Rohmer et les autres, sous la direction de Noël Herpe.
Une polyphonie s’orchestre ici selon des mouvements bien distincts : le premier consiste à envisager les « affinités électives » qui inspirent le cinéma de Rohmer – depuis sa filiation éprouvée avec Kleist, avec André Bazin, jusqu’à ses interprétations plus personnelles de Murnau ou de Jean Renoir (en passant par des coïncidences inattendues avec l’art d’un David Hockney…). Le second cercle est celui des études
transversales, qui s’attachent à dégager la modernité du récit rohmérien à travers tous les manques qui le constituent ou les ambiguïtés du point de vue ; une modernité à quoi se dérobent en même temps ses personnages, dans leur idéalisme amoureux et leur nostalgie d’une « nature humaine » devenue problématique. Autant d’éléments que précisent six analyses de films, tout en remontant vers un sous-texte
métaphorique (dans Le Signe du Lion, dans L’Amour, l’après-midi), ou une représentation picturale et historique (dans L’Anglaise et le Duc). Enfin, une série d’entretiens dessine ce qu’on pourrait appeler « l’atelier d’Éric Rohmer » : qu’il s’agisse de production ou de montage, du recours au son direct, à la lumière naturelle ou aux essais vidéo, on y découvre une sorte de conspiration artisanale et familiale, sans
exemple depuis Georges Méliès ou Marcel Pagnol – et où un certain ésotérisme dissimule une absolue liberté.
Noël Herpe enseigne l’histoire du cinéma à l’Université de Caen. Membre du comité de rédaction de Vertigo, il a écrit dans Positif, La Lettre du cinéma, La NRF, et publié des ouvrages sur René Clair ou Max Ophuls.
Le Cinématographe-Lumière dans les Arènes (1896-1899) – Thierry LECOINTE
Pour alimenter et rentabiliser leur toute récente invention, le Cinématographe (1895), les frères Lumière dépêchèrent aux quatre points cardinaux de la planète des opérateurs qui filmaient les curiosités locales et les projetaient illico, profitant de la curiosité soulevée par leur séjour.
La corrida, lumineux et émouvant spectacle de plein air, aisément accessible à la technique de l’époque, séduisit les décideurs de la maison lyonnaise. On tourna ainsi, de 1896 à 1899, en France et en Espagne, des scènes taurines avec les plus grandes vedettes de la tauromachie. Pour l’amateur de corridas et le cinéphile passionné qui s’intéressent à l’histoire et aux premiers pas de leur art préféré ce livre est une aubaine : le premier pourra revivre avec émerveillement, taureau après taureau, les courses de l’époque. Quant au second, habitué à l’esthétique cinématographique la plus sophistiquée et la plus raffinée, il découvrira avec étonnement que les premiers signes d’un récit filmé organisé apparaissent dans ces petites bandes et que ce sont les impératifs de tournage d’une course de taureaux qui ont conduit à poser les fondations des futurs piliers du septième art !
Thierry Lecointe, historien méticuleux du cinéma des premiers temps, nous livre ici un véritable travail scientifique alors même qu’il nous projette, sur l’écran du Cinématographe, le tableau vivant d’une tauromachie oubliée.
Le cinéma italien, de Mary P Wood, traduit en français et publié par G3J, nouvelle maison d’éditions diirigée par Pierre Zins, ancien admistrateur des Cahiers du cinéma (1992-1994)
Frederick Wiseman : chroniqueur du monde occidental – de Philippe Pilard éditions du 7ème Art-Le Cerf-Corlet
Frederick Wiseman est probablement le plus grand cinéaste documentariste américain d’aujourd’hui. Depuis la fin des années 60, en près de quarante années, il a développé sur le réseau de télévision publique PBS, et avec l’aide de grandes fondations, une oeuvre exceptionnelle de quelque trente-cinq longs métrages documentaires.
Wiseman filme des institutions : la prison, le lycée, le poste de police, l’hôpital, la caserne, le centre d’aide sociale. Le cinéaste cerne, analyse, décrit le fonctionnement, le conformisme, l’inégalité, les contradictions, les pesanteurs avouées et inavouées de la société américaine (et de la nôtre !), mais aussi à l’occasion, les réussites, les compétences, les dévouements…
Sélectionnés par les festivals de films documentaires partout dans le monde, couverts de prix, les films de Wiseman sont tout sauf anecdotiques.
C’est une oeuvre exceptionnelle, par son étendue, sa cohérence et sa pertinence ; exceptionnelle dans le « paysage audio-visuel américain», exceptionnelle aussi parce qu’elle a trouvé un public au-delà de la
télévision et au-delà des frontières des Etats-Unis. »
Philippe PILARD : Auteur et réalisateur de films, il a enseigné à l’Institut Charles V de l’Université Paris VII, ainsi qu’à Paris-X Nanterre, et donné des conférences au Royaume-Uni, en Irlande et aux Etats-Unis.
Remakes, les films français à Hollywood – de Raphaëlle Moine, éditions du CNRS
Qu’est-ce qui amène l’industrie cinématographique américaine à s’emparer de films français pour les refaire ? Quelles sont les relations entre le cinéma français et le cinéma américain ? Depuis 1930 plus de 70 remakes de films français ont été tournés à Hollywood. Le remake est un phénomène bien connu du grand public comme des critiques mais ses contours sont flous et instables. Aussi l’auteur multiplie les perspectives : juridique, historique, économique… pour comprendre les raisons et les mécanismes des majors américaines. Sont étudiés, entre autres, La Treizième Lettre, remake du Corbeau de Clouzot, Pépé le Moko et son remake Algiers, ou plus récemment Trois Hommes et un couffin et son remake Trois Hommes et un bébé. La réception de ces films, en outre, permet de montrer qu’ils deviennent, dans les périodes de crise entre la France et les Etats-Unis, une pierre de touche de l’antiaméricanisme .
Raphaëlle Moine est professeur en études cinématographiques à Paris X-Nanterre, elle a publié Les Genres du cinéma (2005).
La Horde sauvage de Sam Peckinpah – de Revault d’Allonnes, éditions Yellow Now Crisnée, Belgique
« Délirer un film, à partir de lui. Ici, sauvagement – bien entendu. En rompant les amarres gaiement et effrontément, à l’instar de cette Horde sauvage. Où ce grand fou de Peckinpah serait comme un Nietzsche à l’américaine, accédant à la « joie tragique ». De ce fameux western, on a retenu le caractère violent et crépusculaire. L’auteur en donne un autre éclairage, neuf et vigoureux, appuyé sur l’approche nietzschéenne de la tragédie – non seulement « apollinienne », mais surtout « dionysiaque » :ouverte au rire et à l’ivresse. Ce qu’il fait valoir ici, du scénario à la démarche formelle. Rien cependant d’un pensum savant, mais tout d’un élan décoiffant – porté lui-même par un « optimisme tragique ». Un essai bien personnel, d’une verdeur retrouvée et revendiquée.
Fabrice Revault est enseignant et essayiste de cinéma.Il a écrit ou piloté de nombreux livres, et produitmoult articles ou conférences.Il codirige (jusqu’à présent) la collection « Côté films ».Se voudrait lion en train de devenir enfant.En librairie:début mai 2007