En évoquant « l’exigence républicaine » Gilles de Robien situe parfaitement la place que doit prendre l’éducation prioritaire dans le système éducatif français. Même si les jours du plan Ambition réussite semblent comptés, la question demeurera pour les successeurs du ministre actuel. Peut-on recommander une politique pour aider les élèves en difficulté scolaire ?
Les insuffisances du plan Robien. Car on ne saurait se satisfaire du plan « Ambition réussite » lancé par le ministre. Celui-ci hiérarchise les établissements classés en Zep au point de ne retenir que 249 réseaux en première catégorie (EP1), les autres étant appelés plus ou moins rapidement à perdre les quelques moyens supplémentaires dont ils disposent. Quant aux EP1, eux-mêmes ne bénéficient que d’un saupoudrage de moyens : 1000 enseignants supplémentaires dont on a vu qu’ils n’étaient pas forcément expérimentés et des assistants d’éducation bien difficiles à recruter tant leur salaire et leur perspective de carrière sont sans rapport avec les tâches qu’on leur confient.
Ce que dit la recherche. La question de l’enseignement prioritaire est intrinsèquement liée à la démocratisation de l’enseignement. C’est dire que le nombre d’études est réduit. Elles ont pourtant été synthétisées par Marcel Crahay (Améliorer l’école, PUF 2006).
A vrai dire peu a été dit sur les pratiques pédagogiques. Cela donne d’autant plus de poids au Manifeste de l’OZP, qui, en décembre 2006, souhaitait « généraliser les pratiques pédagogiques qui ont réussi dans certaines ZEP et développer une véritable innovation pédagogique pour que les besoins spécifiques de tous les élèves soient mieux pris en compte. Il s’agit de développer le travail en équipe et une démarche de projet, en particulier pour enseigner à des groupes hétérogènes ; former l’ensemble des équipes à l’analyse de pratiques, à l’évaluation, au travail en partenariat ; placer des projets culturels forts au coeur des apprentissages, à l’opposé de tout repli frileux sur les apprentissages fondamentaux ; faire vivre des dispositifs pédagogiques tels que les cycles à l’école primaire, les Programmes Personnalisés de Réussite éducative (PPRE), les Itinéraires de Découverte, etc. ». Et il est vrai que les résultats sont inégaux d’un établissement zep à un autre et que certains collèges zep, cela a été constaté dans l’académie de Nantes par exemple, obtiennent des résultats supérieurs à des établissements de centre ville.
Par contre plusieurs recherches ont porté sur les dispositifs à établir. Et d’abord sur la taille des classes. Or, de l’étude de Glass, Cahen, Smith et Filby en 1982, à celle de l’enquête Star en 1999, « tous les résultats confirment l’intérêt des classes à effectifs réduits ». C’est aussi sur cette hypothèse qu’a travaillé récemment un chercheur français, Thomas Piketty. Il a pu mettre en évidence qu’une réduction forte du nombre d’élèves par classe a un effet net sur les résultats scolaires. La démonstration était assez forte pour que l’étude, éditée par le ministère, soit immédiatement retirée. (C’était le Dossier 173 de la Dep)…
Faut-il alors individualiser l’enseignement ? Le modèle du préceptorat flotte plus ou moins derrière cette conception qu’on a vu réapparaître derrière les PPRE. Des travaux montrent l’inefficacité de l’individualisation: « plus le rythme et les conditions d’apprentissage sont déterminés par les élèves eux-mêmes, plus la probabilité est grande quels différences interindividuelles s’accroissent » estime M. Crahay.
Une autre politique. Une autre politique peut être dessinée. On pourra s’appuyer sur un exemple qui a fait ses preuves : celui des établissements « Excellence en ville » mis en place en Angleterre. En offrant du tutorat et du soutien scolaire, ils ont sensiblement relevé le niveau de leurs élèves. Cette hausse s’explique à la fois par le soutien scolaire, l’aide comportementale et le rétablissement de l’estime de soi réalisé par le tuteur et la baisse de l’absentéisme qui en découle.
Cette politique implique d’abord des moyens réels pour les établissements zep ou au moins les EP1 et certains EP2. Il faut tout l’enthousiasme de certaines équipes pédagogiques pour croire que l’on puisse se passer d’une baisse réelle et forte du nombre d’élèves par classe. C’est certainement une erreur et il faut oser affirmer en cette période où on veut réduire le budget de l’enseignement secondaire, qu’il faut investir massivement dans les zep. Il y a là un effort que la République doit aux enfants des milieux défavorisés.
Manifeste OZP
Etude Piketty