18-20 mai 2006 – Monique Royer Le colloque et ses partenaires Les organisateurs du 7e colloque européen sur l’autoformation ont accueilli pendant trois jours plus de 430 participants à l’enfa (Ecole Nationale de Formation Agronomique) de Toulouse, Cinq ans après le dernier colloque, c’est donc un succès d’affluence pour cette rencontre organisée par trois réseaux : les APP (Ateliers Pédagogiques Personnalisés), les centres de ressources de l’enseignement agricole et les GRETA.
Le colloque se propose d’éclairer les conditions qui favorisent la rencontre entre dynamique d’autoformation et dispositif d’accompagnement. Il se veut un temps d’échanges et une opportunité d’interactions pour toutes les personnes cherchant à développer les pratiques d’autoformation dans des environnements multiples : formation initiale ou continue, formations professionnelles, universitaires, qualifiantes, informelles, personnelles. Durant trois jours, se sont succédés conférences de chercheurs et ateliers de présentation où 91 contributions ont nourri les débats. Les Centres de Ressources de l’enseignement agricole et les Ateliers de Pédagogie Personnalisé pourraient être cousins avec tous les deux un lien fort avec leurs territoires et, objet de cette conférence, une organisation basée sur les principes de l’autoformation accompagnée, l’idée que l’apprenant est acteur et co-auteur de son parcours de formation. ALGORA veille sur le développement de la FOAD, par des études, publiées sur son site, et par l’accompagnement des APP. L’ensemble des acteurs présents se retrouve autour de valeurs communes définies par Philippe Morin (Directeur d’ALGORA) lors de l’ouverture du colloque « rendre les savoirs accessibles à tous et donc ne pas exclure une partie de la population ; mettre en oeuvre des organisations pour favoriser la maîtrise des apprentissages et la maîtrise des parcours « . Le site du colloque :
Les conférences Philippe Carré a ouvert les réflexions avec une intervention sur l’apprenance <"ensemble de dispositions favorables à l'acte d'apprendre dans toutes les situations" et a retracé les courants de l’autoformation jusqu’à nos jours pour mieux définir les conditions favorables à l’acte d’apprendre. La motivation (autodétermination), le savoir apprendre (autonomie dans l’apprentissage), la croyance en soi (autoefficacité) et la possibilité d’apprendre dans un environnement favorable sont autant d’éléments nécessaires pour que l’apprenant soit produit et producteur de son parcours de formation. Dans la société du XXIe siècle, placée sous le signe de l’hypermodernité, le savoir devient la première matière première. Il s’agit alors pour les organisations de mettre en œuvre un environnement favorable ( » écologie de l’apprenance « ) pour stimuler et développer le désir d’apprendre ( » appétence « ), le savoir apprendre et la puissance d’agir par soi-même ( » agentivité « ). Biographie de Philippe Carré :
Sandra Bellier est intervenue sur le désir d’apprendre dans les entreprises. Après avoir analysé les différentes motivations des salariés à entrer en formation, elle a exposé des exemples de dispositifs pour mieux démontrer le lien indissociable entre désir d’apprendre dans l’organisation et les pratiques de travail et de management les plus quotidiennes. La gestion des ressources humaines est impliquée : comment susciter un projet professionnel chez des salariés sans grande visibilité personnelle ? Le système d’information, lui, doit faciliter l’accès à la connaissance et favoriser l’explicitation et la mutualisation des compétences (pratiques de » knowledge management « ). Le désir d’apprendre est corrélé à la question du temps. Trouver le temps, prendre le temps, bénéficier de temps n’est pas simple pour les salariés. Répondre par la mise à disposition de modules courts, aux objectifs restreints, les granules de formation, ne résout pas cette question cruciale fortement liée au constat de surcharge cognitive dans les organisations. Knowledge management : Le développement des TICE et la démocratisation de leur accès favorisent le regain de l’autoformation. Le téléphone portable avec les SMS et les MMS, le PC de poche, le PDA, l’i-Pod sont autant de supports favorables pour rendre plus proche les savoirs. Le m-learning ; présenté par Martin Good, président de CTAD (Cambridge Training and Developpement) regroupe les modalités de diffusion et d’accès aux contenus depuis les outils de communication personnels. Le formateur peut créer de façon aisée des QCM, des activités pédagogiques ludiques ; l’apprenant choisit à quel moment réaliser ces activités. Nous avons vu des exemples plutôt probants de révision du code de la route ou encore d’apprentissage des langues. L’utilité et l’efficacité des outils du « m-learning » tient beaucoup au « learning design » (design éducatif), travail préparatoire à la création de l’outil pour imaginer où, quand, dans quelles conditions et pour quelles raisons l’apprenant accèdera à l’application. Au premier abord approche gadget, le m-learning, vu par Martin Good, s’inspire directement du courant de Paolo Freire et propose d’utiliser la technologie de façon intelligente comme une voie d’inclusion pour » transformer l’addiction à la technologie en addiction au savoir « . Un des premiers outils développés par l’équipe de Martin Good s’adresse aux publics illettrés. Il permet de réaliser un article de journal en puisant dans une banque de phrase écrites ou orales (lorsque l’apprenant a encore des difficultés à déchiffrer). Le caractère magique de l’écrit, central dans l’approche de Paolo Freire, prend toute sa dimension ici lorsque la personne enregistre une phrase, la voit intégrée dans l’article qu’elle compose puis imprimée sur papier avec un format proche d’un journal réel. Les produits développés