gouverner l’Ecole
Le SNUipp :
comment survivre à la majorité ?
Conséquence
directe du choc électoral, ou recherche du second souffle d’un syndicat
majoritaire qui cherche comment renouveler les voies de son
action
Toujours est-il que le congrès du
SNUipp, réuni à Nevers du 5 au 8 juin, a voté plusieurs de ses «
résolutions de congrès » à 100% des voix, phénomène historique dans une
organisation qui a fait une règle de la coexistence (parfois
compliquée) entre ses différents courants de pensée, représentés au
plus haut niveau des instances de pouvoir du syndicat. «
C’est sans doute la conséquence directe de la situation politique, explique Sophie Zafari,
une des responsable de la tendance « Ecole Emancipée », qui va céder sa place au
secrétariat national au nom de la « rotation des mandats ».
Chacun se dit sans doute qu’il doit laisser un peu de lui-même pour
contribuer à renforcer l’efficacité de l’outil syndical, dans les
combats que nous allons avoir à mener ».
Un congrès, c’et toujours un peu une
messe, destinée à aider les militants à repartir d’un nouveau souffle.
Le SNUipp n’y échappe pas, commémorant par de longs applaudissements le
vote des synthèses, même s’il entend rester fidèle à son image de
marque : un rien de désordre, d’impulsivité, de spontanéité, quand la
surprise prévue pour l’épilogue du congrès tarde à venir. «
Serein, combatif, mature, capable de déboucher sur des synthèses à
partir de débats vifs. C’est la marque de fabrique du SNUipp » : l’avis d’un nouveau délégué
rejoint celui de Gilles Moindrot, réélu co-secrétaire général.
Avec un peu plus de distance, on lira
aussi le défi que constitue, pour un syndicat majoritaire, la
difficulté à durer, dans un monde syndical qui cherche un second
souffle pour affronter le véritable défi : trouver les mots (et les
actes) pour s’adresser aux cohortes nombreuses des jeunes enseignants
qui entrent dans le métier sans être bien familiers avec la culture
associative qui a structuré les générations précédentes. « Mes jeunes
collègues travaillent beaucoup dans leur classe, mais souvent seuls,
explique une jeune déléguée. Ils se méfient d’organisations qu’ils
perçoivent souvent comme des machines à dire non. C’est au syndicat de
faire la preuve qu’il peut s’acculturer avec les nouvelles manières de
faire le métier. »
Le SNUipp, qui a fait sa marque de
fabrique avec son slogan « Transformer l’Ecole », saura-t-il dans les
années qui viennent, faire fructifier son capital sympathie en sachant
construire de nouvelles réponses autour du partenariat avec les
collectivités locales qui entendent bien devenir des acteurs locaux du
service public, de la prise en charge plus efficace des 15% d’élèves
que l’Ecole primaire ne parvient toujours pas à faire réussir, bref de
sortir des logiques exclusivement comptables, face à un gouvernement
qui a annoncé sa volonté de réduire les emplois ? Entre « résistance »
et force de proposition, ce qu’on demande aux militants syndicaux n’est
sans doute pas simple, d’autant plus qu’eux-mêmes n’échappent pas à
leur sociologie : aujourd’hui, on ne fait plus « carrière » dans le
syndicat majoritaire, on s’investit à temps partiel, en préservant
aussi sa vie personnelle (au congrès de Nevers, un tiers de la
direction nationale a été remplacée par de nouveaux militants). Si
cette nouvelle manière de faire du syndicalisme garantit sans doute la
perspective de rapprocher les militants des enseignants « ordinaires »,
elle est sans doute un énorme défi pour des organisations comme le
SNUipp : s’acculturer de la force de l’expérience de l’Histoire tout en
réinventant de nouveaux défis pour l’avenir…
Trois membres du
secrétariat national du SNUipp : Marianne Baby, Gilles Moindrot, Daniel
LabaquèrePropos de
tribune
(extraits de l’intervention de Gilles
Moindrot, secrétaire général)
L’épisode Gilles de Robien : peut-on parler de politique
éducative dans la bouche d’un ministre qui n’hésita pas à déclarer «
J’ai l’intention de mettre en place, pour la rentrée 2007, un
apprentissage, dès l’école primaire, des quatre opérations et du calcul
mental … » ? La stupéfaction a vite fait place à l’exaspération et nous
avons du faire face à une véritable entreprise de dénigrement du
travail des enseignants et des élèves .
