F. Jarraud
PPRE : En attente de la circulaire Le décret est paru en août 2005 et annonce une mise en route à la rentrée 2006 mais la circulaire d’application est toujours en attente. Un guide officiel Plutôt léger le « Guide pratique » ! 4 pages de consignes vagues ! Tout au plus y apprend-on qu’à l’école il sera appliqué au cycle des apprentissages fondamentaux et au CE2. Les enseignants utiliseront les outils d’évaluation existants (livrets d’accompagnement, évaluations nationales) sous la responsabilité du directeur d’école et de l’inspection. Au collège, le PPRE sera mis en œuvre en 6ème sous la responsabilité du chef d’établissement et des professeurs principaux. Les PPRE prendront la forme de documents écrits. Le document n’apporte pas d’information sur l’articulation du PPRE avec les moyens extérieurs à l’école comme les « dispositifs de réussite pédagogique ». Tout au plus sait-on que » Le programme personnalisé de réussite éducative peut intégrer des activités existant hors du temps scolaire, en particulier dans le cadre des dispositifs de réussite éducative, qui peuvent être utiles et complémentaires à l’action de l’école ou du collège. Ces activités n’ont pas un caractère obligatoire ; elles sont proposées et expliquées aux parents qui conservent le droit de décider de la participation de leur enfant ». Les questions pédagogiques sont complètement évacuées par le document. La mesure sensée réduire l’échec scolaire se bornerait-elle à un imprimé ? Quelles pratiques pour personnaliser l’aide aux élèves ? Comment personnaliser effectivement les apprentissages des élèves ? Alors que les PPRE (Programme personnalisé de réussite éducative) doivent être mis en place à la rentrée 2006, l’académie de Rennes a réuni en février dernier un séminaire qui apporte de nombreuses pistes aux enseignants et aux équipes de direction. Fanny de La Haye et Laurent Gourvez, Iufm Bretagne, sont intervenus sur l’individualisation dans l’apprentissage de la lecture. » Pour une pédagogie adaptée de la compréhension en lecture, certains points doivent être retenus et certaines règles respectées : proposer des activités axées sur le vocabulaire afin d’accroître le lexique des élèves peut, à terme, améliorer leur compréhension; proposer des activités visant à améliorer les capacités d’analyse syntaxique; proposer, aux élèves qui en ont besoin, des textes dont les titres constituent de réels résumés peut constituer une aide à la compréhension; aider les élèves en difficulté à effectuer des résumés intermédiaires; alterner les tâches d’évaluation en compréhension : tâches de questionnement (questionnaires oraux ou écrits), de reformulation, de résumé, de rappel, de reconnaissance…; alterner les questions littérales et les questions inférentielles; apprendre aux élèves les procédures nécessaires à la compréhension afin qu’ils se les approprient et les utilisent à bon escient ». Un groupe de travail a réfléchi sur l’individualisation en classe entière et propose des exemples de pratiques ainsi qu’une grille résumant ce qui favorise l’individualisation : une autre gestion du temps scolaire, une autre organisation de la classe, un travail en groupe mais aussi un rapport différent aux programmes. L’accompagnement du travail personnel en 6ème a mobilisé un autre groupe avec d’intéressantes réflexions sur les difficultés rencontrées du fait des représentations des professeurs, des élèves et des parents. » Un chef d’établissement du Finistère regrette que les professeurs soient » encombrés » par leur expertise de professeur, (et ne se sentent pas capables d’aider des enfants dans une autre discipline que la leur) contrairement aux jeunes étudiants ASEN dont bénéficie son établissement. De plus, elle dit devoir se battre contre élèves et parents qui ne voient pas l’intérêt de la » permanence », car selon eux, elle est un endroit où on ne fait rien. La transformation de la » Perm » en » Etude » ou » Aide aux devoirs » est la solution qui s’est imposée. . Elle témoigne enfin que pour que les élèves acceptent de rester dans l’établissement aux heures où ils n’ont pas cours, elle doit lutter pour qu’ils acceptent d’être aidés dans leurs devoirs, dans les murs de l’établissement ». Autre obstacle repéré par un IPR, la faible part des compétences transversales dans les textes officiels disciplinaires. Mais le séminaire propose également des cas concrets de démarche d’individualisation. On peut ainsi découvrir un dossier type de PPRE, des dossiers de suivi d’élèves ayant des difficultés de comportement ou des difficultés scolaires ainsi que les stratégies développées pour y faire face.
