DÉveloppement durable et tourisme
Le développement durable tend à devenir l’alpha et l’oméga de la gestion de nos modes de vie. En cette fin d’année scolaire et pour faire écho aux vacances, un dossier sur l’une des activités majeures de ces temps de loisirs : le tourisme, et le développement durable.
Pourquoi le tourisme ? Il s’agit d’une des activités dont la croissance ne se dément pas d’une année sur l’autre, d’une activité dont les acteurs, consommateurs comme producteurs, étendent leur toile sur l’ensemble de la planète et, enfin – on peut suivre en cela Jean-Pierre Lozato-Giotart – l’activité touristique ne se conçoit pas sans son environnement, environnement dont elle dépend pour son existence.
Ce dossier se compose des habituelles rubriques et d’un compte-rendu sur l’ouvrage de Jean-Pierre Lozato-Giotart : Le chemin vers l’écotourisme, impacts et enjeux environnementaux du tourisme d’aujourd’hui.
Définir le(s) tourisme(s) durable(s)
Le tourisme durable est multiforme : responsable, équitable, solidaire. Quelques définitions simples :
http://www.tourmag.com/index.php?action=article&id_article=543288
http://www.econovateur.com/rubriques/comprendre/enj010701.shtml
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cotourisme
http://www.unat.asso.fr/f/unat/ts/tsr.html
http://www.tourisme.gouv.fr/fr/navd/dossiers/taz/att00002082/tourisme_durable07.pdf
L’association 4D rappelle le poids de l’activité touristique et les raisons pour lesquelles il faut penser celui-ci en termes de durabilité.
http://www.association4d.org/article.php3?id_article=46
Penser le tourisme durable
En 1995, lors d’une conférence coorganisée par l’UNESCO, la charte de Lanzarote (Canaries) est signée en appel à tous les acteurs du tourisme pour prendre acte du fait que « le développement touristique doit reposer sur des critères de durabilité […] il doit être supportable à long terme sur le plan écologique, viable sur le plan économique et équitable sur le plan éthique et social pour les populations locales » en s’appuyant notamment sur des « critères de qualité visant à assurer la préservation de la destination touristique et le degré de satisfaction du touriste, critères définis de manière conjointe avec les populations locales et basés sur les principes du développement durable » reconnaissant que « le tourisme étant un puissant instrument de développement, il peut et doit jouer un rôle actif dans la stratégie de développement durable ». Cette charte ne va pas au-delà de l’appel à une mobilisation internationale pour un tourisme durable et la création d’un comité pour le suivi de la charte.
http://www.nature-travels.com/?go=charte_tourisme_durable
Une étude réalisée pour le compte de l’UNESCO en 2006, « Tourisme, culture et développement durable » :
http://unesdoc.unesco.org/images/0014/001475/147578f.pdf
L’ONU déclarait 2002 Année internationale de l’écotourisme.
http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001259/125914f.pdf
L’OMT (Organisation mondiale du tourisme) dispose d’une rubrique consacrée au développement durable du tourisme. On peut y trouver des définitions, les objectifs et les activités identifiés par l’OMT ainsi que les rapports et conférences passées.
http://www.world-tourism.org/francais/frameset/frame_sustainable.html
En octobre 2006 a eu lieu la première réunion du groupe de travail sur le tourisme durable, un rapport est prévu pour juin 2007.
http://www.uneptie.org/PC/sustain/resources/MTF/TOR_TF_tourisme_durable_FR_6fev.pdf
http://www.actu-environnement.com/ae/news/1946.php4
http://www.tourisme.gouv.fr/fr/navd/presse/cp/CP_groupe-developpement-touristique.jsp
En 1995, le Conseil de l’Europe organisait un colloque autour du développement du tourisme durable. Les cas de Chypre, de la Macédoine et de l’Ukraine y sont plus particulièrement abordés.
