F. Jarraud
Publiée au B.O. n°14 du 6 avril 2006, la circulaire sur l’éducation prioritaire reprend les orientations du « plan de relance » des Zep présenté le 8 février. Rappelons que celui-ci a réparti les établissements Zep en 3 catégories. Les EP1 concernent les 249 établissements « les plus prioritaires » renommés « ambition réussite ». Les établissements classés EP2 devraient garder les moyens disponibles à la rentrée 2005. A partir de la rentrée 2007, un nombre indéterminé d’établissements actuellement classés Zep passeront en catégorie EP3 : ceux là seront destinés à quitter l’enseignement prioritaire. On ignore à la fois le calendrier de ces radiations et le nombre d’établissements concernés. Ce qui laisse craindre une saignée du dispositif Zep.
La circulaire du 6 avril évoque d’abord l’organisation des réseaux zep. Des « comités exécutifs » seront constitués dans les 249 « réseaux ambition réussite ». Ce sera le cas avant la rentrée 2007 dans les autres réseaux. Chaque comité comprendra le principal du collège sur lequel s’appuie le réseau et les directeurs des écoles du secteur. Le comité assurera le pilotage du réseau : » Le comité exécutif prépare, harmonise, régule les mesures destinées à faire vivre le réseau et rend compte de son activité aux conseils d’administration des EPLE, aux conseils d’école et aux autorités académiques ».
Plus d’autonomie. Chacun prépare un « contrat ambition réussite » ou un « contrat d’objectifs scolaires » qui se substituent aux « contrats de réussite scolaire » actuels en lien avec les partenaires (collectivités locales par exemple). » Dans le cadre de cette contractualisation, des expérimentations pourront être proposées… notamment l’organisation de la journée et de la semaine scolaires, ainsi que le développement de passerelles entre les premier et second degrés, qui feront l’objet d’un soin particulier ».
Des moyens supplémentaires ?Pour la mise en œuvre de ces contrats, les réseaux ambition réussite bénéficieront de 1000 enseignants « supplémentaires », financés en fait par la réduction des horaires d’enseignement dans les collèges. Ces enseignants « expérimentés » auront au moins un mi-temps de libre pour appuyer le réseau et par exemple suivre les PPRE. » Les enseignants supplémentaires affectés dans les réseaux « ambition réussite » pourront prendre part aux PPRE, co-intervenir dans les classes, partager leur service entre le premier et le second degré, intervenir dans le cadre de services croisés et en lien avec les maîtres surnuméraires du premier degré, le cas échéant participer à l’éducation à la citoyenneté, prendre le service d’enseignants afin de permettre à l’ensemble des membres du réseau de profiter de la nouvelle organisation et de libérer du temps pour le travail en équipe… » Qui seront-ils ? Comme le laissait entendre la conférence de presse de février, ces professeurs expérimentés seront simplement les moins jeunes des enseignants de zep actuels. » La notion de professeurs « expérimentés » n’implique pas nécessairement un nombre précis d’années de service. En effet, nombre de jeunes professeurs ont acquis, après quelques années d’enseignement, une véritable expérience de terrain qui témoigne de leur investissement en faveur de la réussite de leurs élèves ». Il pourrait aussi s’agir de PLP bivalents affectés en collège. D’une façon générale les enseignants des réseaux ambition réussite bénéficieront d’une mobilité géographique facilitée. Ces réseaux disposeront également de 3 000 assistants pédagogiques qui feront de l’accompagnement scolaire, de l’aide au travail personnel.