depuis s’intéressent aux questions de santé publique (grossesses précoces par exemple) ou au domaine musical (travail collaboratif entre musiciens ou cours de guitare). » L’éducation comme pratique de liberté » trouvera t’elle une voie de réalisation dans nos modes contemporains de communication ? Pour Martin GOOD, l’accès aux savoirs par tous passe visiblement par nos portables. Le m-learning : Albert Bandura a clôturé le colloque par une conférence sur l’agentivité et le sentiment d’efficacité personnelle. Tout comme Philippe Carré, Albert Bandura a placé son intervention dans le cadre de la société moderne, » le cybermonde « , où la capacité de l’individu à agir sur le cours de sa vie, sur son environnement ( » agentivité « ) est déterminante. Le fonctionnement humain est le produit des éléments personnels, comportementaux et de l’influence de l’environnement. L’interaction des ces trois éléments font de l’individu, un agent contributeur de changements, de façon individuelle, collective ou par l’intermédiaire de médiateurs (élus, parents, autorités, etc.). Le sentiment d’efficacité humaine correspond à l’évaluation qu se fait l’individu de ses propres capacités. Il est le fondement de la motivation. Sans ce sentiment, l’individu n’a aucune raison d’agir et de persévérer face aux difficultés. Car il mobilise, face aux obstacles, sa capacité d’autorégulation et de résilience. Les buts jouent un rôle clé dans les processus d’autorégulation. Ils doivent être reliés à un avenir proche, ne pas être généraux et entraîner un investissement personnel dans l’activité. L’engagement conduit à une recherche de l’autosatisfaction ; le sentiment d’arriver au but, de réussir constitue alors une véritable récompense. Des buts fixés au delà de sa portée conduisent à des échecs répétés, à des abandons. La construction d’objectifs et de sous-objectifs contribue à transformer le futur lointain en présents au quotidien, gage de réussite et donc, de sentiment d’efficacité personnelle.
Nous vivons dans une société globale, basée sur la connaissance ; le système éducatif devrait aider les individus à se former par eux mêmes, tout au long de leur vie. Le contenu de la première scolarisation est périssable, mais, la capacité d’autogestion de ses savoirs dure toute la vie. Aujourd’hui, le développement éducatif des étudiants dépend aussi de leur propres contrôles sur leur façon d’apprendre ( » autodirection « ). Par exemple, savoir accéder à l’information électronique, traiter l’avalanche des données qu’elle contient est vital pour la construction des connaissances. Les individus doivent prendre la responsabilité de leur développement professionnel face à la nécessité d’évoluer, de se former pour s’adapter aux changements. Les technologies sans fil développent la concurrence entre les priorités personnelles et professionnelles. La capacité d’autogestion personnelle intervient là aussi. Enfin, les bureaux mobiles, la communication instantanée mis à disposition par Internet réclament une capacité de travail collectif. Résumer la conférence de Bandura est un exercice périlleux tant les propos sont riches et denses. La théorie de l’agentivité humaine et du sentiment de l’efficacité humaine éclairent ce que devrait être un système éducatif hypermoderne : source de développement de capacités personnelles d’autodirection et d’autorégulation dans une dimension collective d’adaptation et de progression. Présentation d’Albert Bandura :
Le colloque sur l’autoformation a rassemblé des horizons différents : univers de l’entreprise, de l’insertion, de la formation initiale et continue ; mondes de la recherche et du pratico-pratique. Les ateliers thématiques avec des exposés variés sur les méthodes et techniques, l’accompagnement ou encore les organisations pédagogiques ont révélé de nombreuses initiatives pour favoriser l’autoformation accompagnée. Des représentants de l’Etat et de la Région sont venus témoigner de l’importance que revêt cette approche pédagogique dans le nouveau cadre réglementaire de la formation continue mais aussi face aux exigences d’adaptation de l’environnement professionnel aujourd’hui. Au delà de ce consensus apparent, quelques contradictions pointent. Comment concilier la prise de pouvoir de l’apprenant sur son propre parcours avec le cadre rigide des diplômes et du financement des formations ? Comment éveiller l’envie d’apprendre alors qu’il existe souvent une injonction à se former ? Comment développer des capacités d’autonomie individuelle tout en développent une dimension collective ? En formation initiale, l’autoformation exige une nouvelle organisation de l’enseignement et une modification des pratiques de l’enseignant peu évidentes à mettre en oeuvre et tributaires d’un engagement de la communauté éducative en son entier. A l’heure du socle commun, son développement semble pourtant opportun. Des échanges et des débats émerge l’impression d’une profusion, la certitude aussi que ce courant correspond à l’époque mais moins à son cadre institutionnel. Des mots clés se détachent : apprenance, agentivité, empowerment (sans traduction réelle, on pourrait l’envisager comme le pouvoir de contribution, de contrôle de l’individu sur son parcours). Trois mots inconnus du dictionnaire, comme si l’autoformation accompagnée avait besoin de s’affirmer dans un vocabulaire nouveau. Ce colloque, organisé de main de maître, aura montré que l’autoformation, de l’autodidaxie aux formations prescrites, de l’éducation libératrice de Paolo Freire à la FOAD adaptée au contexte du DIF (droit individuel à la formation) vise à favoriser l’accès aux savoirs pour tous, dans un souci d’inclusion. Les actes du colloque seront prochainement en ligne.
Monique Royer – Page publiée le 21-05-2006 |
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