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Dans la journée Christophe Foraison enseigne les SES au lycée Fourier à Auxerre, un établissement à dominante scientifique. Le soir, ce professeur expérimenté (15 ans d’ancienneté au compteur) devient le blogueur de SOS SES. FJ Comment êtes vous arrivé dans le monde du blog ? Au départ, je suis parti d’un constat. Beaucoup d’élèves font des blogs, communiquent par code, certains sont très à l’aise avec cette technologie. Je me suis intéressé à ce phénomène en juin 2006. J’ai découvert un nouvel univers, et le potentiel de cet outil pour mieux faire passer nos cours. L’obstacle technique est facilement franchissable. Au début, je n’y connaissais rien. J’ai donc essayé plusieurs plates-formes (Blogger et Over-Blog). Je voulais un peu personnaliser cet outil, j’ai donc dû rentrer dans la technique. Evidemment, il y a eu des erreurs, des crises de nerfs… Je cherchais des solutions dans des livres, revues. Mais il n’y avait pas grand chose. C’est alors que j’ai découvert l’intérêt des forums: je demande une aide technique, des blogueurs (euses) me répondent, m’aident et me conseillent. Très étonnant, en plus c’est vraiment personnalisé. Je n’étais pas au bout de mes surprises… FJ- C’était votre première expérience d’édition électronique ? Oui, ça se situait en août septembre. Je n’avais jamais rien publié sur le net, ni tenu de blog. Au début, je mettais en ligne des cours, documents avec des questions. Mais il y avait assez peu de réponses (trop intimidant de répondre aux questions, peur d’être jugé etc.). J’ai donc essayé de mettre un peu plus d’humour, d’illustrations (certains bloggeurs me l’ont déconseillé en me disant que cela ne ferait pas « sérieux pour un prof »). FJ- Ce changement était destiné aux élèves ou aux lecteurs en général ? Il était destiné aux lecteurs: je ne veux pas d’un blog uniquement réservé aux élèves (même s’ils sont prioritaires). Il s’agit d’un blog pour ceux et celles qui s’intéressent aux sciences économiques et sociales. Au début, les élèves ont été surpris: en seconde, il y en a même un qui m’a dit qu’il ne comprenait rien au blog. D’autres m’ont demandé si on pouvait écrire en SMS, les élèves de Terminale ont été sensibles à l’effort réalisé. Peu à peu, j’essaye de mieux exploiter cet outil auquel je crois: plusieurs pistes marchent bien auprès des élèves. FJ- Mais comment faites vous le lien avec les cours ? Le blog sert il à illustrer le cours, à le préparer, à le poursuivre ? Comment voyez vous les choses ? Je voudrais préciser que ce que je fais est une expérience: je ne prétends pas que c’est la solution aux problèmes de motivation des élèves ou à leurs difficultés d’acquérir les savoirs. Je tâtonne, je cherche, j’expérimente, je teste…En plus, le blog est relativement récent, il faut voir sur la durée… Les élèves m’ont dit apprécier les articles qui suivent la progression du cours. Je leur propose des prolongements de cours à travers des exemples concrets. La série d’articles sur les hypermarchés vient à la suite d’un cours sur la flexibilité et l’organisation du travail par exemple. FJ- Vous pensez qu’ils le lisent ? Ils le commentent ? Oui, même si tous ne le disent pas: sur 35 élèves de Terminale, j’en ai un tiers qui a déjà osé commenter un article. Tous l’ont vu puisque lors d’une séance de Travaux Dirigés en salle multimédia, ils se sont connectés pour faire des activités. Pour les élèves de seconde, je n’ai pas beaucoup d’information, aucun n’a fait de commentaire. Mais il faut dire que le blog, pour le moment, s’adresse surtout aux Terminales. D’une façon générale, les élèves aiment les liens proposés. Il faut dire qu’il y a des documents vidéo absolument fabuleux (documentaires, dessins animés, archives…). Par exemple, en début d’année, j’ai trouvé une animation Gapminder sur les écarts de développement, je leur ai posé toute une série de questions à partir du site, nous avons corrigé en classe. J’ai également mis des liens sur l’orientation et sur des sites qui me paraissent essentiels pour faire des recherches sur le net. FJ- Donc ils ont eu d’abord le travail sur le blog avec reprise en cours ? Oui, ils ont eu le travail sur le blog, ils ont fait les réponses par écrit chez eux et correction-synthèse en classe. Enfin, j’ai proposé à des élèves de réaliser, à partir de documents de l’INSEE, un article de blog sur l’innovation. Ils me l’ont envoyé par mail, j’avais mis des contraintes (nombre de