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L’enseignement agricole public compte près de 130 centres de ressources. Espaces d’innovation pédagogiques, ils sont porteurs de démarches d’autoformation accompagnée et d’individualisation. Depuis deux ans, un cahier des charges a été mis en place pour entreprendre une labellisation des CDR. L’établissement Public Local Jean-Marie Bouloux de Montmorillon en Poitou-Charentes est l’un des premiers établissements labellisés. Comprenant un lycée, un centre de formation pour adultes (CFPPA) et un centre de formation par apprentissage, il accueille près de 700 apprenants, de la 4e au BTS pour des formations liées au monde agricole. La démarche de mise en place du centre de ressources, démarrée en 1999 s’est concrétisée dès la rentrée 2004 par la mise en oeuvre d’un positionnement et d’un suivi individuels de tous les élèves. Plus qu’une évolution des pratiques, c’est une véritable révolution qui s’est opérée dans tout l’établissement, de la vie scolaire aux relations pédagogiques.. Entretien avec l’animatrice du projet Graziella Nouet et avec Claire Martineau, enseignante en français. Site de l’EPL de Montmorillon : Entretien avec Graziella Nouet sur l’organisation et l’accompagnement : Montmorillon est le premier établissement labellisé « centre de ressources » , qu’apporte ce label à votre établissement ? Ce label récompense le travail fourni par les équipes pédagogiques. Il récompense l’établissement, qui accentue sa notoriété en mettant l’accent sur la qualité de formation, au niveau local, régional et surtout national. Il est mis en avant dans la réponse aux appels d’offre de marchés publics. Ce label légitime également mon poste d’animatrice : tous savent qui je suis, quel est mon travail et admet la nécessité d’un tel poste Quels sont les objectifs du centre de ressources ? Le métier d’enseignant change, il doit transmettre des connaissances, des compétences mais aussi orienter les apprenants vers le monde professionnel, les accompagner dans leur choix, développer l’adaptabilité, la sociabilité, l’autonomie, la prise de responsabilité , l’esprit critique, la citoyenneté, les capacités de l’apprenant. L’enseignant joue un rôle d’éducateur, d’accompagnateur et de tuteur. Pour lui permettre d’assurer ce rôle, il faut lui donner les moyens d’accompagner le projet de l’apprenant et de proposer des approches pédagogiques différentes : d’où la création du CdR. Plus concrètement, ses principales missions sont : Parmi les initiatives développées, vous avez mis en place un positionnement dès la rentrée avec un suivi individuel. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette organisation ? La « semaine de rentrée CdR » est une semaine sans cours pour les apprenants de première année de cycle mais avec des temps privilégiés pour mieux les connaître (niveaux de connaissance mais aussi projet professionnel, personnalité,…), pour donner aux enseignants la possibilité d’être vus différemment par les apprenants, pour donner à ces derniers les moyens nécessaires à une bonne intégration et à un bon parcours. Un accueil est organisé par les professeurs principaux et l’équipe pédagogique avec ensuite une visite des locaux et une présentation des personnels non enseignants sur leurs lieux de travail. Chaque apprenant effectue un positionnement en mathématiques, français, technique et pratique. Il suit ensuite des séquences de méthodologie : « je m’organise », « je prends des notes », « j’apprends une leçon ». Enfin, il bénéficie d’un entretien individuel avec son professeur principal avec le livret d’accompagnement de l’apprenant comme support. Comment est utilisé le centre de ressources le restant de l’année. Toute activité non effectuée en face à face est une activité CdR, il est donc difficile de les lister toutes. Les apprenants viennent au CDR de façon spontanée sur leurs heures d’études ou avec une fiche de liaison remplie par un enseignant indiquant les points précis à étudier. Des ateliers sont proposés chaque soir de 18 heures à 19 heures par la vie scolaire (clubs, activités sportives, étude, etc.). Parmi ces ateliers, ils peuvent aussi s’inscrire pour des activités au CDR pour du soutien, du perfectionnement ou encore des recherches documentaires. Quel lien entre le centre de ressources, l’élève et l’équipe pédagogique ? Le CdR est pour moi un espace central de négociation et d’écoute. L’apprenant vient chercher au CdR ce qu’il ne trouve pas toujours en face à face traditionnel : une écoute plus disponible, une remotivation, une autre façon de faire, une prise en compte de ses besoins, une plus grande