Caroline Jouneau-Sion, enseignante d’histoire géographie au collège Germinal de Raismes (59)
« J’allais au forum innovative teachers de Philadelphie pour apprendre. Je m’imaginais rencontrer les enseignants les plus innovants du monde entier et les laisser m’expliquer comment devenir aussi performante, innovante qu’eux. Je m’imaginais que les hyperpaysages de mes élèves allaient faire pâle figure au milieu de toutes les merveilles de pédagogie présentées. Mais ces rencontres furent bien plus que cela. Imaginez une centaine d’enseignants de trente-cinq pays du monde, de Singapour au Kazakhstan, d’Afrique du Sud à la Finlande, réunis dans une salle pour présenter une de leurs actions pédagogiques novatrice. La richesse, la diversité des productions donne le vertige : depuis le conte rédigé sur un blog, activité toute simple, mais ô combien amusante et efficace, au projet hyper-technologique » Biozone « , ce jeu vidéo construit par les enfants, les idées se ramassent ici à la pelle. Mais l’efficacité de ce forum réside surtout dans la rencontre, dans le face à face avec des collègues qui ont été choisis pour leur état d’esprit, pour leur façon d’envisager l’enseignement. Ici, la technologie n’est pas l’essentiel : elle n’est qu’un moyen de mettre en œuvre une pédagogie différente. C’est quoi, être un enseignant innovant ? Ce n’est pas tout savoir, au contraire : c’est accepter de ne pas savoir, accepter d’apprendre de l’autre, du collègue, de l’élève. L’enthousiasme était palpable : » formidable « , » fantastique « , « génial « , tels étaient toujours les premiers commentaires, toujours suivis d’un questionnement passionné qui poussait les interlocuteurs à penser plus loin. Tout a été mis en valeur, discuté, repensé, approfondi dans un profond respect des autres. J’ai soudain regardé mes petits hyperpaysages d’un autre œil…comment résister à tant d’enthousiasme ? Enfin, last but not least, ces rencontres internationales construisent un réseau d’enseignants avides de travailler ensemble et de réfléchir à un enseignement différent. Où peut-on côtoyer autour de la même table un ukrainien, une canadienne, une brésilienne et un Sud-africain ? Quelle meilleure opportunité d’échanger sur nos pratiques enseignantes, de bâtir ensemble des projets internationaux « .
« C’est dans une atmosphère très douce et remarquable pour la saison que s’est tenue la conférence mondiale des enseignants innovants organisée par Microsoft. Cette deuxième rencontre internationale a ainsi permis de réunir des participants issus de trente-cinq pays différents. De chacun d’eux, des profs, fiers d’être là et ouverts, prêts à partager des expériences personnelles, des actions professionnelles individuelles et collectives. Avides d’en apprendre toujours plus des autres, également. Un état d’esprit original, assez unique d’une certaine façon. Car il est rare de se retrouver dans une réunion où les profs sont célébrés pour ce qu’ils font au quotidien ; car il est rare que ces profs-là soient félicités pour leur sens du dévouement, pour l’énergie qu’ils dépensent, pour l’enseignement et l’accompagnement qu’ils délivrent, auprès de leurs élèves mais aussi auprès de leurs collègues. Récompensés dans leur pays, valorisés par le fait de présenter et de partager leurs savoir-faire et leurs compétences, ces enseignants là ont ainsi pu, pour la première fois peut-être, s’entendre dire que leur travail est à la hauteur des espérances. Qu’il est porteur de sens. Tout cela dans un contexte facilitant l’échange avec d’autres collègues venus du monde entier. Des échanges d’une qualité exceptionnelle. Des échanges durant lesquels personne n’a le sentiment d’être jugé, d’être contesté. Au contraire, nous avons assisté et participé à des discussions conviviales, portées sur les projets des uns et des autres. Sans chercher à mettre en avant un projet plutôt qu’un autre. Dans cette ambiance générale favorable, le besoin de comprendre les difficultés des uns et des autres, les solutions expérimentées ici ou là, ont permis à chacun de mieux se situer. L’échange a ainsi facilité la