Le rôle du syndicat : Peut-être faut-il prendre le temps
de réfléchir à ce nouveau contexte de l’action syndicale en matière
éducative. (…) Lorsque nous organisons une réunion d’information
syndicale sur l’entrée dans le langage en maternelle, c’est à la fois
une initiative pour faire connaître l’état des recherches, pour
combattre le « simplisme » dont on qualifie notre métier et une
réflexion sur les conditions de scolarisation en termes d’effectifs, de
formation, de rapports avec les parents. C’est le même objectif que
nous poursuivons en manifestant pendant la carte scolaire et faisant
grève
L’Education prioritaire : Nous demandons depuis plusieurs
années que les écoles qui concentrent le plus grand nombre de
difficultés bénéficient de mesures prioritaires. Parceque les enfants
scolarisés dans ces écoles ne peuvent attendre. Parce que les équipes
enseignantes qui exercent au contact des réalités les plus difficiles
doivent être soutenues. Parce que ce qui produit des
résultats dans les secteurs difficiles est riche d’enseignements pour
tout le système éducatif.
Le
travail des enseignants :
Travailler à plusieurs, croiser les regards, cele permet de prendre le
recul nécessaire sur les difficultés et les réussites des élèves. La
grande majorité de la profession aspire à son développement, mais tous
les enseignants disent que la question du temps de travail est devenue
incontournable.
Avec l’augmentation de la charge de
travail, le volontariat atteint ses limites ; des décisions
institutionnelles sont indispensables ( 24 + 3H)) .
Développer la formation : l’accompagnement des écoles, l’accès
à la recherche constitue un autre impératif. Les enseignants ont besoin
de formation, besoin de connaître l’état de la recherche aujourd’hui.
La formation, qu’elle soit initiale ou continue constitue un puissant
levier de transformation de l’école.
La
carte scolaire
constitue un dossier que le gouvernement met en œuvre dans la
précipitation. Nous pouvons partager le constat : la mixité sociale
n’est pas assurée. Traiter le problème en développant la concurrence
entre établissements constitue un leurre et un faux-semblant. Au delà
de l’affichage (objectif de mixité et maintien des moyens aux
établissements qui perdent des élèves), cette politique risque de
développer une politique de prestige pour certains établissements parmi
les plus demandés et l’objectif de la réussite de tous sera rélégué au
second plan.
Nous sommes convaincus
qu’il n’y a pas de solution véritable sans réduction des inégalités
territoriales. La question n’est pas tant de permettre aux meilleurs
d’avoir le choix de leur école mais de faire en sorte que chaque école
assure les conditions à chaque élève de réussir sa scolarité.
La
Direction d’école
Le ministre a mis en œuvre des sanctions pour les collègues qui
assument toutes leurs missions et bloquent la transmission d’un
document. Si nous avons obtenu dans quelques académies le retrait de
ces menaces, d’autres ont continué de les mettre en place. C’est
inadmissible et le SNUipp renouvelle avec force la demande de levées de
toutes les sanctions dans tous les départements auprès du nouveau
ministre.
Femmes
et hommes dans le syndicat :
La répartition entre les hommes et les femmes parmi les responsables
syndicaux connaît une évolution intéressante. Depuis 2004/05 la
répartition hommes/femmes s’est inversée : nous comptons plus de filles
déchargées parmi les responsables syndicaux que de garçons. Un progrès
certes … mais très limité ; on est même loin du compte lorsque l’on
sait que 80,3 % des enseignants des écoles sont des femmes !