Orientation : des métiers et des valeurs
« L’Europe entière nous envie cette jeunesse qui lui manque. Seule la France ne sait pas que ses jeunes sont une chance ». La remarque est sympathique mais, pour l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, il est clair que les CCI (chambres de commerce et d’industrie) « ont suffisamment d’expérience et de recul pour pouvoir être un partenaire crédible dans une perspective d’objectifs ambitieux partout sur le territoire ».
Au point que l’Afci publie un « livre blanc » qui prétend remédier aux difficultés d’orientation des jeunes. Et cela parfois de façon musclée : « il est devenu indispensable de faire fi des oppositions d’intérêts particuliers notamment du côté de l’offre de formation mécaniquement encline à tourner sur elle-même ». Suivez mon regard.
Mais si nous évoquons ce Livre blanc c’est qu’il va au-delà de ces pointes. L’ouvrage analyse les difficultés d’entrée dans la vie active des jeunes : taux de chômage important, déqualification relative de certains diplômes, dévalorisation économique des diplômes supérieurs (32% de diplômés déclassés) : « l’enseignement supérieur s’étant massifié, il est évident qu’il n’a plus pour seul vocation de préparer aux professions de cadres ».
Il estime les besoins de formation dans les années à venir. « Il n’y aura pas de disparition de l’emploi non ou peu qualifié » mais celui-ci se tassera et les besoins de diplômés augmentera. Le Livre propose même une évaluation des offres par secteur tout en jugeant avec finesse que les recrutements se font autant sur compétences que sur diplôme.
A vrai dire ces prévisions sont connues : les études du Haut Comité Education Economie Emploi ou celles du ministère de l’éducation nationale, présentées dans notre Guide de rentrée, contiennent déjà des prévisions fines.
Plus significatives sont les conclusions qu’en tire l’Acfci. Pour elle « il est urgent de revoir notre système d’orientation » et elle se propose de le réorganiser. L’Acfci verrait bien les acteurs économiques, les CCI par exemple, associés à l’orientation des lèves. Ils pourraient fournir les lieux, virtuels ou réels, d’information et intervenir sur le temps scolaire à travers les options découverte professionnelle.
L’expérience du monde professionnel n’est certainement pas à dédaigner et les enseignants du secteur professionnel, par exemple, savent ce qu’un réel partenariat avec une entreprise peut apporter aux élèves.
Il nous paraît pourtant que voir l’orientation uniquement sous l’angle de l’accès à l’emploi est réducteur. D’une part parce qu’il est bien difficile de prévoir les compétences qui seront demandées à nos élèves quand ils auront 10 ans d’ancienneté professionnelle : les conditions d’emploi auront probablement fortement changé. C’est tout le sens qu’il faut donner à la formation tout au long de la vie. Garder les yeux rivés sur les besoins des filières économiques en 2007 n’est pas inutile mais ne peut servir à fixer l’horizon de l’orientation.
L’Ecole doit avant tout défendre l’épanouissement et la liberté de choix éclairé de l’élève. Et il semble que les acteurs économiques soient trop intéressés pour pouvoir le faire. En disant cela on mesure d’ailleurs qu’une orientation bien faite est forcément imparfaite puisque liée à la construction humaine.
Restons humbles. Seule l’Ecole, parce qu’elle est une institution, peut assister l’élève sur ce chemin. Il nous semble dangereux de vouloir la remplacer ou la mettre sous influence. Il conviendrait sans doute par contre de reconnaître réellement le travail des professeurs principaux et de les aider dans cette tâche.
http://www.acfci.cci.fr/formation/documents/LivreBlanc06.pdf
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/r2006_index.aspx
Une étude montre la priorité de la formation générale sur l’offre de formation professionnelle pour les jeunes en difficulté
« Si l’on peut dire que la richesse de l’offre est indispensable, elle n’est pas suffisante dans certaines zones urbaines. Comment expliquer ce paradoxe ?… Une explication, non exclusive, nous est donc apparue comme essentielle : il s’agit du niveau scolaire de nombreux élèves et de l’écart avec celui qu’ils s’imaginent ou espèrent avoir dans la mesure où ils réussissent à passer de classe en classe et où leurs notes ne reflètent pas toujours leur niveau réel, d’où des attentes impossibles à réaliser… L’offre en formation est donc un facteur second, le premier étant, logiquement, le niveau scolaire réel des élèves ». L’étude de Catherine Mathey-Pierre (CEE) sur des jeunes de ZUS du 93 et de Nantes, montre les limites des politiques qui visent à scolariser ces jeunes dans des filières professionnelles.
