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» Vous vous approchez doucement de la porte. Soudain un cri venu de l’autre côté de la porte déchire le silence… Que faites-vous ? Vous ouvrez la porte ? Vous faites mine de n’avoir rien entendu et passez votre chemin ? Vous vous sauvez à toutes jambes en hurlant vous aussi ? « C’est désormais à vous de choisir votre cheminement dans le récit, puisque vous venez d’être promu héros de l’histoire, un héros à qui doit sourire une fin glorieuse … Ou une mort terrifiante ! Tel est le principe du récit dont vous êtes le héros qui, après avoir existé sous forme de roman papier, fleurit aujourd’hui sur Internet. En effet, le principe des liens rend le récit interactif simple à réaliser pour le web. D’autant plus simple qu’il existe Quandary (1), un logiciel permettant à tout le monde de réaliser sans connaissance particulière un récit interactif. A l’origine de ce projet, il y a l’envie de proposer à mes élèves un travail d’écriture différent des rédactions classiques et le désir de réaliser une activité mettant en jeu le groupe classe ainsi que chaque élève individuellement. Lorsque je me suis lancée dans ce projet, je venais de terminer l’étude du conte et je voulais faire un travail d’écriture long qui ne soit pas pour autant trop lourd pour les élèves. Il s’agissait pour moi de prolonger les acquisitions de mes élèves sur la structure du récit en les faisant écrire un texte complexe afin qu’ils soient confrontés aux problèmes de logique inhérents à ce type de récit. Je voulais aussi une réalisation qui ait un aspect ludique afin de motiver la classe et je souhaitais un résultat qui puisse faire vivre le travail des élèves. Je me suis donc naturellement tournée vers la création d’un récit interactif. Pour mettre en œuvre mon projet, je me suis inspirée du travail de Caroline d’Atabekian sur Harry Potter (2) à cette différence près que nous n’allions pas partir d’une trame déjà écrite, mais tout inventer. J’ai commencé par emmener mes élèves voir sur Internet le récit réalisé par les élèves de Caroline d’Atabekian. Cela leur a permis de voir ce qu’est un récit interactif et de se familiariser avec les principes régissant une telle réalisation. J’avais donné comme consigne aux élèves de revenir en arrière d’un ou deux embranchements s’ils arrivaient au bout du récit, soit en gagnant, soit en perdant. Ils ont ainsi pu comprendre que non seulement le » lecteur interactif » choisit lui-même son chemin, mais qu’il y a également, dans ce type de récit, plusieurs façons d’arriver au même endroit. Cette découverte a permis de bien lancer le travail, car l’aspect très ludique du récit interactif les a aussitôt séduits, de même que l’idée de publications sur le site Internet du collège. La perspective d’un public lisant et jouant à leur récit les a motivés. Si je leur demandais de retoucher, d’étoffer ou de réduire leur texte, pour eux ce n’était pas tant pour moi ou pour la note qu’ils le faisaient que pour présenter un » jeu » cohérent à leur futur public, à commencer par les autres élèves du collège. La majeure partie de notre travail a été consacrée à la construction du récit proprement dit. En effet, la difficulté d’écrire un récit dont vous êtes le héros, interactif ou non, est qu’au-delà des différents choix possibles, une rigoureuse logique doit être respectée afin que les différents chemins se croisent, s’éloignent et se rejoignent sans hiatus ni contradiction, au risque de perdre définitivement notre lecteur-héros dans un labyrinthe textuel sans issue. Il nous a d’abord fallu nous mettre d’accord sur une trame globale pour guider le récit. A l’aide du schéma narratif, qui devait bien sûr être respecté, les élèves ont travaillé en petits groupes pour imaginer une histoire dans laquelle évidemment tout se passe bien : le héros franchit glorieusement chaque étape avant de triompher. Chaque groupe a présenté sa trame et la classe a retenu les éléments qui lui plaisaient le plus parmi toutes les trames présentées. Dès cette étape, les élèves ont été amenés à réfléchir aux problèmes de cohérence, car on ne pouvait pas toujours facilement associer les éléments narratifs d’un groupe à ceux d’un autre. Des adaptations ont été nécessaires, ainsi que des éliminations. Nous avons ensuite complexifié le récit en prévoyant le squelette des autres cheminements possibles. Pour cela, pas d’autre solution que d’utiliser un tableau (3) synoptique avec des cases symbolisant les étapes et des flèches signalant le passage d’une étape à l’autre. On met dans une colonne le parcours idéal déjà décidé, dans une autre un parcours intermédiaire, fait d’hésitations, dans une dernière les échecs du héros. Chaque case sera ensuite confiée à un élève pour la rédaction. Le tableau permet d’avoir une bonne vision d’ensemble et de vérifier la logique du récit pour