La formation, pour quoi faire ?
3 jours par agent à l’Education nationale, 9 jours au ministère du tourisme (source : rapport Darcos/Sarkozy). Ces deux chiffres pourraient à eux seuls indiquer la mesure de la situation. Alors qu’aucun responsable ne perd une occasion de souligner l’importance de la formation, les rapports de l’Inspection Générale soulignent la pauvreté des ressources formatives disponibles. Dans le premier degré, les conseillers pédagogiques et les maîtres-formateurs ont bien du mal à asseoir un statut de formateur à l’égal des enseignants d’IUFM. Une preuve en est la pauvreté de leur propre formation : bien que certaines équipes universitaires aient mis en œuvre des maquettes de formations propres à en faire de véritable « ingénieurs en formation », capables à la fois d’avoir des connaissances approfondies dans les différentes disciplines (didactique, psychologie, sociologie, connaissance de l’institution…), aucune formation institutionnelle n’est offerte à ces « formateurs de terrain » sur qui repose pourtant la responsabilité de l’accompagnement des enseignants, qu’ils soient débutants ou chevronnés.
Dans son récent rapport sur la formation des enseignants débutants, l’Inspection Générale met en avant un autre besoin : pour asseoir une véritable formation « professionnalisante » des enseignants débutants, il est nécessaire de mettre en place de véritables réseaux d’écoles formatrices, au sein desquelles on puisse qualifier progressivement de véritables tuteurs professionnels, chargés d’un « compagnonnage » qui permettre aux débutants d’acquérir rapidement les bases d’une culture professionnelle. Ainsi, on pourrait imaginer faire accéder les meilleurs enseignants « chevronnés » à des conditions d’emploi valorisantes (par exemple en leur accordant une journée de décharge hebdomadaire, qui aurait le double mérite de leur donner une perspective professionnelle valorisante pour leur seconde partie de carrière, et d’investir efficacement dans l’accompagnement des débutants, dont les promotions actuelles sont particulièrement nombreuses du fait du renouvellement considérable des générations d’enseignants.
Quels contenus de formation ?
François Dubet, roi de la boutade provocatrice, résumait ainsi, lors d’une de ses conférences, ce qu’il attendait d’une formation initiale d’enseignants :
– un cours d’histoire du système éducatif pour faire barrage aux légendes dorées du niveau qui baisse, pour fabriquer une culture de base,
– un cours sérieux sur un autre système éducatif étranger, pas pour en faire l’apologie, mais pour mesurer la distance avec ce qui est devenu pour nous invisible.
– Un cours sérieux sur la psychologie des enfants et des adolescents, qui rappelle qu’il n’est pas totalement anormal que les garçons de 15 ans s’intéressent à autre chose que les savoirs disciplinaires
– Savoir lire des indicateurs, des tableaux statistiques pour savoir prendre de l’information
– Rassurer les nouveaux enseignants sur ce qu’ils vont voir sur le terrain…
Au-delà de la boutade, il faut prendre en compte dans la formation la transformation du métier, d’ailleurs actée par le « référentiel de compétence » désormais en vigueur. Parce qu’on leur demande non seulement une maîtrise des contenus et de la didactique disciplinaire, mais aussi de pouvoir travailler en équipe, utiliser les TICE dans son enseignement, prendre en charge les relations avec les partenaires et les parents, assurer les conditions de leur propre développement…, on se rend immédiatement compte que la formation initiale (actuellement composée d’une année de préparation au concours, suivie d’une année de formation en IUFM composée de cours et de stages sur le terrain) ne peut suffire. Les équipes de formateurs sont d’ailleurs nombreuses, dans les départements et les académies, à tenter de mettre au point des cursus cohérents entre la formation initiale et les premières années de métier, sans toujours avoir le cadre de travail qui permette une articulation cohérente entre les attributions des rectorats et des IA (prescripteurs du cahier des charges de la formation) et les IUFM chargés de les mettre en œuvre sans avoir toujours toutes les ressources de formateurs compétents pour prendre en charge toutes les facettes du « référentiel de compétences » de l’enseignant.
La crise ? Quelle crise ?
La réussite de tous, sans rire ?
Le risque d’une école libérale ?
Quelle formation, quel accompagnement pour les enseignants ?