Dossier spécial
L’Assemblée Nationale a adopté 5 décembre en première lecture le projet de loi de prévention de la délinquance.
Ce projet de loi proposé par le ministre de l’intérieur modifie l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Il revient sur le principe selon lequel la mesure éducative doit, dans la mesure du possible, primer sur la sanction. Il institue une procédure de « présentation immédiate » de mineurs délinquants, là aussi en opposition avec un autre principe de l’ordonnance de 1945.
De nouvelles sanctions pour les mineurs sont définies :
– un placement pour un mois, hors du lieu de résidence, dans un établissement « permettant la mise en oeuvre d’un travail psychologique, éducatif et social portant sur les faits commis » ;
– un placement en internat pour une année scolaire, avec « avertissement solennel » du tribunal ;
– une mesure « d’activité de jour » obligeant le mineur, pour un an maximum, à participer à « des activités d’insertion professionnelle ou scolaire » auprès d’organismes habilités ;
– un contrôle judiciaire avec placement en « centre éducatif fermé » (CEF) et « mise en oeuvre de programmes à caractère éducatif et civique ».
Le texte prévoit, en cas d’aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d’une personne ou d’une famille appellant l’intervention de plusieurs professionnels, l’information du maire de la commune et du président du conseil général. Le maire peut alors désigner parmi les professionnels qui interviennent auprès d’une même personne ou d’une même famille un coordonnateur, après accord de l’autorité dont il relève et consultation du président du conseil général.
Ce rôle central du maire dans le dispositif, alors que le département est chef de file de l’action sociale, risque de provoquer des confusions de pouvoir. C’est aussi placer le travail social et l’action des professionnels qui accompagnent les familles en difficultés dans un dispositif sécuritaire, en opposition avec sa finalité première.
Cette nouvelle disposition et l’introduction d’un coordonnateur pose aussi la question du secret partagé.
Les députés sont revenus sur le caractère obligatoire de la création dans les communes de plus de 10 000 habitants d’un Conseil des droits et des devoirs des famille en rendant cette disposition facultative.
Ce dossier présente la position de différents mouvements et institutions sur le projet de loi (voir articles suivants).
Le dossier sur le projet de loi (legifrance) :
http://legifrance.gouv.fr/html/actualite/actualite_legislative/prevention_delinquance.htm
Pour mémoire : Dossier jeunes et justices, site Service public
http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/jeunes-justice/index/
Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (avis)
Introduction :
La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), attentive aux questions relatives à la sécurité des personnes et à la prévention de la délinquance, rappelle que « la lutte contre la grande délinquance et la criminalité organisée constitue (…) un objectif légitime, répondant à la préoccupation des citoyens, et participant à la sécurité des personnes et des biens, condition de l’exercice des libertés et des droits individuels. Elle considère cependant que la poursuite de cet objectif doit se concilier avec le respect des droits fondamentaux de la personne, notamment le respect de la liberté d’aller et venir, de la dignité humaine, des principes du procès équitable, des droits de la défense, et des règles énoncées dans l’article préliminaire du code de procédure pénale».
La CNCDH regrette de ne pas avoir été saisie du projet de loi sur la prévention de la délinquance et d’avoir dû procéder une fois encore par auto saisine.
(…)
La Commission s’interroge sur la philosophie d’un texte dont les finalités ne sont pas véritablement affichées et qui, malgré le titre annonçant un projet de loi sur la prévention de la délinquance, traite essentiellement de mesures de répression ou de moyens permettant de la mettre en oeuvre. Elle rappelle à cette occasion son avis du 14 novembre 2002 dans lequel elle réaffirmait que « la sécurité ne s’oppose pas aux libertés, notamment le respect de la dignité humaine, la liberté d’aller et venir, les droits de la défense, sans lesquelles il n’est pas de véritable sécurité ».
(…)
Suite :
http://www.commission-droits-homme.fr/binTravaux/AffichageAvis.cfm?IDAVIS=784&iClasse=1
Conseil Supérieur de Travail Social (avis)
Avis publié le 17 mai 2006, en ligne sur le site de l’Association Nationale des Assistants de Service Social :
A l’attention de Madame Catherine VAUTRIN, Ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, Présidente du CSTS
» Le 5 mars 2004, le Conseil supérieur du travail social (CSTS) avait rédigé un avis attirant l’attention de son président, Monsieur François Fillon alors Ministre des Affaires sociales et de l’emploi, sur le pré-projet de loi pour la prévention de la délinquance.
