F. Jarraud
« Si nous devions revenir aux programmes de 1945 et si ces programmes devaient créer à nouveau toutes les difficultés qui ont été analysées dans ce texte (notamment : un ennui important dans les classes du fait de la répétition, un désintérêt généralisé des enseignants pour le fonctionnement intellectuel de leurs élèves, un enseignement élitiste parce que seuls les enfants qui s’auto-questionnent progressent en résolution de problèmes…), malgré toutes ces difficultés, nous n’en garderions pas moins ces programmes pendant 50, voire 100 ans. En effet, quiconque voudrait dénoncer le prétendu enseignement de la multiplication et de la division dès le CP, qu’une campagne de type populiste le ramènerait bien vite à la raison : » Ils ne veulent plus que nos enfants apprennent la multiplication et la division dès le CP ! » ; » À une époque qui nécessite des savoirs de haut niveau, ils alignent les programmes vers le bas ! « . L’enjeu, aujourd’hui, est qu’une campagne de même type ne nous emmène vers cette situation bloquée« . Dans un article accordé au Café pédagogique, Rémi Brissiaud, Maître de conférence de psychologie cognitive à l’IUFM de Versailles, dénonce les tentatives de retour aux programmes de calcul de 1945 qui proposaient l’apprentissage des 4 opérations dès le CP.
Si ces programmes avaient l’avantage d’inciter de façon précoce les élèves à mémoriser des relations numériques, il avaient aussi de gros défauts : « les enseignants faisaient obstacle au progrès de certains élèves en assimilant sur une longue durée la division au partage,… l’apprentissage de la résolution de problèmes se faisait seulement à partir de résolutions-types, ce qui légitime l’usage d’analogies superficielles« . Ainsi , « l’enseignement de la division avant 1970 n’est pas un » paradis pédagogique » perdu » sauf pour la petite élite qui s’adaptait au moule du programme traditionnel. Est-ce à dire que les programmes actuels soient parfaits ? R. Brissiaud ne le pense pas. Il constate d’ailleurs qu’ils sont largement interprétés de telle sorte que la division est acquise au CE2. Et c’est cette capacité d’évolution des programmes qui semble la plus enrichissante Ce que dénonce finalement R. Brissiaud c’est le populisme affiché à la tête de l’Education nationale. « Avec le développement des moyens modernes de communication (télévision et internet notamment), une démocratie comme la nôtre est de moins en moins à l’abri du populisme. On connaît les belles analyses que fait Pierre Rosanvallon de cette pathologie de la démocratie : il ne la définit pas comme une idéologie mais par son fonctionnement. Il considère le populisme comme un retournement pervers contre elle-même des idéaux et des procédures de la démocratie. Le populisme repose sur le fantasme d’un peuple qui serait unanime à penser autrement qu’une petite élite alors que celle-ci tenterait d’imposer son point de vue. Par exemple : le fantasme d’un peuple unanime à penser qu’il faut revenir à l’enseignement des 4 opérations dès le CP alors qu’une poignée de pédagogues défendraient le contraire ». Rémi Brissiaud ouvre ainsi un important débat sur le calcul qui devrait se prolonger l’année prochaine. Trois autres participants l’y ont rejoint : David Lefebvre, Roland Charnay, Joël Briand. C’est dans le Café.
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