Au niveau européen, un groupe de travail réuni pour « la promotion de la protection de l’environnement et du développement durable du tourisme » a rendu un rapport intitulé « vers un agenda européen du tourisme » qui définit un certain nombre d’objectifs à l’intention des décideurs : prévenir et réduire les impacts territoriaux et environnementaux du tourisme dans les destinations, maîtriser la croissance des transports liés au tourisme et ses effets négatifs sur l’environnement, encourager le tourisme favorable à un développement local durable maîtrisé par les acteurs du secteur.
http://www.tourisme.equipement.gouv.fr/fr/navd/dossiers/durable/att00001212/agenda21_europeen.pdf
L’Union européenne est à l’origine d’une charte européenne du tourisme durable dans les espaces protégés.
Un document centré sur la Grèce développant plusieurs axes : un état du tourisme en Grèce, mettre en évidence dynamiques et perspectives du tourisme en Grèce pour un développement durable et proposer des pistes d’organisation afin d’y parvenir.
http://www.planbleu.org/publications/livreblanc_grc.pdf
Autre exemple grec : le 3e prix du développement durable touristique a été décerné à un projet de la région de Pella.
http://www.sommets-tourisme.org/f/prix/2003/4.pdf
Le FIG (festival de géographie de Saint-Dié) propose dans ses actes quelques interventions utiles à une réflexion sur le tourisme durable :
– une intervention de Roland Paskoff sur le conservatoire du littoral
http://fig-st-die.education.fr/actes/actes_99/littoral/article.htm
– L’exemple des parcs nationaux de montagne de l’Ouest canadien
http://fig-st-die.education.fr/actes/actes_2006/heritier/resume.htm
En 2004, la mission d’ingénierie touristique de Rhône-Alpes mettait au point dans ses dossiers documentaires une bibliographie et une liste d’organismes ressources sur le thème « développement durable et écotourisme ».
http://www.parcdumorvan.org/fic_bdd/pdf_fr_fichier/1163696310_biblio_ecotourisme.pdf
Sur le site de la revue Développement durable et territoires, un article « Gouvernance touristique des grandes stations et durabilité. Une lecture en termes de proximité ».
http://developpementdurable.revues.org/document.html?id=2648
Des exemples de réalisations
Se proposant de « renforcer le développement local en participant à la redynamisation du plateau d’Assy, être un outil didactique au service de l’environnement en montagne et valoriser l’insertion par l’embauche de personnes en difficultés d’insertion pour l’accueil et l’entretien du jardin », le jardin des Cimes allie les trois paramètres essentiels du développement durable : économie, environnement, société. Ce projet a reçu le prix des Sommets du tourisme 2006.
http://www.sommets-tourisme.org/f/prix/2006/9.pdf
Sur le site des parcs naturels régionaux, une réflexion aborde les perspectives et la gouvernance dans ces parcs ; sont ensuite développés des exemples comme celui du parc naturel régional de Guyane.
http://www.parcs-naturels-regionaux.tm.fr/upload/doc_telechargement/grandes/Actes JN 2004-2.pdf
Le parc naturel régional du Vercors a défini pour la période 2003-7 une stratégie de tourisme durable autour de six axes dont la protection et la valorisation du patrimoine naturel et culturel, la gestion des flux… Chaque axe est développé en objectifs et actions envisagées.
http://www.pnr-vercors.fr/nature/pdf/strategie_pnrv.pdf
La charte européenne du tourisme durable et sa mise en œuvre dans le parc national de Guadeloupe :
http://www.guadeloupe-parcnational.com/pdf/Definition_CETD.pdf
L’université de Pau a organisé un séminaire sur le tourisme durable en montagne. Des vidéos des interventions sont disponibles.
http://set.univ-pau.fr/live/tourismedurable/
Le conseil général de la Somme a mis au point un schéma départemental de développement touristique pour 2005-8, définissant notamment une stratégie de tourisme durable.
http://www.somme-tourisme.com/fr/espacepartenaires/infos_cdt/Sch%E9ma.pdf
L’association Asays fait le point sur le tourisme durable. Celui-ci n’en est qu’à ses débuts mais des associations comme Tiwizi en sont les précurseurs.
http://www.asays.com/article.php3?id_article=218
Novethic signale l’engagement du tour-operator Nouvelles Frontières dans le tourisme durable. Cet engagement passe par des accords et des actions avec les populations locales et la fourniture par les hôteliers d’un « rapport environnemental sur la destination ».
http://www.novethic.fr/novethic/site/article/index.jsp?id=73336
Des labels sont décernés pour les initiatives ou destinations prenant en considération l’impact environnemental du tourisme.
