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Fabienne Saint-Germain enseigne l’histoire et la géographie dans un des collèges qui ont expérimenté l’année dernière le cartable électronique dans les Landes. Elle et ses élèves débutent leur deuxième année avec ce curieux objet pédagogique. Nous lui avons demandé de témoigner de cette expérience originale. Disons le, l’accueil fut mitigé dans le corps enseignant. Le Père Noël, en la personne morale du Conseil général des Landes est passé en septembre 2001 dans notre collège avec dans sa hotte des ordinateurs portables pour tous les élèves de 3ème de 3 établissements tests, nous préparant ainsi à une généralisation qui vient d’avoir lieu en septembre 2002. Le but avoué de l’opération était de faire rentrer l’informatique dans les foyers et d’attirer des opérateurs de télécommunication dans un département rural. Ainsi les collègues se sont trouvés devant un nouvel objet scolaire.. sans trop savoir quoi en faire. Les stages internes, sur la base du volontariat, mis en place par des aides-éducateurs, ont estompé les blocages techniques. Des pratiques diverses sont apparues. Nous avions toute latitude dans le domaine pédagogique en l’absence d’instructions claires. D’une manière générale nos pratiques se sont peu à peu étoffées jusqu’à devenir une utilisation systématique dans nombre de matières comme les SVT, les sciences physiques, la technologie, l’histoire – géographie. Chacun a pu mettre à profit ses connaissances informatiques. Pour ma part, j’attendais ce moment avec impatience. Pour ne pas prendre mes collègues à défaut, j’ai respecté leur volonté initiale de n’utiliser l’outil qu’une à deux fois par chapitre, lorsque l’informatique nous apportait un « plus » pédagogique. Dans un premier temps nous avons décidé d’exploiter les sites internet qui nous semblaient pertinents et de faire des présentation préao simples afin de diffuser des images complétant le manuel papier. Dans un deuxième temps, avec l’arrivée des manuels numérisés, l’utilisation de l’outil informatique s’est généralisée pour la consultation des documents et vidéos des manuels. Personnellement, j’utilise beaucoup le vidéo projecteur. Il me permet de diffuser des images ou des photos en couleurs sur un tableau blanc ou sur le tableau interactif. Il s’agit d’un tableau tactile couplé avec le vidéo projecteur. Il me permet de manipuler mon ordinateur depuis le tableau sans être liée au clavier. Je peux faire fonctionner toutes les applications et logiciels contenus dans mon portable. Avec des stylos spécifiques je peux gribouiller autant que je veux et enregistrer l’image écran avec les gribouillis dessus. Finis les transparents fabriqués maison qui perdent en qualité au moment de la numérisation et finies les photocopies noir et blanc distribuées aux élèves. Désormais, via le réseau, ils récupérent tous les documents en couleur sur leur portable. Plus intéressant encore, ils peuvent récupérer l’analyse animée d’une affiche, faite au tableau interactif étape par étape, et donc retrouver chez eux la logique de ma démonstration. J’ai pu sélectionner des sites Internet et les faire travailler dessus en bénéficiant d’une connexion haut débit et illimitée. J’ai fait de la cartographie interactive, les élèves construisant pas à pas avec ou sans mon aide la carte de synthèse. Je peux maintenant donner des recherches à faire à la maison. Ils ont tous l’encyclopédie à leur disposition et je peux leur enregistrer les pages web voulues afin que tous, quelques soient les revenus des parents, aient accès aux mêmes sources. Tout cela m’a pris du temps. Mais les élèves ont pris des notes plus facilement dès la fin de l’année alors que jusqu’à présent ils rechignaient à la tâche. Ils ont appris à rédiger une trace écrite dans word en réintégrant les images présentes sur le réseau. Ils l’ont souvent fait avec bonheur, n’hésitant pas à intégrer des commentaires judicieux. Je corrige leur devoir et l’ensemble de la classe prend la trace définitive via le réseau. Lorsque j’ai voulu revenir à une forme plus classique, les élèves m’ont supplié de continuer la prise de notes !! Car, il faut le dire, ce cadeau surprenant a été très bien accueilli par les élèves malgré l’obligation de le transporter chez eux tous les soirs. Leur comportement s’est modifié. On les a senti plus responsables. Plus question de bousculer les petits dans les couloirs, ils risquaient trop d’abîmer le portable ! Ils se sont assez vite familiarisés avec l’outil et se le sont approprié en intégrant les fonds d’écran à leur convenance, en changeant la forme de la souris….et bien sur en installant des jeux. Ils ont toute liberté de le faire du moment qu’ils ne sont pas pris en train de jouer en cours. A de rares exceptions près, ils ont respecté ce pacte. Les 2 premiers mois, ils ont énormément joué avec le portable chez eux. Puis l’engouement s’est tassé et l’ordinateur est vraiment devenu synonyme de travail, donc beaucoup moins attractif. Certains en sont même devenus à le haïr tant il représente le collège et les devoirs. L’ordinateur n’a pas en soi modifié les résultats scolaires. Les élèves faibles n’ont pas beaucoup progressé. Mais, fait notable, ils n’ont pas coulé. Ils se sont maintenus à leur niveau. Avec parfois un intérêt nouveau, moins de révolte, d’agressivité envers les enseignants. C’est surtout vrai pour les élèves de Segpa, en grande difficulté, qui se sont retrouvés parfois en position d’apprendre des astuces ou des manipulations à leurs enseignants. Ils acceptent plus facilement le passage à l’écrit via le clavier. Par exemple, faire la correction et la réécriture de leur dictée. Les élèves « doués » et très scolaires le sont restés. Ils ont vite fait partie de ceux qui ont laissé l’ordinateur pour revenir à des méthodes plus consensuelles. C’est à dire qu’ils n’ont pas été les principaux bénéficiaires de l’ordinateur. Certains n’étaient plus en position de leaders parce que des élèves plus moyens étaient plus capables qu’eux dans la pratique informatique. Ces derniers ont été les grands bénéficiaires de l’opération. Ils ont pu révéler avec cet outil leurs compétences, devenir plus utiles à la communauté, se sentir valorisés et du coup se sont intéressés davantage à leur scolarité. Les plus timides ont pu s’exprimer d’une manière différente. Ils étaient un peu tous à la même enseigne et un autre esprit s’est installé dans nos classes : plus de dominés et de dominants mais une entraide forcenée. Par exemple, dès qu’un problème technique apparaît, le plus performant ou le voisin de table vient débloquer la machine. En étude, l’entraide est de rigueur et beaucoup d’élèves continuent à s’aider chez eux. Ma position et mes relations avec eux ont également étaient modifiées. Je circule davantage dans la classe et les élèves me demandent plus facilement de venir les voir. Loin d’être un carcan, l’ordinateur a été une sorte de libération. Un an après le début de l’expérience, j’estime que mes pratiques pédagogiques se sont enrichies. Je prépare maintenant des cartes évolutives sous Flash avec des vidéos intégrées pour expliquer aux élèves les grandes phases des conflits. Elles m’aident beaucoup à la compréhension de la représentation finale et ils peuvent la revoir à loisir chez eux. J’essaie de passer à l’étape supérieure en concevant moi-même des exercices réellement interactifs autres que ceux fournis par les manuels numérisés. Je me heurte à quelques problèmes techniques mais je ne désespère pas y parvenir tôt ou tard. Fabienne Saint-Germain |
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