L’adaptation des parcours scolaire voulue par le ministre concerne spécifiquement les PPRE et la découverte du monde professionnel. » Le programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) est l’un des dispositifs qui doit permettre de conduire la totalité d’une classe d’âge à la maîtrise des connaissances et compétences constitutives du socle commun, à la fin de la scolarité obligatoire. Son usage doit être privilégié. Il constitue tout autant une modalité de prévention de la difficulté scolaire, visant à empêcher un redoublement, qu’un accompagnement de celui-ci lorsqu’il n’a pu être évité » affirme la circulaire. Un livret de compétences suivra chaque élève. » L’ouverture de l’école sur la société sera favorisée. Des interventions de spécialistes (universitaires, chercheurs, professionnels, scientifiques, artistes…) et des actions (visites, mini-stages, projets…) conféreront à l’enseignement une dimension concrète et favoriseront des choix d’orientation ouverts (lycées généraux et technologiques, lycées professionnels, centre de formation d’apprentis, …) ». Enfin le ministre maintient une mesure qui a été très critiquée : » dès la rentrée 2006, les élèves des collèges « ambition réussite » ayant obtenu une mention très bien au diplôme national du brevet auront la faculté de demander leur affectation dans un lycée de leur choix parmi les lycées de leur académie ». Au risque de déséquilibrer davantage les lycées de la zone…
L’ouverture sur la société est un des leitmotivs du plan. L’idée est bonne mais cette partie de la circulaire est souvent peu convaincante. » Une convention de partenariat sera signée au plus tard à la rentrée 2007 avec une institution culturelle, un complexe sportif de haut niveau, un laboratoire d’université, un organisme de recherche ou éventuellement avec une personnalité reconnue. Cela permettra d’insuffler un nouvel esprit en développant chez les élèves un sentiment fort d’appartenance et de fierté pour leur établissement et en donnant à chaque réseau une dimension d’excellence… Pour faciliter l’accès aux stages obligatoires en milieu professionnel des élèves scolarisés en troisième, en lycée professionnel ou en formation postbac, les entreprises d’un bassin d’emploi inscrites dans l’opération « objectif stage » s’engagent, dans une relation de confiance avec les établissements scolaires, à accueillir les jeunes qui n’auraient pas trouvé de stage par eux-mêmes ». On voit mal comment l’éducation nationale pourrait apporter ces garanties.
La coordination avec la politique de la ville semble laissée dans un flou relatif. « L’action engagée à l’école et au collège a vocation, ici plus qu’ailleurs, à être en lien avec les activités hors-temps scolaire et notamment avec les différents dispositifs qui, selon des modalités diverses, tendent vers un développement de l’autonomie et des compétences des élèves. Une réflexion globale doit être menée afin d’inventorier l’existant (aide aux devoirs, études surveillées, Contrat Éducatif Local ou Contrat Urbain de Cohésion Sociale, Contrat Local d’Accompagnement à la Scolarité, Dispositif de Réussite Éducative, École ouverte, « Espaces ludiques en milieu scolaire »…), et de définir les publics prioritaires pour chacun des dispositifs en réponse au contexte local. Une cohérence devra être trouvée entre les différentes modalités de prise en charge, en mettant notamment en regard les besoins spécifiques des enfants et la nature de l’accompagnement et de l’encadrement proposé ».
L’ensemble du Plan a été débattu au moment de sa publication. On trouvera les éléments du débat dans le dossier ci-dessous.
La circulaire
http://www.education.gouv.fr/bo/2006/14/MENE[…]
Rappel : dossier du Café
http://cafepedagogique.studio-thil.com/disci/actu/70[…]
Les limites du plan Ambition réussite
La mise en place du plan Ambition réussite s’avère plus délicate que prévue aussi bien pour le recrutement des « enseignants référents » que celui des assistants pédagogiques. Les objectifs annoncés ne seront probablement pas atteints malgré leur modestie.