La clef verte récompense les hébergements pour leur respect de l’environnement.
De même pour l’écolabel européen qui fleurit les hébergements soucieux de l’environnement.
Cette année l’écolabel pavillon bleu a été décerné à 252 plages et 87 communes réparties sur l’ensemble du littoral français.
http://www.actualites-news-environnement.com/20070601-ecolabel-Pavillon-bleu.php
Toujours dans l’idée d’agir et d’améliorer les rapports tourisme/environnement, une ONG australienne, Green Globe 21, décerne un label aux entreprises touristiques à partir de 25 indicateurs.
http://www.grand-air.net/green globe 21_par solenne muller feuga.pdf
Dans cette page de janvier 2007, ce blog évoque le cas du tourisme durable à Madagascar listant les initiatives et renvoyant au site du tourisme durable de Madagascar.
http://tattum.canalblog.com/archives/2007/01/10/3658349.html
http://www.mada-sustainable-tourism.org/fr/index.php
Au Togo aussi, des initiatives sont prises pour un tourisme durable :
http://www.cooperationtogo.net/attd.html
Les Baléares et Majorque, dont on a tant parlé pour évoquer la massification du tourisme et ses conséquences, font ici l’objet d’un article dans la revue Rives nord-méditerranées qui a pour titre : « Le développement du tourisme rural à Majorque : une stratégie d’aménagement durable des îles Baléares ? ».
http://rives.revues.org/document137.html
Le domaine de Pezula, réservé à de riches clients, tente de s’inscrire dans une mission d’éducation à l’environnement en ne consacrant, par exemple, que 15 % du domaine à la construction.
Echoway a fait sien l’idée de voyager autrement en « découvrant un pays, échangeant avec ses habitants, respectant et protégeant la nature ».
Lycée
Une proposition pédagogique trouvée sur le site de l’académie de Nantes ayant pour sujet « Haute montagne touristique et développement durable : l’exemple de Chamonix et du Mont-Blanc ».
http://www.ac-nantes.fr:8080/peda/disc/histgeo/pedago/chamonix/chamonix.htm
Une présentation de Jean-Marc Breton sur le site de l’académie de Guadeloupe dont le sujet est : « De Rio à Johannesburg : tourisme, écotourisme et développement durable dans la Caraïbe ».
http://www.ac-guadeloupe.fr/eedd/breton.htm
Compte-rendu de lecture : le Chemin vers l’écotourisme
Le chemin vers l’écotourisme. Impacts et enjeux environnementaux du tourisme d’aujourd’hui, Jean-Pierre Lozato-Giotart, Editions Delachaux et Niestlé, 2006, 192 p.
La notion de durabilité tend à devenir le passage obligé de toute réflexion engageant le devenir de l’homme, de son environnement et de ses activités. Dans ce livre, Jean-Pierre Lozato-Giotart, professeur à l’université Paris III et directeur du pôle « Médiation et ingénierie touristique et culturelle », applique ce concept au tourisme sous l’appellation d’écotourisme. En effet, il considère, à juste titre, que ce domaine de l’activité humaine, « temps fort de l’utilisation des loisirs » pour reprendre ses termes, s’appuie essentiellement sur l’environnement au sens large à tel point qu’il en est tout « naturellement » sa matière première.
Partant de ce constat, il ne peut être possible d’envisager le futur du tourisme sans envisager les rapports que celui-ci entretient avec l’environnement et notamment sans repenser l’insertion de l’activité, ses impacts dans ce qui lui sert d’« écrin ».
