Entretien avec Danielle Guerrier, professeure de mathématiques au lycée Paul Langevin à Suresnes
La vie se poursuit, mais tout çà ne l’oublions pas
En raison de ses intérêts personnels, Danielle Guerrier s’est depuis longtemps investie dans l’histoire de la Shoah et a organisé maintes visites du camp d’Auschwitz-Birkenau avec des groupes de jeunes. Le programme dure habituellement de 3 à 4 jours, de façon à permettre une véritable découverte contextuelle, avec visite de Cracovie et du ghetto, mais aussi de communautés juives vivantes ainsi qu’une rencontre avec l’Auschwitz actuel. « Je connaissais depuis longtemps la possibilité d’organiser des visites à Auschwitz dans le cadre du partenariat entre le conseil régional et le Mémorial de la Shoah, mais l’organisation sur un jour me posait problème ». Il a fallu l’amicale pression d’un collègue d’histoire-géographie et le soutien de la déportée Yvette Lévy, « une amie personnelle », pour que Danielle Guerrier décide cette année de tenter l’expérience et d’emmener avec elle la classe de terminale S dont elle est le professeur principal.
« Ce voyage d’un jour m’a semblé très réussi. Je rends hommage au Mémorial de la Shoah qui a élaboré un programme d’une journée le plus complet et le plus pédagogique possible ». La visite commence sur le site de Birkenau et fait retracer aux élèves l’itinéraire des déportés. Les élèves, très impressionnés par l’immensité de Birkenau, ont bien perçu le chemin retracé et ont d’ailleurs décidé de centrer l’affiche de restitution sur cette perception.
Le Mémorial offre aux enseignants tout un accompagnement : séance de formation, matériel pédagogique, présence des déportés en amont et pendant la visite ainsi que des conseils pour travailler cette préparation avec les lycéens. « J’ai 32 élèves dans la classe et nous ne pouvions en emmener que 18. Nous avons donc présenté le projet avec mon collègue d’histoire et demandé aux élèves de nous écrire une lettre de motivation, fondée le plus possible sur leur expérience personnelle ». Quinze élèves se sont portés volontaires et ont accepté d’expliciter leur motivation. Ainsi, l’une des participantes joue dans la fanfare municipale et assiste souvent aux cérémonies du souvenir du Mont Valérien. Une autre avait travaillé avec le Musée de la résistance de Besançon et percevait la visite à Auschwitz comme une poursuite de ce travail. Ces quinze élèves ont bénéficié de quatre séances de travail, deux plutôt thématiques avec le professeur d’histoire, reprenant les grands points étudiés en première, et deux autres plutôt orientées sur la réflexion et l’étude de textes (Primo Levi, Elie Wiesel …) : « cette préparation est très importante. Il faut insister sur le sens de la démarche ». Une séance d’information a été organisée avec les parents.
Pendant la visite, durant laquelle Yvette Lévy était témoin et à laquelle assistait Elisabeth Gourevitch, vice-présidente du conseil régional et longtemps membre du CA du lycée Paul Langevin, les élèves ont fait preuve d’une grande attention, avec un comportement concentré et actif, posant nombre de questions pertinentes. « Nous avons été très heureusement surpris par certains ». Le moment de recueillement au Monument international les a beaucoup touchés et ils ont su à leur tour se recueillir lorsqu’un texte d’Elie Wiesel a été lu devant les rails du crématoire 1. « On a l’impression que quelque chose s’est imprimé là pour la vie » remarque Danielle Guerrier, qui insiste sur l’importance de cette prise de conscience.
Une semaine après le retour, une première séance de travail a permis de revivre la visite et d’en extraire les impressions restantes, notamment l’immensité de Birkenau et le vécu du chemin retracé des déportés. Deux autres séances où « ce ne sont pas forcément les meilleurs élèves qui se sont montrés les plus actifs » ont été consacrées à la réalisation de l’affiche, choix des photos et des légendes pour illustrer l’itinéraire et création d’une chanson par trois élèves musiciens.
Cette affiche, qui fait partie de l’exposition 2007 Vision lycéenne du camp d’Auschwitz Birkenau, sera exposée au CDI pendant la semaine de lutte contre le racisme, en même temps que sera présenté aux autres élèves un film tourné pendant le voyage, complété par une série d’interviews des élèves avant et après le voyage. Et pour compléter cette restitution, qui apparaît aussi importante que la préparation, une visite du camp de Drancy est prévue au mois de mai, avec les élèves et leurs parents.