compréhension des projets proposés, a mis en lumière le travail fourni et a favorisé la mutualisation. La mutualisation de » bonnes pratiques « , d’une certaine façon. Celles que chacun peut s’approprier en l’adaptant à son contexte d’enseignement. Une bonne idée de la collaboration finalement, non ? Sans jamais perdre notre regard critique, nous avons eu le sentiment d’apprendre quelque chose au contact de tous ces collègues, enseignants du primaire et du secondaire. Il faut bien dire que cela a été facilité par la formule proposée par les organisateurs, alternant les phases de discussions dans une salle entièrement dédiée aux démonstrations et à la découverte de posters présentant les projets de chacun, avec les séances plénières. Même les temps de repas ont été envisagés comme des situations de communication et d’échanges. Pour renforcer la stimulation, un concours a permis de récompenser quatre des projets les plus innovants avec un jury qui ne s’est pas contenté de regarder les posters et autres diaporamas mais qui est venu à la rencontre des enseignants pour qu’ils puissent exposer leur projet. Participer à ce forum a été pour nous une formidable opportunité et surtout, cela nous a donné un véritable coup de fouet nous permettant de repartir vers de nouveaux projets. Cela nous a aussi redonné confiance : confiance dans ce que nous faisons ; confiance dans notre mission. »
» J’ai trouvé un intérêt majeur dans cette rencontre : le fait d’échanger en direct avec des enseignants du monde entier sur leurs pratiques pédagogiques. Ainsi j’ai pu découvrir des pratiques effectives menées à Honk Kong, Pékin, Piquerobi (Brésil) ou ailleurs… et échanger sur les conditions de mise en place et de réalisation. Ce qui m’a surpris aussi, c’est qu’il n’y a pas de réel décalage en matière de technologie ni d’innovation en terme de réalisation pédagogique. Les réalisations restent relativement simples, pas plus évoluées qu’il y dix ans. L’innovation se situe plus que jamais dans les pratiques, pas dans les outils ni les productions. Microsoft était l’organisateur de ce forum mondial : sa présence commerciale était discrète. Par contre, un modèle pédagogique semblait faire référence et apparaissait alors comme un modèle à suivre : le socioconstructivisme. Pourtant aucune référence aux recherches non américaines en sciences de l’éducation au cours des deux jours de travaux. Toutefois un grand nombre d’enseignants de différents pays conservent leur capacité d’inventivité (certaines réalisations ont mis cet aspect en évidence), de résistance et de contestation par rapport à des théories pas encore assez éprouvées. »
« Quand on m’a demandé de présenter un projet pour le forum mondial des « Innovative Teacher » (littéralement : enseignants innovants), je me suis dit que j’allais me retrouver ridicule parmi un magma de réalisations toutes plus imaginatives les unes que les autres. Donc plutôt que de présenter un projet « ultra technologique », j’ai choisi de présenter un projet « ultra pédagogique ». Le projet de Villaries (1), c’est l’histoire d’une ré-écriture de conte (élèves de grande section de maternelle) avec construction de décors avec des Playmobil©, prises de vue avec appareil photos numérique, enregistrement des voix avec un magnétophone numérique, construction du diaporama avec Powerpoint, et enfin gravure du cédérom. La simplicité apparente du projet me sert, d’ailleurs, d’illustration dans mes formations avec les PE2 : » …voyez que l’on peut faire quelque chose même avec deux ordinateurs dans la classe… « . Bilan : le projet n’a pas reçu le Award » tant recherché » mais il était loin d’être ridicule parmi les autres. D’ailleurs aucun projet n’était ridicule, tous étaient admirablement portés par des enseignants motivés par la réussite de leurs élèves bien plus que par la dimension high-tech de leur éventuelle future école. Les auteurs du projet de Villaries (H.Fillous et S.Delaperche) peuvent être fières, elles sont de véritables « Innovative Teacher ».
Page publiée le 01-12-2006 Sommaire :
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