Tourisme Atttila : voilà comment est évoqué la croissance du secteur touristique et ses manifestations observables après la Seconde Guerre mondiale. Revenant sur les prémices du tourisme au XIXe siècle, celui de riches Européens essentiellement, un tourisme plutôt respectueux de l’environnement, Jean-Pierre Lozato-Giotart aborde ensuite la période de l’essor du tourisme, postérieure à 1945. Ce tourisme de masse est lié à l’apparition d’une société de consommation de masse, la révolution des transports ; il se caractérise par des flux croissants, une bétonisation des sites sur lesquels se concentrent les arrivées : construction d’hôtels, résidences secondaires, ports de plaisance…
Malgré une récente prise de conscience des méfaits avérés de ce type de développement touristique, des projets identiques continuent à voir le jour pour faire face à l’expansion prévue du tourisme mondial tant en termes de nouvelles destinations (Chine, Afrique du Sud) qu’en termes de croissance des flux : une augmentation de plusieurs centaines de millions de touristes est pronostiqué pour les années à venir.
Or cette « déferlante » sans fin a eu et a encore des conséquences sur l’environnement. L’auteur fait un listing des atteintes dues au tourisme : pollutions (atmosphérique, marine…), exploitation excessive des ressources (eau), destruction ou dégradation de la flore et de la faune par l’édification d’infrastructures (routes, stations). Iles, milieux lacustres sont, par leur situation ou leur fragilité, les plus touchés par ces « agressions » touristiques.
Toutefois, il est fait état d’autres situations comme celles où le tourisme peut être attentif à l’environnement qu’il utilise : c’est bien entendu le cas du tourisme-safari dont le fond de commerce est la préservation à l’état « naturel » de la faune et de la flore. Néanmoins d’autres tourismes, qui se veulent durables, sont à l’origine de dégradations : l’exemple du GR20 est cité, détérioré par les passages multiples et les déchets abandonnés par les randonneurs.
On touche ici à l’un des points importants, un des paramètres du tourisme durable : l’évaluation de la capacité de charge d’un site. Nombreux sont les sites, surtout urbains, atteints par ce problème, même si l’un des cas développés est celui de Lascaux fermé pour cause de surfréquentation.
Il faudrait donc réfléchir à la durabilité du tourisme or des difficultés existent : la différence de points de vue sur le tourisme entre pays du Nord et pays du Sud, le discours plus théorique que pratique autour du développement durable, la nécessité d’une prise de conscience par tous les acteurs du tourisme de l’existence d’une « matière première touristique ».
Rappelant les premiers pas du concept de développement durable, l’auteur insiste sur l’idée que le souci de durabilité à précéder le concept. Il observe malgré tout que rares sont les politiques touristiques à a voir fait de l’environnement un enjeu vital; beaucoup restent centrées sur des objectifs économiques et les exemples récents en Italie et au Mexique sont révélateurs.
Alors qui s’est engagé sur cette voie d’un tourisme durable ? Les Seychelles, les Maldives suivent ce chemin vers un tourisme plus réfléchi en terme environnemental : moins de constructions lourdes, maintien prioritaire de l’écosystème…
D’autres initiatives sont signalées. En Espagne, figure de proue d’un tourisme privilégiant la quantité à la qualité, une politique que l’auteur qualifie de « post-touristique » se met en place depuis 1995 aux Baléares : partant du constat d’une saturation proche, il a été décidé de stabiliser les flux, de promouvoir un tourisme doux, d’amener la population à participer à l’élaboration de politiques touristiques, de détruire certains complexes hôteliers…bref une forme de remise en cause partiel d’un modèle de développement.
Finalement, cette volonté de promouvoir un meilleur tourisme s’approche de ce que Jean-Pierre Lozato-Giotart considère comme essentiel, pour la mise en place d’une véritable politique touristique durable : la définition d’un optimum touristique défini comme un « équilibre entre pratiques de loisirs et préservation des territoires d’accueil ».
Afin d’y parvenir, il est nécessaire de rassembler un maximum de données sur les destinations afin de réaliser des études d’impact trop longtemps négligées et de déterminer un « barycentre touristique ou la moins mauvaise mise en tourisme » car on ne peut pas simplement dire que le tourisme de masse est mauvais et l’écotourisme ou les formes touristiques qui revendiquent cette appellation est bon. Il faudra disposer de ces outils car se profilent à l’horizon une croissance soutenue des flux touristiques.
