ». Le travail de ces rencontres picardes est mis en ligne par M. Francis Foreaux, IPR, Jocelyne Breton, M. Arnaud Desjardin et Pierre-André Huglo. Ils évoquent l’épreuve écrite, l’oral et l’organisation de l’épreuve.
http://www.ac-amiens.fr/pedagogie/philosophie/philoofficiel/consignestextes.htm
En série technologique
La philosophie en ST2S en 2008
Les horaires de la nouvelle filière Sciences et technologies de la santé et du social ont été publiés au J.O. du 28 septembre 2006. La philosophie y dispose d’une heure plus une heure de TD. Ces horaires de philosophie seront appliqués à la rentrée 2008.
http://eduscol.education.fr/D0055/horairesserieST2S.htm
Le nouveau programme (2006) en STG
« Dispensé durant une seule année, à la fin du cycle secondaire, et sanctionné par les épreuves d’un examen national, l’enseignement de la philosophie en classes terminales présente un caractère élémentaire qui exclut par principe une visée encyclopédique. Il ne saurait être question d’examiner dans l’espace d’une année scolaire tous les problèmes philosophiques que l’on peut légitimement poser, ou qui se posent de quelque manière à chaque homme sur lui-même, sur le monde, sur la société, etc. Il ne peut pas non plus s’agir de parcourir toutes les étapes de l’histoire de la philosophie, ni de répertorier toutes les orientations doctrinales qui s’y sont élaborées. Il convient donc d’indiquer clairement à la fois les thèmes sur lesquels porte l’enseignement et les compétences que les élèves doivent acquérir pour maîtriser et exploiter ce qu’ils ont appris. Le programme délimite ainsi le champ d’étude commun aux élèves des séries technologiques ». Après d’après discussions, le nouveau programme des séries technologiques entre en application à la rentrée 2006. Il se compose d’une liste de notions et d’auteurs.
Le programme au B.O.
http://www.education.gouv.fr/bo/2005/hs7/MENE0501664A.htm
Les pages de Rennes :
http://www.ac-rennes.fr/pedagogie/philo/doc/bprog/bprog.htm
http://www.ac-rennes.fr/pedagogie/philo/doc/bprog/b1progr.htm#appliqués
http://www.ac-rennes.fr/pedagogie/philo/racine/a1accueil.htm#session
L’épreuve des séries technologiques
Une note publiée au B.O. du 8 juin définit les épreuves de philosophie des bacs technologiques à compter de la session 2007. Peu de changement : une épreuve écrite (trois sujets : deux dissertations, une explication de texte) de 4 heures, (coeff 2 ou 3), une épreuve orale de contrôle (durée 20 minutes, coeff 2).
http://www.education.gouv.fr/bo/2006/23/MENE0601210N.htm
Comment enseigner la philo en série technologique ?
Dans l’académie d’Amiens, les professeurs de philosophie ont échangé fin décembre sur le projet de programme et surtout sur les méthodes pédagogiques à développer pour le rendre accessible. Par exemple : comment gérer les difficultés et lacunes des élèves sur le plan culturel ? Comment résoudre le problème de la maîtrise de l’écrit ? Comment rendre les textes accessibles ? Une réflexion commune riche, ouverte et inventive qui aborde notamment la question de « l’enfermement volontaire » de certains élèves. « Comment impliquer subjectivement les élèves ? »
http://www.ac-amiens.fr/pedagogie/philosophie/PAF/enseignertechno.htm
http://www.ac-amiens.fr/pedagogie/philosophie/PAF/enseignertechno2.htm
Socrate et Matrix
En terminale STI, Yannick Bezin montre comment s’appuyer sur un film populaire pour amener les lycéens à la lecture et à la philosophie. Sa démarche met en parallèle les thèmes du film avec des textes philosophiques. Ainsi l’illusion de Néo renvoie à la caverne de Platon. Le film évoque la liberté, le destin, le progrès technique, l’évolution. Sa démarche est accompagnée d’une sélection webographique qui ouvre d’autres perspectives d’utilisation en philosophie.
http://www.ac-amiens.fr/pedagogie/philosophie/sujets/matrix.htm
Bientôt la philosophie en lycée professionnel ?
