F. Jarraud A – C – D – E – F – G – H – I – O – P – R – S – T – U – V Sous forme d’abécédaire, un outil cher à notre ministre, quelques questions qui font débat. Parce que rentrer c’est aussi affronter les enjeux du système éducatif.
« Nous avons la preuve d’un impact positif de l’investissement en TIC sur les performances scolaires dans l’enseignement primaire ». L’étude réalisée par Stephen Machin, Sandra Mc Nally et Olmo Silva pour le Forschungsinstitute zur Zukunft des Arbeit (IZA) porte sur les écoles primaires anglaises. Elle croise les investissements faits dans les TIC avec les résultats aux tests KS2, passés par les enfants en fin de primaire. Sous l’impulsion de T. Blair, les écoles anglaises ont bénéficié d’un triplement des crédits TIC à partir de 2000. Ils sont passés en moyenne de 5 300 euros par école primaire en 1999 à 19 100 euros en 2002 (plus de 75 euros par élève). Selon cette étude, l’investissement est rentable. « Un doublement des investissements TIC par élève amène une hausse de 2% du taux d’élèves atteignant un niveau correct en anglais », ce qui représente un tiers des progrès réalisés de 1999 à 2002. L’impact est de même niveau en sciences mais reste très faible en math. Le premier intérêt de cette étude c’est d’être la troisième cette année à affirmer un effet positif des TIC sur les résultats scolaires. Elles tranchent avec les travaux précédents généralement sceptiques sur l’effet scolaire des TICE. En janvier deux recherches, l’une réalisée par l’OCDE à partir des résultats de PISA, l’autre par des chercheurs californiens à partir de tests américains, ont mis en évidence de meilleurs résultats scolaires pour les jeunes possédant un ordinateur à la maison. Un effet démontré toutes catégories sociales confondues de façon à éliminer l’effet social de la fracture numérique. « Les adolescents qui ont un ordinateur à la maison ont 6 à 8% de chances en plus de réussir leur lycée que les adolescents qui n’ont pas d’ordinateur à la maison compte tenu des variables familiales et sociales » concluaient les universitaires californiens. Les chercheurs de l’IZA confirment ces résultats à partir de données totalement différentes. Reste à comprendre pourquoi. Les études antérieures montraient que les jeunes utilisent l’ordinateur chez eux pour d’autres activités que le jeu et particulièrement, en second usage, pour rechercher de l’information sur Internet pour leurs travaux scolaires. Elles mettaient en évidence la nécessité de lutter contre la fracture numérique. L’étude de l’IZA porte sur l’impact de l’équipement des établissements scolaires. Elle montre que l’utilisation des fonds est déterminante. « L’investissement a été concentré dans des domaines efficaces, comme la formation des enseignants et la maintenance ». Les écoles qui ont vu leurs résultats scolaires monter ont mis à niveau leur matériel mais elles ont surtout investi réellement dans la formation. Cette leçon anglaise ne fait pas que confirmer l’effet positif des TIC sur le niveau scolaire. Elle ne nous dit pas que l’investissement matériel suffit. Elle nous éclaire sur les conditions d’une réelle intégration des TICE dans les pratiques pédagogiques : une maintenance efficace du matériel, un investissement sur les enseignants, une volonté politique réelle marquée par des budgets conséquents. Une recette plus facile à appliquer dans un système éducatif décentralisé. Et les jeux vidéo ? Il relève d’abord leur accointance avec les « Digital Natives », ces étudiants nés après l’apparition de l’ordinateur qui ont grandi avec Internet. Cette génération est habituée aux raisonnements inductifs, ont des habiletés visuelles et aiment croiser les sources d’information. Toutes choses qu’on retrouve dans les jeux. Mais pour R. Van Eck le principal intérêt des jeux est dans les processus d’apprentissage mis en œuvre. Ainsi dans les jeux il faut apprendre des règles fixées par l’environnement du jeu et mises en pratique dans le jeu. On a là une forme d’apprentissage efficace. R. Van Eck retrouve dans les jeux des principes définis par Piaget. Le jeu amène le joueur à résoudre des conflits cognitifs. « Jouer demande à élaborer un cycle constant d’hypothèses, de test et de révision ». Quand le jeu est trop simple, il n’intéresse plus.