Dans le dernier chapitre, « Le futur c’est aujourd’hui », trois pistes sont présentées pour un tourisme durable. D’abord, la question de nouveaux fronts du tourisme : pôles, zones intérieures d’Amérique du Sud, déserts… Les flux vers ces destinations, récents mais croissants, doivent obliger à une réflexion pour envisager un tourisme durable. Pour cela, la totalité des acteurs de la chaîne touristique, et c’est la 2ème piste, doit faire sienne les valeurs d’équité, de durabilité, de respect. Cela n’est réalisable, pour l’auteur, que dans une évolution des mentalités pour que le tourisme puisse envisager son avenir.
Avenir qui dépend aussi de la prise en compte par les politiques touristiques futures des apports scientifiques qui permettront une prise de décision susceptible de promouvoir un tourisme alternatif et de gérer au mieux les rapports environnement/pratiques touristiques.
Enfin une éducation, une information par l’école, les médias pourra sensibiliser le grand public à cette nouvelle donne.
Au final, l’auteur rappelle quelques éléments forts : pas de tourisme sans préservation de l’environnement or celui dépendra des décisions prises à l’échelle planétaire dans un contexte de forte croissance des flux touristiques. Il regrette toutefois que les décideurs n’en soient qu’à une réflexion à court terme alors que des travaux, des initiatives seraient utiles pour évaluer les conséquences de cette croissance afin de pouvoir, de manière pragmatique comme cela a commence à se faire aux Baléares, réfléchir et mettre en place un optimum touristique.
Voilà un ouvrage en forme de bilan d’un tourisme de masse qui soumet aux acteurs du tourisme quelques pistes et réflexions qui, si elles restent plutôt vagues, ont le mérite d’esquisser les contours d’un tourisme viable et de baliser un chemin vers un écotourisme. On appréciera l’utile glossaire, les documents annexes de portée générale et les mises au point faites régulièrement dans le développement sur des points précis (agenda 21, les labels, îles artificielles de Dubaï…)
Les enseignants et les étudiants pourront y trouver, pour les premiers du grain à moudre pour des études de cas en seconde lorsque seront abordés les littoraux, pour les seconds une approche nuancée et prospective du tourisme.
Entretien avec Jean-Pierre Lozato-Giotart
Jean-Pierre Lozato-Giotart a accordé une interview au café.
Jean-Pierre Lozato-giotart, docteur et agrégé de géographie, dirige actuellement le pôle « Médiation et ingénierie touristique et culturelle » de l’université Sorbonne-Nouvelle.
Nous le remercions pour sa gentillesse et sa disponibilité.
1. Tourisme durable, alternatif, équitable, responsable, solidaire, écotourisme…les expressions ne manquent pour désigner les façons de faire du tourisme autrement.
Que recouvre chacune de ces formes de tourisme ?
Tout d’abord, toutes ces formes de tourisme ont un point commun : un respect de l’environnement tout en étant un tourisme au service d’un objectif.
Le tourisme y est conçu comme une clé pour se rapprocher des autres populations en vue d’échanges culturels, comme un levier de développement et de réciprocité économique.
Si on les prend un à un, le tourisme alternatif repose sur le refus d’être simplement un élément de l’économie de marché, c’est un peu la vision des altermondialistes.
Le tourisme équitable envisage lui l’activité en termes de réciprocité, les touristes dépensent sur place et aident par celles-ci les populations locales.
Le tourisme solidaire s’insère dans des activités qui ne sont pas forcément touristiques : aide à la santé, ateliers textile ; les touristes consacrent une partie de leurs dépenses au soutien de l’économie locale afin de participer au rétablissement d’un équilibre entre hommes du Nord et hommes du Sud.
