Dans le 93, près d’une jeune fille sur trois déclare avoir subi des violences physiques dans les douze derniers mois. Une sur huit des violences sexuelles.
Lundi 5 mars, étaient présentés à la presse les premiers résultats d’une enquête sur les comportements sexistes et les violences envers les jeunes filles, commandée par le conseil général de Seine-Saint-Denis et suivie par l’observatoire départemental des violences envers les femmes. Cette enquête, la première du genre, prolonge une enquête nationale réalisée en 2000 sur les violences envers les femmes de 20 à 59 ans en France ; elle a porté sur un échantillon représentatif de 1600 jeunes filles âgées de 18 à 21 ans résidant ou exerçant leurs activités en Seine-Saint-Denis.
Ces jeunes filles ont répondu très volontiers à plusieurs centaines de questions en face à face, assurées qu’un protocole spécifique avait été mis en place en cas de « révélations graves ». Par rapport à l’enquête de 2000, les enquêtrices ont noté que non seulement la parole s’était libérée, mais encore que le niveau de tolérance des comportements sexistes avait nettement diminué. Le travail en profondeur effectué dans le département par les services du conseil général et ses partenaires, membres de la communauté éducative, travailleurs sociaux, police justice y est sans doute pour quelque chose.
Placée sous la responsabilité scientifique de Maryse Jaspard, chercheuse à l’INED et enseignante à Paris 1, cette enquête respecte les critères de représentativité et de méthodologie usuels. Les résultats présentés ont donc été garantis fiables. Cependant le manque d’enquêtes similaires ne permet pas d’établir de comparaisons avec d’autres régions ou départements, même si on subodore qu’il n’y a pas d’effet spécifique 93.
Dans le questionnaire, six cadres de vie ont été définis : lieux publics/sorties, études/lycée, université (27% des jeunes filles sont en lycée ou équivalent, 58% suivent des formations post-bac), travail, couple (seulement 4%), famille (plus de 75% des jeunes filles vivent chez leur mère, leurs deux parents ou en famille élargie). Dans les douze derniers mois et dans chacun de ces cadres de vie sauf à l’université, 10 à 12% des jeunes filles déclarent avoir subi des violences physiques (coups, vols avec violence, menaces ou tentatives de meurtre). Près de 60% des jeunes filles se plaignent de harcèlement sexuel dans les espaces publics ou au cours de sortie et 5% d’entre elles déclarent avoir été victimes de viols ou tentatives de viols.
Au cours de leur vie, 23% des enquêtées ont subi des violences physiques graves (tabassage, menaces armées, tentatives de meurtre), les coups étant très majoritairement subis dans le cadre de la famille (père, mère, frère ou autre). De même c’est à plus de 50% dans le cadre de la famille que sont commis les viols ou tentatives de viols dont 13% des enquêtées ont été victimes au cours de leur vie.
Celles qui font des études universitaires semblent bénéficier d’un milieu protecteur, où les violences physiques et sexuelles graves sont beaucoup plus rares. L’influence des catégories socio-professionnelles des parents n’est pas démontrée, mais leur origine ethnique apparaît comme un facteur à prendre en compte.
Les résultats complets de cette enquête ne seront disponibles qu’en novembre prochain mais,
dès maintenant, la mise en lumière de l’importance des comportements sexistes et violents envers les jeunes filles impose au conseil général du 93 et à son observatoire des violences envers les femmes de maintenir leur engagement et de poursuivre leur action. La journée de travail organisée le 6 mars autour des résultats de l’enquête avec plusieurs centaines de professionnels sera l’occasion de formuler des propositions concrètes. Cependant, d’ores et déjà six pistes de travail ont été retenues :
- – sensibiliser l’opinion publique
– sensibiliser et former les professionnels à une meilleure écoute et au répérage des comportements
– organiser des débats théâtraux, avec l’aide d’associations et de structures, pour favoriser la protection de la jeunesse
– mener une enquête similaire sur les garçons
– continuer l’action entamée contre les mariages forcés
– développer les consultations de victimologie (ouverture d’une consultation pour les enfants à Montreuil).