pages, illustrations, vocabulaire économique et social, liens internet…). L’enjeu était de leur faire prendre conscience de la nécessité d’être clair et synthétique pour être lu. J’ai déjà pratiqué cet exercice en leur demandant de réaliser un diaporama sous PowerPoint. J’avais tendance à privilégier le fond, mais je crois qu’avec ces outils, il nous faut aussi nous intéresser à la forme. Les titres par exemple ont leur importance, tout comme les illustrations. FJ- Ils l’ont fait ? C’est en ligne ? Oui, j’ai sélectionné l’article qui me paraissait publiable: http://sosses.over-blog.com/article-4506256.html Il était clair et correspondait aux critères fixés. J’avais imposé le sujet, donc l’exercice était ardu. Il concerne une partie de la classe que j’ai en spécialité puisque l’activité consistait à rechercher des prolongements de la thèse de Schumpeter sur le progrès technique. Le fait de mettre en forme l’article sur le blog permet de leur faire comprendre l’importance de la clarté. Ce qui nécessite une sélection d’information en amont, une expression écrite rigoureuse… L’autre intérêt, c’est de rajouter des liens. Cela implique une recherche d’information. En plus, il faut savoir inciter le lecteur à s’y rendre: on n’écrit pas pour soi, mais pour être lu par les autres. Cette évidence prend tout son sens avec cette expérience. Voici quelques extraits des commentaires des élèves concernant l’article écrit par cette élève : « c’est super bien écrit elle utilise du vocabulaire très économique, des phrases bien tournées, en tout cas moi j’ai tout compris!! On a vraiment l’impression qu’elle sait de quoi elle parle. ». Un autre écrit : « Les exemples arrivent au bon moment, on arrive a tout comprendre petit a petit, c’est plutôt bien structuré. On voit l’essentiel et comme on sent qu’il y a des choses à découvrir derrière, on n’hésite pas à aller chercher d’autres informations. » Des élèves me postent également leurs expériences en dehors des cours (certaines ont travaillé comme caissières…). Je n’en suis qu’au début, et je pense continuer à explorer toutes les pistes possibles. En Education Civique, les élèves doivent me rendre un blog sur un sujet précis, en respectant les contraintes fixées). FJ- Derrière tout cela il y a une conception du métier. Vous sortez carrément du cours traditionnel, pourquoi ? Le cours traditionnel, j’en fais (encore trop). Il me faut varier mes pratiques. Les élèves n’écoutent plus passivement pendant une heure, ils bavardent, ils perdent leur concentration alors que je vois bien qu’ils peuvent énormément s’investir dans d’autres activités. Je donne un exemple concret: certains élèves vont passer beaucoup de temps à faire un diaporama en ECJS alors que la matière compte finalement très peu; mais lorsqu’il va s’agir de réviser longuement pour un contrôle d’économie, le travail sera bâclé alors que la note sera plus lourde de conséquence. Ils n’agissent donc pas en « homo économicus » sinon ils privilégieraient le travail « rentable ». D’un autre côté, lorsqu’ils rentrent chez eux, leur environnement est peuplé de ces nouvelles technologies: portable, consoles de jeux, internet… Si nous n’investissons pas rapidement ces nouveaux continents, alors le marché aura raison de nous. Le film L’école buissonnière de J.-P. Le Chanois montre un enseignant qui fait découvrir les nouvelles technologies de l’époque (pour imprimer leur journal de classe, l’enseignant leur apporte les outils techniques). Il ne s’agit pas de sortir du cours traditionnel, l’enjeu est bien plus grand: la transmission du savoir ne passe plus par les mêmes canaux, ni par les mêmes méthodes. On se plaint du manque d’autorité, les élèves demandent de l’autorité. Sur quoi devons-nous la fonder ? Sur un ordre qui ne se justifie que parce qu’il existe ? En maîtrisant ces technologies, en exploitant leur potentiel, on peut toujours transmettre des savoirs sans perdre notre rôle, au contraire. Quand je leur parle des blogs, des enjeux sociologiques de ce phénomène, je sens bien que je touche là leur vie quotidienne et que j’essaye d’en faire une analyse (abstraite) et une pratique (concrète). Là où je rejoins la rupture avec le cours traditionnel, c’est au niveau de l’usage du temps. La frontière temps professionnel / temps de loisirs est définitivement battue en brèche: mon blog, est-ce du loisir ou du temps de travail ? Il y a même une élève qui m’a dit que, même pendant les vacances je continuais à faire mes cours à travers le blog. Il