autonomie,… L’enseignant vient y chercher des échanges, une ouverture à de nouvelles pratiques pour répondre à ces nouveaux besoins exprimés par l’apprenant. Après presque deux ans de fonctionnement, quel bilan feriez vous du fonctionnement du centre de ressources ? Il est encore fragile. Il ne peut répondre encore à toutes les demandes par manque de ressources. Il n’est pas toujours ouvert car je n’ai pas de remplaçant quand je ne suis pas là. Par manque de plages d’études, je ne reçois que très peu de ½ pensionnaires. Malgré cela, vous avez pu comprendre qu’il a déjà révolutionné pas mal de choses et provoque des réflexions ; en ce moment même, nous réfléchissons à une organisation hebdomadaire différente pour répondre aux difficultés énoncées (mise en place de séquences d’individualisation assurées par les enseignants et formateurs eux-mêmes) Entretien avec Claire Martineau, enseignante en français Lorsque le projet de CDR a émergé, étiez vous plutôt sceptique, enthousiaste ou plutôt indifférente ? Je n’ai été ni sceptique, ni indifférente bien au contraire. En effet, je me suis toujours intéressée à la pédagogie et à ses différentes approches, et le concept qui était proposé a favorisé des questionnements, des interrogations notamment quant à l’appropriation du concept et l’organisation à mettre en place avec les collègues. Je dirais que ce projet était une réponse à mon désir de modifier mes pratiques pédagogiques Qu’est ce qui vous a poussée à vous engager dans la démarche ? Travailler dans un lieu différent du lieu classe, avec des outils nouveaux, soit déjà existants, soit créés par une équipe d’enseignants d’une même matière, répondre aux besoins des apprenants, les guider et leur fournir des explications à la demande, les accompagner et leur montrer qu’on s’intéresse à eux ( ce que ne permet pas le groupe classe souvent trop important), leur faire prendre confiance , modifier les relations apprenant-enseignant ( ce dernier ne dispense plus un savoir mais propose outils et méthodes pour permettre l’appropriation des connaissances), tous ces éléments dont j’ai pris conscience au fur et à mesure des moments de réflexions ont favorisé mon engagement dans cette démarche. Vous avez élaboré un outil d’autoformation sur les méthodes de travail, pouvez nous le présenter et nous expliquer comment vous l’avez conçu et comment il est utilisé? C’est après avoir constaté les difficultés à argumenter rencontrées par nos élèves et l’importance accordée à cette capacité dans les référentiels ( CCf, épreuves terminales), que nous avons décidé d’élaborer un outil d’autoformation tutorée que nous avons intitulé : « Apprendre autrement l’argumentation ». Il est organisé en trois étapes : le thème , la thèse, les indices d’opinion ; les arguments, les contre-arguments, les exemples ; organisation de la réflexion, liens logiques. Pour chaque étape, l’apprenant doit atteindre un objectif en réalisant des exercices. Les apprenants travaillent à leur rythme, sollicitent les personnes présentes quand ils ont besoin d’explications. Les plus en difficultés et les plus lents ont la possibilité de poursuivre leur travail sur les plages pendant lesquelles ils sont libres. A la fin de chaque étape, un polycopié contenant la correction des exercices leur est proposé et ils doivent s’auto-corriger et bien sûr appeler à l’aide s’ils en éprouvent le besoin. En groupe classe, les points les plus importants sont revus et évalués afin de vérifier les acquis Comment utilisez vous le centre de ressources avec vos élèves ? J’utilise le centre de ressources avec certains de mes élèves, notamment ceux qui sont en difficultés et qui ont besoin d’être accompagnés pour reprendre confiance. Je pense que le CdR comme lieu, concept et outil permet le « compagnonnage ». Quels sont selon vous les apports du centre de ressources pour les élèves et les enseignants ? Au CdR, outre les outils divers proposés, élèves et enseignants peuvent retrouver la motivation. Le centre de ressources est pour moi un lieu dans lequel on travaille autrement sur le plan humain et sur le plan matériel. Si vous deviez encourager des collègues à s’engager dans la démarche, que leur diriez-vous ? Tout simplement que ce concept permet aux uns et aux autres de mieux travailler ensemble (apprenants et enseignants, mais aussi enseignants entre eux, c’est possible !) . Le CdR permet les échanges, l’ouverture à de nouvelles pratiques, et il peut permettre aux élèves et à leurs professeurs de se remotiver. Entretiens : Monique Royer Le dossier du Café sur le Colloque européen sur l’autoformation : |
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