L’enseignement agricole, fils aîné du monde rural ?
L’enseignement agricole, né du monde rural, vit, évolue au gré des évolutions du milieu rural, de la société paysanne de la fin du XVIIIe siècle à la rurbanisation du XXIe, ses changements de cap, de missions et de programmes reflètent les changements des territoires » profonds « .
De la révolution industrielle à la révolution numérique
Les premières écoles d’agriculture et d’enseignement vétérinaire sont crées en 1760. Puis ; le décret du 3 octobre 1848 organise officiellement l’enseignement agricole en instituant trois types d’établissements : les fermes écoles, les écoles régionales d’agriculture et l’Institut National Agronomique. Des professeurs départementaux d’agriculture sillonnent le territoire dès 1880 participant à la création des coopératives agricoles et des cours post-scolaires. Les établissements naissent souvent au plus près des besoins professionnels des territoires, véritables » écoles-entreprises « , organisées autour de l’exploitation ou de l’atelier de transformation laitier.
L’enseignement agricole suit ainsi les tribulations du monde rural, s’ouvre à l’enseignement féminin après la première guerre mondiale, se mécanise après la seconde ou se développe vers la transformation avec l’avènement de la société de consommation. Au début des années soixante, en plein essor du Marché Commun, les grandes lois d’orientation donnent un nouvel élan à l’enseignement vert en le mettant en conformité avec les diplômes de l’Education Nationale, permettant ainsi une élévation du niveau des qualifications.. En 1982, à l’initiative du ministre, personnels, élèves, parents, organisations professionnelles, lors d’une vaste consultation de plusieurs mois, formulent analyses et propositions qui seront à la base d’une nouvelle et profonde réforme, celle de 1984. Une autre loi d’orientation, celle de 1999, intègre la notion de développement durable et réaffirme les cinq missions des établissements.
Car, grande particularité, l’enseignement agricole possède quatre missions complémentaires à l’enseignement : l’insertion sociale et professionnelle, la coopération internationale, la recherche et le développement, et l’animation territoriale. Ce dernier volet légitime le lien entre l’école et le territoire. Il se manifeste au travers du projet d’établissement et de l’éducation socio-culturelle, discipline favorisant à la fois l’ouverture culturelle des futurs citoyens du monde rural et l’ouverture de l’établissement vers son territoire à travers la réalisation de projets. La dernière Loi relative au Développement des Territoires ruraux, invite les établissements d’enseignement agricole à renforcer leurs liens avec les territoires dans lesquels ils s’inscrivent, notamment au travers de projets d’établissements et ce, dans une perspective d’action territoriale et de développement rural.
Cet appel à participer activement au développement rural correspond à une période de profondes mutations pour l’univers agricole. Le nombre d’exploitations décroît fortement d’année en année. Entre 2003 et 2005, on constate par exemple une baisse de 12,7 % du nombre d’agriculteurs exploitants. Dans de nombreux territoires ruraux, les agriculteurs sont minoritaires. La structure de la population évolue, les besoins également. Les questions d’environnement, d’animation , d’alimentation émergent fortement. Les fils d’agriculteurs ne sont plus les seuls à pousser les portes du savoir vert, la vie en mode rurale, les métiers de service, de l’environnement ou du secteur hippique attirent. La rénovation tant souhaitée se concrétise cette année par un bac technologique, désormais unique, le bac STAV (sciences et technologies de l’agronomie et du vivant).
Un nouvel élan pour de nouveaux besoins ?
De toutes ces pages tournées et pages émergentes, le monde de l’enseignement agricole a frémi de rapports dès la rentrée.. Le premier rapport, celui de François Grosrichard, dresse un portrait plutôt flatteur de l’enseignement agricole. et émet des propositions pour l’évolution de l’enseignement agricole en se basant sur les besoins des territoires ruraux et des populations qui y vivent. Le rôle des établissements dans l’espace rural, la contribution de leurs enseignements dans les questions vives de notre société (environnement, développement durable, services aux personnes, sécurité sanitaire, nutrition) et la qualité pédagogique sont mises en avant. Le principal point faible relevé, d’ordre budgétaire, concerne le coût de fonctionnement des petites structures, dominantes dans le maillage territorial. Les recommandations sur l’organisation ou le financement prônent à la fois des regroupements de structures, des mutualisations de moyens, et une participation d’autres Ministères qui traitent des questions du vivant et de l’environnement. Elles soulignent la nécessité d’une meilleure communication à la fois auprès du grand public et des secteurs professionnels non agricoles comme la grande distribution alimentaire par exemple.