http://cafepedagogique.studio-thil.com/disci/actu/74[…]
30 mai : Journée Ambition réussite – Allocution de G. de Robien |
Le 30 mai, G. de Robien réunissait les 249 principaux des collèges ambition réussite, c’est-à-dire les collèges Zep les plus en difficulté, avec une préoccupation majeure : convaincre qu’on peut faire mieux sans investir davantage. « Je suis en effet convaincu qu’il ne sert à rien d’avancer tel ou tel budget, tel ou tel chiffre, si derrière tout cela il n’y a pas un objectif clair, et surtout, des personnes prêtes à s’investir !… Enfin, la démarche par projet vous donne une grande autonomie. Je veux en effet qu’une grande liberté soit donnée aux initiatives des réseaux « Ambition réussite ». Cette liberté, elle se situe d’abord en amont, dans la définition des projets. C’est pourquoi j’ai souhaité qu’une grande latitude vous soit donnée pour la définition des projets pédagogiques ». Plaidant pour l’esprit d’initiative, la solidarité et la personnalisation des parcours, le ministre avait peu de moyens supplémentaires à offrir : 1000 postes d’enseignants « expérimentés », 3000 « assistants pédagogiques », une infirmière promise dans chaque réseau (associant plusieurs écoles et un collège). Des postes qui sont financés par une réduction des horaires dans tous les collèges. Le ministre a annoncé deux dispositifs pédagogiques. D’une part, dans ces établissements, l’option découverte professionnelle pourra être avancée en 4ème. D’autre part, les élèves bénéficieront en 4ème, 3ème, 2de et terminale d’un entretien d’orientation conduit par le professeur principal ou le conseiller d’orientation, assisté d’une personne issue du monde professionnel.
La question des moyens a été soulevée par plusieurs principaux. Ainsi, dans le Nord, un collège voit les financements de ses projets culturels réduits de 50% : « comment mettre en place un pôle d’excellence quand les moyens pour financer les projets PAC sont réduits de 50% ? ». A Montbéliard, un principal pense avoir du mal à faire venir un professeur expérimenté si on ne lui offre pas de réel avantage de carrière. Il apparaît assez clairement que ces professeurs « expérimentés » seront choisis parmi les enseignants déjà présents avec le risque d’attributions purement administratives (par exemple pour sauver un poste menacé). Ailleurs encore on s’inquiète du sort des « assistants pédagogiques » qui pourraient être embauchés sous contrat d’accès à l’emploi (CAE).
Dans une contribution envoyée au Café, Elisabeth Bruchet et Catherine Aduayom, coordinateurs REP, rappellent la situation des autres établissements de l’éducation prioritaire. » Les établissements des réseaux « de réussite scolaire » ne se voient attribuer aucun moyen supplémentaire et la classification « sensible » qui recouvrait elle aussi des difficultés et des moyens spécifiques n’est plus mentionnée alors même que les établissements dits sensibles n’ont pas tous été labellisés « ambition réussite » ce qui est le cas par exemple pour le département du Rhône des REP Casarès à Rillieux, Valdo et Noirettes à Vaulx-en-Velin, Eluard et Michelet à Vénissieux… En somme, 249 REP « ambition réussite » jouent malgré eux le rôle de l’arbre qui cache la forêt ».
Pourtant le projet ministériel séduit aussi des principaux. Ainsi, Nicolas Renard, président de l’Observatoire des Zones prioritaires (OZP) et principal à Asnières (92), se réjouit qu’enfin « on mette des moyens en enseignants pour faire face à des problématiques pédagogiques au lieu de baisser de quelques unités les effectifs par classe ». Dans son collège, les moyens horaires attribués pour les professeurs référents seront utilisés pour faire des cours de français intensifs à des élèves en grande difficulté déjà repérés au CM2. Il estime que le dispositif Robien lui laisse plus de liberté pour faire face aux difficultés. Il lui permet de mieux gérer son équipe et de mieux accompagner les élèves qui en ont le plus besoin.
A l’issue de cette Journée, une question demeure. L’étude de T. Piketty, censurée par le ministère, a mis en évidence l’effet positif d’une forte réduction des effectifs en Zep. Et si les Zep méritaient mieux qu’une mobilisation sans frais des enseignants ?
Discours de Robien
http://www.education.gouv.fr/actu/element.ph[…]
Dossier spécial du Café
http://cafepedagogique.studio-thil.com/disci/actu/70[…]
Le recrutement des assistants pédagogiques s’avère difficile constate l’Inspection générale
Le déploiement de 3000 assistants pédagogiques dans les collèges ambition réussite est-il réalisable ? Il semble bien que non prédit un rapport de l’Inspection générale. » Ni enseignants, ni aides-éducateurs, ni surveillants, les assistants pédagogiques peuvent rencontrer, au moins dans les premières semaines de leur activité, quelques difficultés à se «situer», tant par rapport aux enseignants que par rapport aux élèves ». Mais ce n’est pas la moindre difficulté du déploiement des assistants pédagogiques selon le rapport réalisé par les inspecteurs généraux Dominique Rojat et Marc Buissart.