En perspective : Aider les élèves
« La question de l’aide n’est pas simple et ne peut se résumer à de la méthodologie, à du soutien ou à quelques heures en plus des cours ; elle interroge à la fois notre représentation du métier, notre rapport à l’autre, mais aussi notre conception de l’apprentissage et la responsabilité sociale de l’école, ce qui n’est pas rien » affirme Sylvie Grau, qui a coordonné ce remarquable numéro 436 des Cahiers pédagogiques. Ajoutons que la question est aussi devenue politique avec la définition des Programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE) dans la loi Fillon. Et, disons le sans détour, le premier intérêt de ce Cahier est justement de mettre en évidence l’impasse que représentent les PPRE. Ainsi, la première partie du numéro nous fait réfléchir à ce que représente l’aide. « Si aider, c’est aider l’élève à réussir, alors il faut savoir ce que ce mot représente pour chacun d’entre nous, enseignants, éducateurs, parents, élèves : avoir la moyenne, être intégré dans une communauté, passer dans la classe supérieure, réussir un examen, maîtriser un certain nombre de compétences, devenir un adulte responsable, intégrer une grande école, pouvoir décider librement, accumuler un maximum de connaissances ? » C’est poser la question du choix du destinataire de l’aide, du dispositif et des représentations qui les animent. C’est ce travail de démontage que propose Françoise Clerc (Lyon 2). « Les croyances sur l’apprentissage poussent à mettre en place des pratiques d’aide qui sont condamnées à reproduire la hiérarchie scolaire. En collège la croyance qu’il existe des bases de connaissances fautes desquelles rien ne se construit, conjuguée à l’idée répandue « que ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » conduisent les enseignants à mettre en place un travail centré sur des connaissances déjà travaillées à l’école » » ce qui a un effet fortement démobilisant. Gérard Chauveau met aussi en évidence les « risques majeurs » de l’aide : saupoudrage, substitution, diversion, sous-stimulation, dépendance, désengagement, ségrégation, stigmatisation, pathologisation et ambivalence. Alors faut-il enterrer avec nos illusions toutes nos bonnes intentions ? Non, répond le Cahier qui apporte également des exemples d’expériences. Aider apprend déjà beaucoup aux enseignants : « beaucoup disent avoir découvert ce qu’ils ne soupçonnaient pas et avoir changé leur façon d’enseigner » explique Jacques Bernardin (Escol Paris 8). Pour lui « parmi les aides substitutives les plus opératoires, il faut compter avec les pairs », ce travail entre élèves dont l’efficacité ressort d’autres travaux. « Il faut que l’aide soit intégrée à l’enseignement même car c’est la seule façon d’accompagner efficacement des apprentissages…. A condition que la forme scolaire actuelle évolue » demande Françoise Clerc. L’aide devient efficace quand elle n’est plus un moment de mise à l’écart mais entre dans une pédagogie réellement différenciée qui n’ignore pas l’importance des relations dans le groupe élèves. C’est évidemment remettre en question les deux mamelles de la loi Fillon : redoublement et PPRE. L’inefficacité du redoublement a déjà été démontrée au moins au primaire. Le PPRE consiste à sélectionner les élèves à problème pour les isoler du groupe classe et les mettre en demeure de progresser individuellement. On réussit ainsi un remarquable tri et on évite de poser la question d’une autre pédagogie.
|