Le deuxième rapport, sur l’enseignement technique agricole de la mission d’audit de modernisation, analyse l’adéquation formations-enseignants-élèves dans l’enseignement agricole afin de déterminer si son organisation actuelle lui permet de répondre de manière efficace aux objectifs qui lui sont assignés. De formations strictement agricoles avec un public composé essentiellement de fils d’agriculteurs, nous sommes passés en quelques années à des spécialités touchant l’ensemble des questions du monde rural (des mondes ruraux ?) pour une majorité d’élèves dont les parents sont employés ou ouvriers. Dans ce contexte, il n’est pas aisé de mesurer l’efficacité et l’efficience d’un système. Par exemple, les classes et sections à faible effectif (moins de dix élèves) sont souvent dans le collimateur des gestionnaires. Pourtant, reconnaît le rapport, elles ont souvent une justification soit parce qu’elles correspondent à une spécialité, un savoir-faire rare, soit parce qu’elles répondent à un besoin d’accompagnement plus fort pour des publics en marge du système scolaire classique . Les spécificités de l’enseignement agricole sont soulignées et la nécessité de conserver un système distinct est mentionnée, sans exclure des passerelles avec l’Education Nationale en terme de mobilité des personnels notamment. Huit recommandations sont émises. Elles visent en particulier à une meilleure structuration administrative, une amélioration du suivi financier et une meilleure communication à destination du grand public. Deux préconisations sont plus sensibles : l’amélioration de l’articulation de la gestion des personnels au niveau régional et la rationalisation de la carte des formations.
Enfin, tandis que le SGEN se réunissait à Paris pour une journée de réflexion sur l’enseignement agricole et la notion de territoire, la commission culturelle du Sénat dressait un rapport sur la place de l’enseignement agricole, » voie originale de formation » au sein du paysage éducatif français.
Les inquiétudes lancinantes sur l’absorption du lilliputien enseignement agricole par le géant Education Nationale semblent s’estomper au vu des bonnes fées penchées sur son devenir. Une nouvelle fois dans l’histoire, les établissements du savoir vert accompagnent, par leurs propres mutations, l’évolution du monde rural, à la fois en réponse aux attentes sociales en matière d’environnement ou d’alimentation et dans la nécessité d’habiter différemment les espaces vacants créés par les exploitations délaissées.
Liens :
L’histoire de l’enseignement agricole :
http://www.agriculture.gouv.fr/spip/article.php3?id_ar[…]
Actes du séminaire » l’enseignement agricole pour et dans les territoires «
http://enfa.mip.educagri.fr/fr/rub-actu/restitution-se[…]
L’enseignement agricole en France
http://www.agropolis.fr/formation/pdf/Boulet_Juin2002.[…]
Pour l’éducation socio-culturelle, voir l’article du café pédagogique :
http://cafepedagogique.net/disci/pratiques/60.php<[…]
Le dossier sur le BAC STAV du Café :
http://cafepedagogique.net/disci/agro/70.php
La journée de réflexion du SGEN sur l’enseignement agricole public, résumé
http://www.sgen-cfdt.org/actu/article1225.html
L’enseignement agricole au cœur de la modernité rurale « , François Grosrichard, juin 2006
http://www.chlorofil.fr/fileadmin/user_upload/pdf/org/[…]
« Analyse de l’adéquation formations enseignants – élèves , Mission d’audit de modernisation de l’enseignement technique agricole »
http://www.chlorofil.fr/fileadmin/user_upload/pdf/org/[…]
Le rapport du Sénat :
http://www.senat.fr/rap/r06-027/r06-027.html
Le site de l’enseignement agricole :
http://www.portea.fr
Monique Royer – publication le 01-12-2006
Sommaire :
- • Accueil
- • Combien de divisions ?
- • Une histoire loin d’être linéaire
- • Une « Ecole de la périphérie » ?
- • Des formations spécifiques à imaginer
- • Quelle efficacité pour l’Ecole rurale ?
- • Les syndicats font le point dans la Nièvre
- • Faire la campagne à la ville ?
- • L’enseignement agricole, fils aîné du monde rural ?
- • Liens