Mesure d’apaisement lancée par G.de Robien au début de l’année scolaire, le recrutement « d’assistants pédagogiques » est à nouveau un élément phare de la politique en faveur des collèges « ambition réussite » présentée fin mai 2006. Pourtant le rapport de l’Inspection générale montre les limites de l’exercice. » Aucune académie devant recruter plus de 35 AP n’y est parvenue. Le vivier est donc très limité… La raison principale est sans doute à rechercher dans l’attractivité relativement faible de la situation proposée ». Emplois précaires (un an) mal rémunérés, les postes d’assistants pédagogiques (AP) ne sont pas courus. Ainsi à Créteil 52 postes sur 228 n’ont pas trouvé preneur, à Versailles 24 sur 128, en Martinique 12 sur 19.
Une autre difficulté est le flou de la fonction. « Tous les modes d’intervention se rencontrent, selon les établissements et les souhaits des enseignants » affirme le rapport qui cite en exemple des cas de dédoublement de classe grâce aux AP. On veut faire jouer aux assistants pédagogiques le rôle des répétiteurs d’avant guerre ce qui est parfois mal vu des enseignants, des élèves (qui parlent de profs au rabais) et des chefs d’établissement (qui cherchent des surveillants ou gestionnaires de réseau). Ainsi, quand il est isolé dans un lycée, l’assistant pédagogique devient souvent un peu tout cela. Le phénomène est aggravé par l’absence de coordination, relevée par le rapport, entre le déploiement des A.P. et les politiques académiques.
Aussi, au moment où de Robien annonce le déploiement de 3 000 assistants dans les collèges ambition réussite, le rapport estime que « l’extension du dispositif aux collèges, où la difficulté est encore plus grande et la culture des enseignants différente, risque d’être plus délicate ». Les collèges zep bénéficieront-ils réellement de ces assistants ? Pour quels usages ?
ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/syst/[…]
http://www.adobe.fr/products/acrobat/readste[…]
L’OZP émet des réserves sur le plan « ambition réussite »
» Ces éléments de contexte contribuent à brouiller la réception et à décrédibiliser a priori des mesures courageuses et bien conçues pour relancer l’éducation prioritaire ». L’Observatoire des Zones Prioritaires évalue positivement la réforme ministérielle des Zep, mais souligne des inquiétudes.
Pour l’OZP, « l’accent est mis sur la pédagogie et les 1000 postes supplémentaires sont en principe exclusivement dévolus à une prise en charge innovante des élèves qui rencontrent le plus de difficultés dans leurs apprentissages » ce qui constitue un net progrès. L’OZP apprécie également que la priorité soit donnée à certains établissements sur des critères sociaux et scolaires et « un pilotage fort ».
Par contre l’association redoute une démobilisation des établissements Ep2 (établissements destinés à rester en Zep mais qui ne font pas partie des réseaux « ambition réussite »). Surtout elle s’inquiète du » contexte dans lequel ces mesures ont été prises : des annonces sur la lecture qui troublent ceux qui travaillent avec des élèves fragilisés au plan social et scolaire ; une mobilisation sur l’apprentissage à 14 ans qui néglige la recherche d’autres voies permettant d’éviter à certains jeunes de tomber très tôt dans l’échec et le rejet scolaires ; des discours ambigus pouvant encourager une médicalisation de l’échec scolaire ou une stigmatisation des familles ».
Communiqué
http://www.association-ozp.net/article.php3?[…]
Rappel : L’Expresso du 31 mai
http://cafepedagogique.studio-thil.com/expresso/inde[…]
Voir également l’interview de M. Renard dans FSC
http://www.snuipp.fr/IMG/pdf/fsc279.pdf