crise ? Indéniablement…
C’est écrit noir sur blanc dans le rapport de Xavier Darcos au candidat Sarkozy : climat de lassitude, de démobilisation et d’aigreur. Les chefs d’établissements pensent qu’ « on vit dans un climat de crise perpétuelle ». Les salaires sont à la baisse : recul de la valeur du point d’indice de plus de 20% selon une étude de Paris I, sentiment de déqualification. Pour 65% des Français, les métiers de la fonction publique, au premier rang desquels ils citent les enseignants, sont « mal reconnus et mal payés » sondage FSU. Tableau noir, assurément. On commence mal.
Mais où le bât blesse-t-il le plus ? Sans doute parce que les enseignants ont du mal à savoir (ou à accepter…). Bref état des lieux orienté :
– C’est à partir d’une entrée centrée sur les résultats des élèves et les types d’enseignement que tout un courant, derrière G. de LANDSHEERE (1994) ou P. PERRENOUD (2004), va progressivement construire la conception de la « professionnalisation » du métier d’enseignant, sommé de ne plus se contenter d’enseigner ce qui est prescrit, mais exercer sa responsabilité individuelle en s’appuyant tout à la fois sur ses savoirs savants comme sur ses expertises techniques pour acquérir les « compétences » chères à PERRENOUD (2004) : organiser et animer des situations d’apprentissage ; gérer leur progression ; concevoir et faire évoluer des dispositifs de différenciation ; impliquer les élèves ; travailler en équipe ; participer à la gestion de l’école ; informer et impliquer les parents ; se servir des technologies nouvelles ; affronter les devoirs et les dilemmes éthiques de la profession ; gérer sa propre formation continue… Rien d’étonnant à ce que cette mutation ne se fasse pas sans douleur, ni sans quelques besoins de formation…
– Partant du point de vue des administrateurs de l’éducation, Claude THELOT, expert formé par la machine elle-même, compare les coûts et les rendements : si l’augmentation des résultats scolaires a été « réelle » depuis une trentaine d’années, « elle n’est pas à la hauteur de celles de ses ressources » écrit-il avec Philippe JOUTARD dans « Réussir l’Ecole » (1999). Au-delà de la question des moyens, c’est la question du qualitatif qui se pose : ils déplorent l’aspect très « libéral » de l’exercice du métier d’enseignant, l’écart très grand entre la norme et ce qui se passe réellement dans les classes, l’absence de réflexion des enseignants sur ce que devrait être un enseignement de masse. Ils réclament la prise en compte de l’hétérogénéité des élèves, l’individualisation de l’enseignement, l’excellence pour tous afin de ne laisser personne au bord du chemin.
Ce qui est, pour ces auteurs, le meilleur moyen de préserver la force du service public face aux tentations du marché, est vécu par les opposants comme un renoncement : au fur et à mesure de l’entrée dans les sphères de formateurs de cette vulgate pédagogique, certains « sauveurs » crient au contraire à l’hérésie, à la braderie des savoirs et de l’exigence culturelle. Pourtant, les « administrateurs de l’Education », qui vont devenir des fervents défenseurs de la culture du résultat telle que la prône la LOLF, refusent d’opposer « pédagogues » et « républicains ».
La crise ? Quelle crise ?
La réussite de tous, sans rire ?
Le risque d’une école libérale ?
Quelle formation, quel accompagnement pour les enseignants ?