Projet-Passion pour la réalisation d’une pièce de théâtre «Pas de retraite pour la mémoire – Auschwitz-Birkenau»
Pouvez-vous nous dire dans quelles circonstances vous avez été amenée à participer au programme Projet Passion ?
J’étais en hypokhâgne au lycée Jules Ferry à Paris dans le neuvième arrondissement. Au lycée, j’étais membre du club théâtre. Notre professeur nous a proposé de monter une pièce sur le thème de la déportation, les camps de concentration. Nous avons eu l’occasion d’en parler avec la Proviseur du lycée. C’est elle qui nous a parlé de Projet Passion. Elle nous a expliqué ce qu’il fallait faire, remplir un dossier, le présenter devant un jury et que l’on pouvait aussi obtenir une subvention pour réaliser le projet.
Vous aviez constitué une équipe ?
Au début, nous étions une dizaine de comédiens et à la fin du projet, nous étions plus nombreux, vingt environ au final, comédiens, techniciens, musiciens. La plupart étaient des élèves du collège ou du lycée, quelques-uns des anciens élèves du lycée.
Quel était votre rôle dans l’équipe ?
J’ai fait les démarches, le dossier. Ensuite, j’ai géré l’argent de la subvention qui nous a permis de fabriquer les décors, les costumes, de réaliser des affiches et des tracts pour annoncer les représentations.
Comment s’est passée la préparation de la pièce ?
Notre professeur nous avait proposé de travailler sur le thème des camps. Au début, c’était difficile de s’imaginer jouer un détenu. Notre professeur nous a fait lire des textes de survivants des camps de concentration, Primo Levi, Charlotte Delbo, Elie Wiesel, Art Spiegelman, Etty Hillesum et Imre Kertész.
Nous avons choisi des témoignages. Nous avons pris contact avec certains ayant droits des auteurs pour avoir l’autorisation d’utiliser les textes. Progressivement, cela nous a complètement envahi l’esprit. C’était difficile, mais tellement riche. Certains d’entre nous ont regardé Shoah à la télévision. Nous avons organisé une projection de Nuit et brouillard au lycée.
Combien de fois avez-vous joué votre pièce ?
Nous l’avons jouée six fois en tout, dans le réfectoire du lycée, c’est une pièce ronde qui se prête bien à une représentation théâtrale. C’était ouvert à tous, il y avait des professeurs, des lycéens, et surtout des gens de l’extérieur. Nous avons eu en moyenne 80 spectateurs par spectacle.
La pièce durait une heure trente. Nous avons essayé de ne pas la rendre trop pathétique, nous voulions qu’elle soit un simple constat, sans y ajouter de sentiments, pour que l’injustice qu’ont ressenti les détenus des camps s’exprime d’elle-même et soit transmise au public et qu’elle bouleverse les spectateurs.
Y a-t-il eu, pour vous, un lien entre ce travail et les autres activités scolaires ?
Les profs bien sûr ont entendu parler de la pièce mais ils ne sont pas intervenus. Pour moi, en tous cas, ce travail a été très formateur, j’ai appris beaucoup de choses sur la construction d’un projet. On nous a fait confiance. Le thème de la déportation, ce n’était pas très gai. Au bout d’un an de répétitions où nous devions jouer la faim, la fatigue, la maladie, le désespoir, nous étions éprouvés. Mais les cours de théâtre, la construction du projet, le travail de groupe, c’était vraiment une bouffée d’air nécessaire, quelque chose de très bien
Entretien : Serge Pouts-Lajus