Enseigner la philosophie en lycée professionnel
« Il ne fait donc pas de doute pour les rédacteurs de ce rapport que l’enseignement de la philosophie en lycée professionnel, tel qu’ils ont pu l’examiner en fonctionnement dans l’académie de Reims, a fait la preuve de son opportunité et de sa faisabilité. Ils estiment que les avantages éducatifs, mais aussi culturels et sociaux, l’emportent très largement sur les coûts collectifs, au bénéfice des élèves parmi les plus démunis et, qu’à ce titre, son développement doit être encourage ». C’est un rapport très favorable qu’ont remis les inspecteurs généraux Alain Séré et Philippe Forstmann sur le dispositif d’enseignement de la philosophie en lycée professionnel. Disons tout de suite que cet enseignement est balbutiant. Alors que la philosophie est inscrite aux programmes des terminales technologiques et générales, elle est seulement expérimentée en lycée professionnel. Elle ne touche que 650 élèves de 50 classes.
Pourtant, les inspecteurs soulignent ses apports positifs. Les élèves sont sensibles au fait qu’ils font des études comparables aux autres bacheliers. Et cet enseignement « contribue a modifier indubitablement le rapport au savoir et au langage des élèves concernés, a installer (ou a développer) des attitudes face aux textes, aux concepts, aux autres, a l’exercice personnel de la pensée ». Les élèves maitrisent mieux l’écrit, ils sont mieux préparés a suivre l’enseignement de culture générale de bts, leur attitude envers l’école s’améliore.
Comment arrimer cet enseignement a la filière professionnelle ? Pour l’inspection générale il faut « mieux articuler l’enseignement de la philosophie au cadre pédagogique du lycée professionnel ». Et pour cela, les inspecteurs recommandent de s’appuyer sur les ppcp, un dispositif malheureusement généralement ignore des professeurs de philosophie qui oeuvrent en l.p… l’inspection souhaite également que cet enseignement soit évalue au bac professionnel. Enfin il conviendra de préparer les professeurs de philosophie a enseigner en l.p. car l’inspection estime qu’il « n’est pas pertinent de former des enseignants en vue d’une pratique exclusive en l.p. ». Le rapport demande donc des moyens pour cet enseignement, menace par les réductions de postes, et un cadrage réglementaire. Deux conditions qui devraient impliquer l’inspection générale de philosophie a laquelle n’appartiennent pas nos deux auteurs.
http://media.education.gouv.fr/file/27/5/5275.pdf
Réfléchir à ses pratiques
Philosopher : tous capables
« Comment donner à l’enseignement de la philosophie toute sa valeur formatrice et émancipatrice, et ainsi contribuer à sa démocratisation ? Comment faire face aux évolutions des élèves tout en maintenant des exigences intellectuelles élevées ? Comment permettre à chacun de découvrir en soi, avec les autres, des capacités de réflexions nouvelles ? » Cet ouvrage du Gfen Philosophie souhaite montrer comment faire face aux évolutions des élèves tout en maintenant un haut niveau d’exigence. En enjeu : la démocratisation du lycée. L’ouvrage rend largement compte de pratiques pédagogiques : ateliers d’écriture, travaux méthodologiques, soutien, etc. Il donne des exemples de croisement de disciplines : avec l’histoire – géographie, l’action commerciale en STT, l’économie gestion par exemple. Un ouvrage doublement émancipateur.
http://www.gfen.asso.fr/catalogue/revues/revues/pratik_philo.htm
L’enseignement de la philosophie en Europe
Comment est enseignée la philosophie chez nos voisins européens ? La webmestre, Carole Prompsy nous emmène dans un véritable tour d’Europe qui inclut les états de l’est et ne se limite pas aux programmes. Dans nombre de pays la philosophie est absente ou facultative. Elle a généralement bien du mal à se détacher de l’enseignement de la religion, de l’éthique ou de la morale. Les méthodes pédagogiques varient également tout comme les modes d’évaluation (la dissertation n’est pas universelle). Voilà des pages que tout enseignant devrait parcourir !
http://www.ac-amiens.fr/pedagogie/philosophie/europe.htm
L’histoire de la discipline
Le site d’Amiens met en ligne des liens qui permettent de suivre l’histoire de l’enseignement de la philosophie en France : programmes de 1823, 1832, 1865. Un enseignement bien politique..
http://www.ac-amiens.fr/pedagogie/philosophie/histoire.htm
Pour aller plus loin… : Il faut enseigner la philosophie avant la terminale
Peut-on philosopher avant la terminale ? Il semble bien que oui si on en juge par la multiplication des expériences de « discussion à visée philosophique » à l’école et au collège ou par l’introduction du débat à l’école ou au lycée (en ECJS). Nous avons demandé à François Galichet de nous éclairer sur les enjeux de ces nouveaux desseins pour la philosophie.