Le tourisme durable est né du développement durable. C’est un beau concept car il s’agit à la fois de ne pas détruire les paysages, de conserver la nature mais aussi de fournir des emplois. Le problème concernant ce tourisme c’est de savoir ce que recouvre le mot durable : durable jusqu’à quand ? Interroger un hôtelier sur ce que signifie pour lui tourisme durable, il répond que son hôtel sera durablement rempli.
Actuellement tout le monde est d’accord sur le concept de tourisme durable ; maintenant reste à définir le comment car lorsque l’on parle développement durable deux questions se posent : pourquoi ? et comment ?
Un exemple récent nous vient de la SNCF qui a mis sur pied un concours qui remettra des trophées du tourisme responsable, en tout six trophées remis le 20/9 : tourisme solidaire, équitable… 130 projets ont été déposés par des associations, collectivités…. Ce qui est intéressant c’est qu’un transporteur se lance dans cette démarche et les projets nous fournissent une photographie de ce qui se fait actuellement.
2. Dans le titre de votre ouvrage, vous employez écotourisme. Pourriez-vous nous expliquer votre choix ?
Le choix s’est fait de manière fortuite. Il part d’une démarche de l’éditeur La Martinière qui, il y a de cela deux ans, a réalisé une enquête marketing car leur souhait était « faire quelque chose qui réveille les gens » dans le domaine du développement durable et plus particulièrement dans le domaine du tourisme. Ils ont cherché à savoir ce qui s’était déjà fait dans le domaine puis ils ont fait un listing d’auteurs spécialistes du tourisme et finalement ils se sont adressés à moi.
Leur idée d’un livre à la fois sérieux et s’adressant à un large public m’a plu et lors d’une recherche Internet, je me suis aperçu qu’aucune synthèse n’existait sur l’écotourisme.
Concernant le mot en lui-même, au sens strict, il correspond à la recherche d’un tourisme équilibré et voit dans l’environnement la matière première du tourisme. Si on va plus loin, dans l’écotourisme, on substitue le terme d’optimum à celui de durable dans le but d’atteindre un équilibre optimal.
3. Aujourd’hui le développement de ces mises en tourisme, même si leur poids reste faible dans l’économie du tourisme, semble s’accélérer.
Quelles explications donner à cette dynamique ?
Ces formes de tourismes doivent représenter 1 % du tourisme dans le monde mais je pense qu’en termes d’impacts sur les territoires, leur poids est supérieur.
Pour répondre à votre question, il est logique que le tourisme rattrape le développement durable. On s’aperçoit qu’en 1992 lors du sommet de Rio, le tourisme est quasiment absent puis à Johannesburg, 2002, le tourisme est évoqué à l’article 46 et encore considéré comme une activité superficielle. De plus, les acteurs du tourisme ne faisait pas du développement durable une priorité.
Depuis la pression générale autour du concept de développement durable fait que le tourisme ne peut plus faire l’impasse ;à cela s’ajoute le fait que ceux qui faisaient du développement solidaire ont vu dans le tourisme un nouveau levier pour faire de l’équitable.
4. On l’a vu les formes et expériences de tourisme alternatif se multiplient. N’y a-t-il pas dans certains cas une utilisation abusive de l’étiquette durable pour certaines initiatives ?
Il peut y avoir une utilisation abusive du concept de développement durable, c’est un outil marketing ; le danger arrive si on ne sert que de l’image sans réalisations concrètes. On voit sur Internet des opérateurs mettre en avant leur caractère durable de leurs produits or souvent il n’y en a aucune preuve.
Plus généralement, ce sont les grands groupes hôteliers, les grands aménagements touristiques, hôteliers qui sont à la traîne.
5. On qualifie parfois le développement durable de lubie de riches, loin des préoccupations des pays du Sud. Qu’en est-il du tourisme durable ? Est-ce un tourisme de riches ? Les pays du Sud se préoccupent-ils de tourisme durable ?
C’est un peu caricatural car il est normal que la prise de conscience ait eu lieu dans les pays du Nord car c’est là qu’ont été commis la plupart des excès et il n’est pas illogique que ce soit dans les sociétés de nantis que l’on se pose des questions qualitatives.