y a sûrement des aspects négatifs: le temps est important, mais c’est comme tout, l’expérience aidant, les articles sont écrits et conçus plus rapidement. La technique peut parfois être un frein (insérer des tableaux ou des graphiques pose parfois problème), mais les blogs sont beaucoup plus souples que les sites. FJ- Pouvez vous mesurer l’écho auprès des élèves ? Quelle proportion participe a votre avis ? Cela fait 3 mois que le blog existe. Pour le moment, les échos concernent quelques élèves à ma connaissance. J’ai fait une heure de vie de classe en Terminale avec un questionnaire individuel anonyme qui comportait entre autre des questions sur le blog. Et voici ce que les élèves me disent. Les deux tiers trouvent le blog très bien ou bien, 7 élèves le jugent assez bien et 2 élèves jugent qu’il n’a pas d’intérêt. En ce qui concerne la fréquentation : 8 élèves (26 %) sont des lecteurs très réguliers (tous les jours ou 2 à 3 fois par semaine); 7 élèves s’y rendent une fois par semaine (23 %), 13 élèves sont des lecteurs occasionnels (1 à 2 fois par mois) et 2 élèves n’y sont jamais allés (6 %). La principale raison invoquée d’une faible fréquentation est le manque de temps. Qu’apporte le blog aux élèves ? Une culture générale (75 % des réponses), une aide au cours (approfondissement pour 50 % des réponses), une motivation et un intérêt pour la matière (33 % des réponses), et des idées pour l’orientation (33 % des réponses). Le fait d’avoir réalisé des séances de cours à partir du blog en salle multimédia leur apparaît comme une expérience à renouveler un peu plus souvent (70 % des réponses), 3 élèves (10 %) ont déclaré que cela n’apportait pas grand chose par rapport aux cours habituels. FJ- Et vous qu’en pensez-vous ? En classe, je ne peux pas approfondir ou développer certains aspects, c’est frustrant. Mettre en ligne permet alors de compléter le cours. C’était le cas pour le toyotisme et pour les articles sur les hypermarchés. D’ailleurs, j’ai retrouvé dans certaines copies les exemples illustrés. Je peux faire des articles sur l’actualité: le prix Nobel de la paix (un des articles dont je suis le plus fier) Mr Yunus. Très peu d’élèves (y compris en ES) s’intéressent par eux-mêmes à l’actualité (il faudrait en permanence leur en parler, faire des revues de presse, ce qui est impossible). Enfin, c’est la question fondamentale de l’argumentation qui est posée. En cours, depuis la seconde, ils ont eu des conseils pour réaliser une dissertation, pour apprendre à rédiger…Trop peu d’élèves parviennent encore à produire une réponse écrite structurée à partir de raisonnements et d’exemples pertinents. Or, davantage d’élèves (pas tous évidemment) ont davantage pris conscience des exigences de l’écrit en écrivant !!! Je dois donc saisir cette occasion pour davantage les entraîner à acquérir ces mécanismes fondamentaux : beaucoup d’élèves ont tendance à vouloir tout mettre pour traiter un sujet (tentation de l’encyclopédisme). Sur un blog, c’est visible, l’encyclopédisme, le catalogue ne passent pas. FJ- Les parents et les collègues sont-ils informés ? Les parents ne sont pas informés, l’administration doit l’être puisque je l’ai mis comme projet pédagogique sur ma fiche d’inspection. Les collègues sont informés, mais pour beaucoup, c’est une autre culture, un autre monde. Disons que les réactions relèvent de la curiosité pour beaucoup. Aucun collègue n’a fait de commentaire. D’autres m’ont dit: « mais qu’est-ce que tu racontes dans ton blog ? » Ben il y a beaucoup de sciences économiques et sociales et aussi un peu de moi même. FJ- Quels nouveaux usages imaginez vous ?? Je sais que certains collègues se servent du blog comme un cahier de texte (le cours qui a été fait, les devoirs et évaluations réalisées…) Cela ne m’intéresse pas vraiment. Je veux rester ouvert à tous les publics: certains lecteurs m’ont dit que le découpage en catégories seconde / première / terminale était intéressant pour eux pour se situer. Je souhaite mieux intégrer les élèves en renouvelant leur participation à l’écriture de billets (un vieux souvenir d’enfance, en CM1-CM2, on a tenu un journal de classe, pourquoi ne pas aller un peu plus dans cette direction ?) D’autre part, je pense aux collégiens, qui ne savent pas ce que sont les sciences économiques et sociales, avec le blog, ils auront une idée des contenus de certains cours. Entretien : François Jarraud Le blog de C. Foraison :
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