chaque rouage. C’est également un excellent outil de travail pour les élèves qui se représentent ainsi mieux leur position individuelle dans l’ensemble du récit et peuvent s’appuyer dessus pendant leur rédaction. A l’issue de cette élaboration, chaque élève a rédigé le contenu de la case dont il était responsable. Lors de cette étape de la rédaction, il est fondamental de bien travailler les transitions d’une case à l’autre, d’un parcours à l’autre. En effet, c’est là que réside la difficulté essentielle du travail, car si chaque case est indépendante et a été confiée à un élève pour l’écriture, le récit ne peut fonctionner que si les cases sont correctement reliées entre elles. Chaque élève doit donc travailler le texte de sa case en ayant noté les différents liens menant à elle, afin de préserver la cohérence du récit. Mais il doit également prévoir des liens menant vers chacune des cases vers lesquelles sa case va mener. Les cases du parcours intermédiaire sont les plus délicates à rédiger car c’est là qu’il y a le plus de possibilités de transitions. J’ai donc veillé à les confier à des élèves plus à l’aise. Les élèves un peu en difficulté ont été ravis de s’occuper des diverses façons de faire mourir notre héros. Lors de la rédaction, j’ai demandé aux élèves dont les cases étaient liées de vérifier ensemble que leurs textes se rejoignaient facilement. Ainsi, si chaque élève a travaillé de son côté, tous ont été obligés de prendre en compte le travail de plusieurs autres élèves. L’écriture d’un récit interactif n’est pas une affaire d’individus mais une affaire de groupe et de cohésion. Chaque texte a été retravaillé en fonction de mes remarques pour l’améliorer et l’étoffer. Est ensuite venu le temps de saisir les textes à l’ordinateur. Les séances consacrées à cette partie n’ont été ni très longues ni très fastidieuses puisqu’elles n’arrivaient qu’une fois le texte bien écrit. Pour mettre en forme le récit interactif, on entre simplement dans un tableau le texte de chaque lien et le numéro du texte vers lequel il mène et Quandary crée les hyperliens. Il importait pour moi que ces séances informatiques ne se limitent pas à la simple saisie des textes. Je les ai donc mises à profit pour asseoir les connaissances des élèves quant l’utilisation de l’ordinateur : ouvrir le traitement de texte, créer son fichier, le nommer, l’enregistrer au bon endroit. Nous avons également réfléchi à l’utilisation du correcteur orthographique. Après avoir laissé les élèves qui avaient trouvé le correcteur (dont j’avais au préalable désactivé l’automatisme) s’en servir un peu, j’ai fait repérer à la classe que certaines erreurs restaient ignorées du correcteur tandis que certains mots bien écrits étaient au contraire considérés par lui comme des erreurs. J’ai alors expliqué que les correcteurs fonctionnent avec les mots présents dans leur base de données. Aussi, un mot absent de la base sera considéré comme inconnu et donc erroné. Par contre, un mot mal orthographié ne sera pas repéré si son orthographe existe dans la base ( » maire » au lieu de » mère » par exemple). Ainsi mis en garde, les élèves ont été invités à n’utiliser le correcteur que pour les fautes de frappe évidentes, et à se tourner plutôt vers un dictionnaire et vers l’utilisation de leur connaissance des règles afin de corriger plus efficacement. Cette réalisation a permis de travailler de façon ludique mais approfondie sur la cohérence d’un récit complexe. La dimension » jeu interactif » a motivé les élèves et les a poussé à soigner leur texte et a bien réfléchir à leurs transitions. Cela a également permis à l’ensemble de la classe de travailler en grand groupe, puisque la cohérence des transitions dépendaient de leurs échanges avec leurs camarades. A travers ce travail nous avons aussi pu aborder l’un des aspects les plus importants de la saisie de texte : la correction du texte. Si la production finale est entièrement informatique, le projet lui-même reposait sur une grande part de travail classique avec un papier, un stylo, un dictionnaire et son cerveau. L’informatique n’a été utilisée par les élèves que pour saisir le texte de façon raisonnée mais il apporte la touche finale au travail et a été le moteur de la rédaction. Quel plaisir pour les élèves, une fois le travail achevé, que de pouvoir tester leur » jeu « , de voir leur dessin associé à leur texte, de pouvoir également montrer ce jeu à d’autres. Le dernier intérêt de ce travail, mais non des moindres, est que si le produit fini est assez impressionnant, la réalisation technique en elle-même n’est pas difficile pour le professeur. Il suffit d’être attentif lors de la phase d’élaboration des trois trames, comme lors de n’importe quelle écriture longue. Céline Dunoyer Pour se lancer dans la réalisation : Notes : |
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