Quant aux pays du Sud, sont-ils dans cette logique ? Pour la plupart, non car le tourisme génère beaucoup d’argent.
Il n’existe toutefois pas de raisons pour que les pays du Sud commettent les mêmes erreurs que ceux du Nord. Certains le comprennent bien ; dans mon livre, je cite les exemples insulaires (les Seychelles) mais d’autres cas illustrent cette compréhension : la Chine, de manière assez surprenante a lancé un vaste programme touristique avec des choix précis comme la définition de treize zones touristiques dont une bonne partie de zones naturelles dans lesquelles on compte gérer les flux ; à contrario, au Vietnam, c’est un peu le grand n’importe quoi. Toutefois pour revenir à la Chine, ce pays, et l’exemple de Hainan est symptomatique, n’évacue pas le capitalisme touristique et ses devises
6. Continuons avec votre livre que vous intitulez le Chemin vers l’écotourisme.
Quel est selon vous le « bon » chemin pour un écotourisme véritable ?
Ce chemin si bon chemin il existe repose sur trois piliers : formation, éducation et responsabilité. Pour qu’il y ait responsabilité, il faut des gens formés et qui fournissent des réponses techniques mais cela ne va pas sans une éducation du public, de ses comportements et donc une évolution des mentalités.
7. Vous présentez comme une possibilité la recherche de l’optimum touristique.
De quoi s’agit-il ?
Si on prend le cas des stations de ski, cela revient à calculer le nombre de skieurs dans la station en fonction de la disponibilité en énergie, en eau, à évaluer la capacité de l’écosystème à supporter ces skieurs sans détruire le relief.
Dans le cas de stations balnéaires ou de sport d’hiver, cela suppose d’apporter des solutions techniques et scientifiques, en quelque sorte élaborer une programmation avec la détermination d’un seuil à ne pas dépasser.
Déjà plusieurs sites ont fait la démarche : Majorque, L’Alpe d’Huez, des stations du sud de la Tunisie… Nous sommes sollicités par des stations suite à la prise de conscience de l’existence d’un problème ; nous sommes si l’on peut dire des « pompiers du tourisme ».
Si on prend plus largement des cas nationaux, la France par exemple, il faudrait à mon avis définir des programmations territoriales élargies remplaçant les logiques étroites de communes faisant chacune leur projet dans leur coin, ce qui suppose une prise de décision au plus haut niveau.
8. Vous citez l’éducation comme l’un des leviers essentiels dans la responsabilisation des citoyens et donc de futurs touristes.
Quelles seraient les notions à aborder avec des élèves lorsque l’on veut aborder le développement durable par le biais du tourisme ?
Je pense qu’avant toute chose, il faut représentations des élèves, leur faire dire ce que représente le tourisme pour eux : temps fort des loisirs, le bain, le voyage, le rêve…. puis ensuite de leur faire comprendre que tout ça se rassemble sur un territoire qui a ses hommes et son écosystème, en fait de leur faire appréhender la complexité du fait touristique. Ensuite, on pourra étudier plus particulièrement le cas du tourisme durable.
9. Prenons le niveau de 6ème. Les élèves ont à leur programme de géographie les grands types de paysages et en éducation civique la responsabilité vis-vis de l’environnement. On peut donc envisager de travailler ces parties du programme à partir de la notion de tourisme durable.
Quels sont les paysages de votre connaissance qui pourrait-être les plus intéressants à aborder ?
Le mieux serait de prendre un paysage balnéaire avec beaucoup d’hôtels et une île tropicale isolée afin de pouvoir comparer ou encore un paysage d’un parc naturel et une station de ski.
10. Quels sont actuellement vos axes de recherche ?
Toujours la fabrication d’outils, d’indicateurs, actuellement d’indicateurs culturels ou socioculturels afin par exemple d’identifier les impacts du tourisme dans les médias, les mentalités.
Prenons un exemple : sur une île très touristique, on opère un recensement dans toutes les émissions, dans tous les médias de ce qui est allogène et il est possible de parvenir à tracer des frontières invisibles, c’est ce qu’on appelle une méthode iso-culturelle.