La pratique du débat philosophique dans les classes élémentaires connaît un développement très important en France depuis quelques années. Ce développement est d’autant plus remarquable que la conception française de l’enseignement philosophique obéit à une doctrine très stricte, qui n’a pratiquement pas évolué depuis sa fondation par Victor Cousin au milieu du 19ème siècle et les instructions d’Anatole de Monzie en 1925, qui lui donnent sa forme définitive. Cette doctrine stipule que l’accès à la pensée philosophique exige un certain degré de maturité intellectuelle et psychique, ainsi que l’acquisition d’un ensemble de connaissances encyclopédiques. L’enseignement philosophique représente alors en quelque sorte le couronnement des études secondaires, en même temps qu’une sorte d’étape initiatique qui fait passer l’élève de l’adolescence, âge de toutes des révoltes et de tous les bouillonnements irrationnels, au stade du jeune adulte capable de choix lucides et raisonnés. Dans cette doctrine, on le voit, l’exercice de la réflexion philosophique chez l’enfant est non seulement absurde – car il n’a ni la maturité, ni les connaissances nécessaires – mais dangereux, car il introduit et agite des idées qui ne seraient pas de son âge, et pourraient le conduire aux comportements les plus extrêmes.
La doctrine traditionnelle de l’enseignement philosophique
Cette doctrine est encore soigneusement préservée et verrouillée par les gardiens institutionnels de la corporation des professeurs de philosophie : inspecteurs généraux et régionaux, associations d’enseignants, universitaires de la discipline. Malgré des contestations de plus en plus vives en leur sein 1, on peut dire que les professeurs de lycée y adhèrent et concourent à maintenir la situation bloquée, comme le récent rejet d’une réforme pourtant timide l’a bien montré.
Cela n’a rien d’étonnant : les enseignants de philosophie sont recrutés et formés sur des critères exclusivement universitaires. Or beaucoup d’étudiants choisissent la philosophie pour des raisons essentiellement personnelles, parce qu’ils sont tourmentés par des interrogations, des questionnements qu’ils souhaitent approfondir. Par suite, le choix de la carrière enseignante, qui est à peu près la seule voie qui s’offre à eux s’ils veulent continuer à pratiquer la philosophie à plein temps, répond moins à un désir pédagogique de faire partager une passion intellectuelle qu’à la nécessité prosaïque de gagner sa vie. Dans ces conditions, l’enseignement à un seul niveau – la terminale – et dans des classes qui ne posent pas trop de problèmes – les lycées d’enseignement général et technologique – leur permet de limiter au minimum incompressible leur réflexion didactique, et de réduire leur démarche d’enseignement à des formes (le cours magistral, la dissertation) qui sont aussi proches que possible des formes universitaires qui sont les seules qu’ils aient jamais connues.
Dans les autres disciplines ( français, mathématiques, sciences, langues , etc.), leur très large étalement sur de nombreux niveaux ( de la sixième à la terminale) et dans plusieurs filières à finalités très différentes ( enseignements généraux, technologiques et professionnels ) oblige les futurs enseignants à un effort d’adaptation, de transposition et de diversification des objectifs , des méthodes, des techniques, qui interdit de faire l’économie de la pédagogie. L’enseignement philosophique français, limité à le seule terminale ( cas désormais unique en Europe) permet à ses protagonistes de prétendre encore pouvoir se passer d’une réflexion pédagogique et didactique , au motif que la philosophie serait sa propre pédagogie.
Dans ces conditions, il n’y a rien d’étonnant à ce que l’idée d’une pratique de la philosophie dès le plus jeune âge – c’est-à-dire dès la maternelle – soit venue en France sous l’impulsion de l’étranger.
Les pratiques nouvelles de « philosophie pour enfants »
Ce mouvement a été initié aux Etats-Unis par Matthew Lipman, créateur d’un programme de « Philosophie pour enfants » ( Philosophy for children). Ce programme repose sur une série de romans, correspondant chacun à un niveau d’âge. Ils servent de point de départ à des débats et des discussions permettant de constituer la classe en « communauté de recherche » ( community of inquiry).
L’idée a été reprise dans divers pays du continent américain , notamment au Brésil ( où plus d’un millier de classes pratiquent la méthode Lipman) et Canada ( où de nombreuses recherches didactiques ont été menées autour de ce thème2). En Belgique, dans le cadre du cours de morale institué au primaire comme au secondaire, elle a été mise en pratique essentiellement sous la forme de dilemmes moraux visant à une confrontation des représentations sur des questions éthiques.