Travail : Le travail enseignant se complexifie en Europe
» En définitive, le malaise enseignant peut paraître lié à l’intensification individuelle du travail qui paraît à des degrés variables dans les différents segments du champ scolaire. Mais le malaise existe aussi à un niveau plus collectif. Le malaise peut parfois être entretenu par les politiques, de sorte que l’acteur enseignant tend dans ce cas à résister au changement plutôt qu’à le porter ». Dans un numéro des Cahiers de recherche en éducation et formation du Girsef, Christian Maroy, université de Louvain, synthétise les études sur l’évolution du travail enseignant en Europe et sur les résistances au changement observées partout sur le continent. En effet partout en Europe le métier change par la diffusion d’un nouveau modèle professionnel correspondant à la fois à des politiques éducatives et à des changements sociaux et culturels. » Le discours modernisateur qui sous-tend nombre de politiques éducatives pourrait donc être abruptement résumé de la façon suivante. Grâce à des établissements plus autonomes, développant des projets éducatifs portés par des enseignants engagés dans une dynamique collective, grâce à des enseignants pédagogues, réflexifs et centrés sur l’apprentissage de l’élève, grâce aussi à un cadrage institutionnel où l’Etat régule et évalue les unités d’enseignement décentralisées, l’école devrait pouvoir affronter les défis auxquels elle est confrontée. Elle devrait devenir simultanément plus juste et plus efficace ». Ce nouveau modèle d’Ecole demande une évolution du métier d’enseignant. Pour C. Maroy, cela n’est pas sans conséquences sur le volume et la difficulté du travail enseignant. » On assiste à une diversification et à un accroissement du nombre de tâches demandées formellement aux enseignants dans la plupart des pays européens investigués par Eurydice. Au niveau du travail réel, la littérature semble de plus s’accorder sur un constat d’intensification et de complexification du travail des enseignants. L’intensification se marque moins par un allongement de la durée du travail, que par un alourdissement et une extension des tâches à réaliser, et par une complexification du travail en classe qui constitue le cœur du métier. Simultanément, on peut se demander si on n’assiste pas aussi à une différenciation assez nette des conditions d’exercice du métier selon le type d’établissement où l’on enseigne ». C. Maroy souligne également que le temps formel de travail des enseignants ne baisse pas. Même s’il est difficile de calculer leur temps de travail réel (incluant préparations, corrections etc.), les enseignants sont la seule catégorie sociale dont le temps de travail officiel ne baisse pas (et donc augmente relativement). D’autre part ces évolutions qui visent à modifier l’identité du professeur sont sources de conflit interne. » Les enseignants vivent des sentiments de déprofessionalisation ou de tensions entre leurs orientations normatives et celles des politiques dans la mesure où la dimension » affective » et éducative du métier tend à devoir être mise en veilleuse, au profit d’une logique d’enseignement plus instrumentale. La surcharge de travail peut aussi être paradoxalement liée dans ces contextes aux tentatives des enseignants de satisfaire simultanément les demandes officielles et leurs propres conceptions du métier ». Aussi, pour C.Maroy, la résistance au changement n’est pas conservatisme. Il en renverrait volontiers la responsabilité aux politiques. « Le malaise enseignant face aux politiques de professionnalisation et aux changements du » métier » enseignant, nous semble plus profondément lié à des formes de retrait ou de résistance face aux réformes, lorsqu’elles accentuent la déprofessionalisation des enseignants ». Là l’auteur expose une thèse déjà évoquée dans L’Expresso. |