Selon RTL, un projet de circulaire imposerait du calcul mental tous les jours à l’école primaire dès la rentrée. La chaîne de radio présente cette initiative comme « un virage important pour l’enseignement… L’école du XXIème siècle fait un nouveau pas en arrière… Pour remédier aux capacités insuffisantes des élèves, notamment en calcul à leur entrée au collège, Gilles de Robien prend les grands moyens et opte pour un retour aux méthodes de base ».
Encore une fois l’éducation est utilisée pour faire la promotion des valeurs conservatrices : valorisation de la tradition, de l’effort… Encore une fois le débat est pipé : le calcul mental n’a pas déserté l’école, il ne s’agit pas de le réintroduire. Encore une fois la réalité du terrain est occultée. Encore une fois les enjeux pédagogiques sont caricaturés.
L’initiative se réclame du récent rapport de l’Inspection générale sur l’enseignement des maths au primaire. Or ce travail intéressant montre que le niveau en maths des élèves n’a pas baissé. Et s’il pointe aussi des faiblesses c’est pour affirmer les orientations pédagogiques de 2002 et non pour revenir au passé.
Selon le rapport, les enseignants enseignent effectivement les grands domaines du programme, mais les démarches pédagogiques préconisées ont du mal à prendre corps dans les classes, faute d’un effort conséquent de formation. Travailler à partir des connaissances réelles des élèves en s’appuyant sur leurs erreurs, différencier, mieux organiser le travail personnel, utiliser les cahiers de brouillons, constituerait « un changement majeur du système éducatif et donnerait un maximum de chances à chaque élève ». Le rapport note que le travail de groupe est « souvent confus et peu efficace », les temps de travail oraux pour comparer des méthodes difficiles à mettre en oeuvre , l’usage des TICE ou des calculettes insuffisamment répandu. Plus généralement, la démarche de « résolution de problème » pose souvent aux enseignants des soucis de gestion de la classe, accrus lorsque l’enseignant cherche trop vite à aller à la solution qu’il a prévue sans prendre en compte les difficultés de chacun ou les « procédures personnelles » utilisées par certains élèves. Une difficulté majeure semble être l’insuffisance de l’automatisation des procédures de calcul qui empêchent les élèves de libérer la mémoire de travail nécessaire pour se concentrer sur la résolution réelle du problème.
Le discours médiatique est très éloigné de ces réalités. Plus grave, selon RTL, la circulaire imposerait que « addition, soustraction, multiplication et division (soient) apprises le plus tôt possible ». Or le Café pédagogique a pu montrer que les experts sont hostiles à un apprentissage trop précoce de la division.
En mai 2006, Rémi Brissiaud écrivait : « Si nous devions revenir aux programmes de 1945 et si ces programmes devaient créer à nouveau… un ennui important dans les classes du fait de la répétition, un désintérêt généralisé des enseignants pour le fonctionnement intellectuel de leurs élèves, un enseignement élitiste parce que seuls les enfants qui s’auto-questionnent progressent en résolution de problèmes…, malgré toutes ces difficultés, nous n’en garderions pas moins ces programmes pendant 50, voire 100 ans. En effet, quiconque voudrait dénoncer le prétendu enseignement de la multiplication et de la division dès le CP, qu’une campagne de type populiste le ramènerait bien vite à la raison : « Ils ne veulent plus que nos enfants apprennent la multiplication et la division dès le CP ! ». L’enjeu, aujourd’hui, est qu’une campagne de même type ne nous emmène vers cette situation bloquée ».
Article RTL
Le calcul : débats et analyses