Éditorial :
Au mois de décembre, nous avons pu lire deux opinions diamétralement opposées à propos du manuel Sésamath. Pour ceux qui ne le sauraient déjà, ce manuel pour la classe de cinquième, issu d’un travail collaboratif, a la particularité d’être « libre », c’est-à-dire diffusé sous licence GNU. Téléchargeable, sa version papier est vendue à prix coûtant, les auteurs n’étant pas rémunérés. Cet ouvrage, conçu hors des circuits traditionnels, a connu un succès important.
Le premier article est paru dans le bulletin vert de l’APMEP, et est signé par Bruno Alaplantive, enseignant en collège, et membre actif de l’APM. Pondéré et laudateur, l’auteur souligne en particulier l’intérêt de disposer d’une version électronique du manuel, qui peut engendrer des usages pédagogiques inédits… et alléger les cartables des collégiens.
Tout autre est le son de cloche qui émane de l’article de Tangente (numéro 113), intitulé « Manuels scolaires : la tentation de la démagogie » qui est une attaque sans retenue de ce même manuel. Nos lecteurs pourront en juger d’eux-mêmes, puisque l’ouvrage entier est en ligne, mais la tonalité de l’article nous a paru tellement outrée que nous nous sommes interrogés sur les raisons qui ont amené Tangente à s’aventurer sur ce terrain.
Ce périodique nous a habitués à des articles de mathématiques de très bonne tenue, qui ne pouvaient, a priori, qu’aller dans le bon sens, en militant pour des mathématiques vivantes.
Or, cet article s’inscrit dans un inhabituel dossier intitulé « Enseigner les maths : L’enseignement des mathématiques manque-t-il d’ambition ? » dont le texte introductif a recours à l’expression « nivellement par le bas », qui en dit souvent long sur les représentations de ceux qui l’emploient. Le dossier contient un texte de Gilles Cohen (« la conjuration contre l’intelligence »…), l’article relatif au manuel Sésamath, un ensemble de textes (« Comment bien enseigner ou la leçon des Maîtres », avec des extraits de mathématiciens de renom), et un texte de Christophe Chalons (qui, d’ailleurs, s’est trouvé bien embarrassé d’être ainsi embarqué dans une aventure qu’il n’avait pas imaginée).
Ce dossier nous a semblé passéiste, et mal documenté ; Tangente aurait été bien avisé de ne pas se contenter, en matière de formation et de didactique, d’opinions dignes, à notre avis, du Café… du Commerce.
Pour ce qui est du traitement fait au manuel Sésamath, peut-être est-il éclairant de savoir que l’équipe de Tangente a aussi produit un manuel de Collège (Aventure Maths), endossant, là, un rôle classique d’éditeur. Or, il est clair que l’irruption de manuels libres ouvre une brèche inédite dans le pré carré du marché de l’édition scolaire, et que l’ensemble des éditeurs, Tangente compris, ne peut qu’en souffrir. Et si ce n’était que justice, à voir la façon dont quelques grands éditeurs ont, au fil des années, appris à maltraiter leurs auteurs (contrats léonins, droits en chute libre, mépris affiché).
Serait-ce là la raison profonde de la fureur qui a saisi la rédaction de Tangente ? Qui sait…
Pour le Café… Pédagogique, en tout cas, la teneur de l’article en question est difficilement admissible : en particulier, une phrase vicieuse («… encore qu’il y ait beaucoup à dire sur les décharges horaires dont certains ont bénéficié.») nous est restée en travers de la gorge. Libre à chacun de penser que les auteurs de Sésamath se fourvoient, pédagogiquement parlant, mais personne ne peut décemment insinuer qu’ils font ce travail de titan pour y rechercher des avantages personnels indus.
Au Café Pédagogique, c’est le qualificatif « respect » qui nous vient quand nous évoquons les auteurs du manuel Sésamath.
Didier Missenard
http://manuel.sesamath.net/
http://www.apmep.asso.fr/
http://www.poleditions.com/
http://www.logique.jussieu.fr/~chalons/mareactg.php