En France, les activités philosophiques en classe se sont multipliées dans l’enseignement primaire depuis une dizaine d’années, au point que certains ont pu parler de « l’émergence d’un nouveau genre scolaire »3. Plusieurs colloques ( Paris 2001, Rennes 2002, Balaruc 2003, Caen 2004, Poitiers 2005) ont eu lieu, témoignant d’une reconnaissance officielle de ce type de pratique par le Ministère. Depuis la rentrée 2002, une demi-heure hebdomadaire de débat est inscrite à l’emploi du temps de toutes les classes primaires, ce qui lui donne un cadre institutionnel où elle peut se développer .
Entre l’école primaire et le lycée, où la philosophie, même si elle n’est officiellement présente comme discipline qu’en Terminale, peut être enseignée dès la classe de seconde par le biais de l’ECJS et des TPE, entre autres, le collège constituait jusqu’ici un « trou noir », un hiatus d’autant plus choquant que la pré adolescence, entre 11 et 16 ans, est un âge où l’on se pose beaucoup de questions « philosophiques ». Ce hiatus commence à être comblé : des initiatives se font jour pour organiser des discussions à visée philosophique, d’abord en SEGPA, puis maintenant dans les classes dites « normales »,notamment par le biais d’IDD ( Itinéraires de découverte) consacrés entièrement à ce type d’approche. Les échos de ces expériences montrent un intérêt passionné de la part des élèves, à tel point que des professeurs de français ou d’autres disciplines sont prêts à s’y engager leur tour.
On peut donc dire que cet essor témoigne d’un besoin réel, voire d’une nécessité dans le monde contemporain où l’incertitude sur les valeurs fondamentales va de pair avec un ensemble d’urgences – démocratiques, sociales, écologiques – qui exigent une réflexion de chaque citoyen sur les finalités de la vie sociale. C’est pourquoi certains ont pu parler d’un « droit à la philosophie » qui s’inscrirait dans le cadre des droits à la liberté d’opinion, d’expression et de pensée reconnue à l’enfant ( articles 12,13 et 14 de la CDE).
Les professeurs de philosophie devant un choix crucial
Les enseignants actuels de philosophie, formés à l’Université à une conception de la philosophie universitaire sont, dans leur majorité, on l’a vu, tentés de restreindre l’enseignement de la philosophie à la seule classe de Terminale.
Or avec l’émergence des nouvelles pratiques du philosopher, vont bientôt arriver au lycée des élèves pour qui la philosophie ne sera plus une activité inconnue, vaguement initiatique, et objet d’une curiosité intense avant, trop souvent, de susciter une déception profonde.
Ces élèves, qui auront pratiqué la philosophie durant des années, essentiellement sous la forme de discussions argumentées précédées et suivies par la production de textes libres et la lecture de textes en rapport avec les sujets débattus, débarqueront en Terminale avec l’idée de continuer à pratiquer la philosophie ainsi.
Les professeurs de philosophie seront donc devant un choix. Ou bien ils continueront de s’arc’bouter sur des positions intenables, et ils s’exposeront à une disqualification suicidaire de l’enseignement philosophique au Lycée, donnant des arguments à tous ceux qui rêvent d’en faire un enseignement purement optionnel. Ou bien ils s’ouvriront à ces nouvelles pratiques et même y participeront : c’est ainsi que plusieurs enseignants de philosophie ont accepté, dans le cadre d’une opération menée en Seine-Saint-Denis par la Fondation 93, d’aller dans des classes de SEGPA animer des discussions sur des thèmes philosophiques.
Ils y seront encouragés par certains philosophes universitaires qui ne considèrent pas ces nouvelles pratiques comme une trahison de la philosophie ni comme un enseignement au rabais qui usurperait la qualification de philosophique.
Ainsi François Dagognet, professeur émérite à l’Université de Paris 1, écrit-il à la fin de sa préface à l’ouvrage d’Anne Lalanne, Faire de la philosophie à l’école élémentaire : dans ce type d’atelier, « l’élève apprend à penser ». Alors que « l’enseignement traditionnel [de la philosophie] va droit dans le mur » et « risque de susciter l’ennui », avec les nouvelles pratiques l’élève « va jusqu’à échanger avec ses semblables. Il se sensibilise aux mots essentiels. Il s’interroge ». C’est pourquoi le livre qui en fait la relation « déstabilise les dogmatiques ».