Constatant qu’un texte en préparation reprend l’essentiel de ce premier projet, le CSTS, par la voix de sa commission éthique et déontologie, tient à exprimer fermement ses plus grandes inquiétudes et réserves en raison de la situation qu’il impose à l’intervention sociale tant dans ses fondements et ses enjeux que dans ses pratiques. En effet, l’arrêté du 11 septembre 2002 confie au CSTS une mission « d’expertise » et de « veille » à propos des pratiques professionnelles du travail social liées aux politiques publiques. »
(…)
Suite :
http://www.wmaker.net/anas/index.php?action=article&id_article=377775&PHPSESSID=46af652db0918244ecb7008a5afd8355
http://www.wmaker.net/anas
Ligue des droits de l’homme (avis)
Avis publié en juillet 2006 :
« Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, qui sera débattu au Sénat à partir du 13 septembre prochain, est la 6ème loi sécuritaire proposée depuis 2002 modifiant en profondeur notre système législatif, et plus particulièrement le code pénal et le code de procédure pénale auxquels il est possible d’ajouter un certain nombre de dispositions de la loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006.
Au fil des 51 articles constituant le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, il est fort difficile de percevoir l’aspect « prévention » qui figure dans l’intitulé du projet gouvernemental tant les mesures nouvelles modifiant le code pénal et le code de procédure pénale, le code de la santé publique, etc. sont répressives. »
(…)
Suite (format traitement de texte) :
http://www.ldh-france.org/media/actualites/Analyse_juridique_ldh.doc
Coordination Nationale des Associations de Protection de l’Enfance (avis)
Introduction :
La délinquance est une préoccupation collective et, à ce titre, doit être considérée comme un phénomène de société qui concerne toutes les composantes de la population. Elle nécessite une politique de prévention à laquelle peut concourir, de manière directe ou indirecte, l’ensemble des initiatives publiques et privées.
Pour autant, l’argument de l’insécurité pour justifier la réduction des politiques de la famille, de l’éducation, de la santé à des éléments d’une politique axée prioritairement sur l’ordre public, appelle des réserves préliminaires.
En effet, la CNAPE est réservée quant à l’esprit de la loi, qui traduit une vision de notre société où la personne est perçue comme un élément perturbateur,
voire un danger potentiel et non comme une ressource.
La protection de l’enfance et l’action sociale font l’objet d’une législation et de procédures spécifiques, dont la responsabilité revient aux Conseils Généraux,
dans un maillage étroit avec les autorités judiciaires, les travailleurs sociaux et les associations. Cette spécificité doit être confirmée et préservée, sauf à créer des incohérences et des confusions hasardeuses et inacceptables. »
(…)
Suite sur le site de l’UNASEA
http://www.unasea.org/files/rapports/191.pdf
D’autres positions sur le site de l’Association Calvadosienne pour la Sauvegarde
de l’Enfance et de l’Adolescence :
http://www.acsea.asso.fr/
http://www.acsea.asso.fr/acsea/presentation/default.html
Une jeunesse dans le collimateur ? UNIOPSS
Les convictions éducatives des associations face aux enjeux politiques actuels, journée d’étude organisée par l’Uniopss le 21 septembre 2006.
Des débats très riches, une lecture indispensable.
http://www.uniopss.asso.fr/uniopss/pdf/061121_education_Actes.pdf
Voir aussi la position de l’UNIOPSS (septembre 2006) sur le projet de loi de prévention de la délinquance diffusé par l’association Espérer 95, format pdf :
http://www.esperer-95.org
http://www.esperer-95.org/file/PositionUniopssProjetLoiPreventionDelinquanceEnfanceSante7sept06.pdf
Secret partagé
Le projet de loi pose la question du secret partagé. Voici quelques références complémentaires pour aider au débat :
Une courte analyse sur le site Territorial (portail des professionnels territoriaux) :
http://www.territorial.fr/PAR_TPL_IDENTIFIANT/19508/TPL_CODE/TPL_LDC_ACTU_FICHE/PAG_TITLE/De+la+difficult%E9+%E0+organiser+le+secret+partag%E9/
Un dossier sur le site de JP Rosenczveig, magistrat au TGI de Bobigny :
http://www.rosenczveig.com/dossiers/secretpro/index.htm
Un document de travail du CRDP de Reims sur le secret partagé au sein des commissions de l’éducation nationale :
http://www.crdp-reims.fr/ien/metiers_fichiers/secret_professionnel.htm