Yves Michaud, professeur de philosophie à la Sorbonne, fondateur de l’Université de tous les savoirs, a écrit un ouvrage La philo 100% ado , où il décrit le travail philosophique effectué avec des collégiens.
Jean-Luc Nancy affirme clairement : « Ce que nous appelons encore« enseignement de la philosophie » doit connaître une mutation à laquelle aucune réforme des programmes de la seule terminale ne peut suffire. La première et minimale condition en est, de toute évidence, le développement d’une culture philosophique ou pré-philosophique ( ce que Hegel entendait par philosophische Bildung ) bien avant la terminale (…). Il faut qu’aujourd’hui le jeune élève puisse découvrir l’exercice de la pensée réfléchie et critique bien avant d’être formellement exposé à l’épreuve des textes, opérations et outils proprement philosophiques ». Jean-Luc Nancy fut lui-même un pionnier en la matière, puisqu’il mena une expérience de « Philosophie en cinquième » dès les années 1970.
S’il s’enferme dans le ghetto de la terminale ( et a fortiori de la terminale générale et technologique, en refusant même l’extension aux lycées professionnels, qui sont actuellement privés de philosophie), l’enseignement philosophique est condamné à mourir. Sa seule chance de survie est de rejoindre le mouvement qui considère, avec Montaigne, que « la philosophie, on a grand tort de la peindre inaccessible aux enfants (…). Puisque la philosophie est celle qui nous instruit à vivre, et que l’enfance y a sa leçon comme les autres âges, pourquoi ne la lui communique-t-on pas ? ». « La philosophie a des discours pour la naissance des hommes comme pour la décrépitude ». « Ni le plus jeune âge ne se refuse à la philosophie, ni le plus vieil ne s’en lasse ».
François GALICHET
Professeur émérite de philosophie
IUFM d’Alsace et Université de Strasbourg 2.
Bibliographie indicative :
Michel Tozzi coord., L’éveil de la pensée réflexive à l’école primaire, Hachette Education, 2001
J.Chatain, J-C Pettier, Textes et débats à visée philosophique au cycle 3, au collège , SCEREN-CRDP de Créteil, 2003.
Yves Michaud, La philo 100% ado, Bayard Jeunesse, 2003
A.Lalanne, Faire de la philosophie à l’école primaire, ESF, 2002
François Galichet, Pratiquer la philosophie à l’école, Nathan, 2004.
http://www.pratiques-philosophiques.net/ ( espace d’informations et de publications sur les nouvelles pratiques d’enseignement philosophiques)
Notes
1 Contestations qui s’expriment en particulier par le biais de l’ACIREPH, qui milite pour une extension de l’enseignement philosophique à des filières ( lycées professionnels) et des niveaux ( seconde et première ) où il n’est pas encore introduit.
2 Cf M.F Daniel, La philosophie et les enfants, Montréal, Editions Logiques, 1992, et P.Laurendeau, Des enfants qui philosophent, Montréal, Editions Logiques, 1996.
3 Cf Les activités à visée philosophique en classe : l’émergence d’un genre ? M. Tozzi dir., SCEREN CRDP de Bretagne, 2003.
Des blogs pour la philo
La liste de C. Prompsy
Une sélection d’une douzaine de blogs animés par des enseignants pour leurs élèves. Des approches parfois traditionnelles mais souvent originales. Ainsi Harry Staut qui utilise la chanson Hurt de Johnny Cash pour son introduction à la philosophie, ou celui des « petits philosophes » où des lycéens s’expriment.
http://www.ac-amiens.fr/pedagogie/philosophie/liens0.html#blog
Le Blog Philo Polynésie
« Initialement prévu pour mes élèves de terminale, puis aux élèves de Polynésie et enfin à quiconque qui veut faire effort de philosopher, ce blog propose un espace de dialogue où chacun peut mettre ses interrogations, ses idées et ses arguments à l’épreuve d’autrui ». Hervé Moine enseigne la philosophie au lycée des îles sous le vent d’Uturoa à Raiatea en Polynésie française.
Un lieu où l’on pourrait atteindre l’ataraxie si j’en crois l’invité du mois sur le blog, un certain Epicure. Mais Hervé Moine trouve plutôt son bonheur dans l’entraide. Il publie des cours, des conseils, mais surtout il répond aux questions de lycéens, habitant probablement bien loin de son île, en danger de noyade dans l’océan philosophique. Si loin, si près…
Le blog
http://blog.philopolynesie.com/