Faute d’un niveau d’enseignement général suffisant ces jeunes ne s’en sortent pas et leur frustration grandit. Ce qui est en filigrane c’est bien sûr l’apprentissage à 14 ans institué par Robien.
« Leurs histoires et ce qu’ils en disent nous montrent comment ces jeunes gens ont mûri entre le moment de leurs « bêtises » plus ou moins graves de collégiens en 5ème et leur sortie de LP ou de CFA. S’ils avaient été orientés à ce moment là vers l’apprentissage, ils y seraient allés avec leurs comportements d’enfants ce qui aurait compromis encore davantage leurs chances de réussite. Par ailleurs, une orientation plus précoce n’aurait pas résolu les problèmes personnels et familiaux qui participent à l’explication de leurs échecs. Surtout, même si dans certains cas, un détour par l’apprentissage ou une formation en alternance peut permettre de redresser un parcours d’échec, on a vu qu’un trop grand déficit de formation générale entraînait également un échec dans les matières professionnelles. Ne pas se résigner à accepter l’échec scolaire précoce d’un jeune sur six apparaît bien comme une nécessité, d’autant que ce manque d’acquisitions de compétences de base est difficilement rattrapable et très coûteux par la formation continue ».
http://www.education.gouv.fr/cid4231/difficultes-scolaires-offre-enseignement-exemples-dans-deux-zones-urbaines-sensibles.html
Le devenir professionnel de la génération 1998
« On pourrait penser qu’après sept ans de vie active les jeunes aient tourné la page de l’insertion professionnelle pour entrer dans une dynamique de carrière, profitant des avancements au sein d’une entreprise ou des opportunités de promotion par un changement d’employeur. Mais l’articulation entre insertion et débuts de carrière s’avère plus complexe. La Génération 98 illustre l’incontournable hétérogénéité de la jeunesse et la diversité des parcours qui en résulte. À un extrême, les jeunes sans diplôme restent exposés à la conjoncture et beaucoup d’entre eux cherchent avant tout à accéder à un emploi stable, même après sept années passées sur le marché du travail. À l’opposé, les diplômés de l’enseignement supérieur se stabilisent plus rapidement en emploi à durée indéterminée, tout en se repositionnant favorablement sur l’échelle des emplois et des salaires ». Cette étude du Céreq décrit précisément les filières d’évolution des jeunes dans les 7 premières années de vie professionnelle. Trois ans après leur sortie de l’Ecole, la marche à l’emploi en CDI se poursuit particulièrement pour les non diplômés.
http://www.cereq.fr/pdf/b234.pdf
Mal parler de son métier nuit à l’orientation
« Les adultes ne se rendent pas compte de l’influence de leur parole sur les enfants. Très souvent, ils décrivent leur travail comme quelque chose de pénible. Très peu de parents montrent ce qu’il peut y avoir de joyeux dans leur métier. Les enfants, le plus souvent, entendent la plainte des parents sur le chef ou sur le collègue ». Dans Libération, Catherine Dolto invite les parents à présenter de façon plus positive leur travail s’ils veulent aider leurs enfants. « Les parents, d’une manière générale, ne font pas assez attention aux petites choses qu’ils disent devant leur enfant. Ils ne soupçonnent pas ce qu’il peut y avoir d’«éduquant», de «transmettant» dans leurs propos. Même si cela se résume à une petite phrase que l’on glisse en mettant son manteau pour aller, justement, au travail… »
http://www.liberation.fr/vous/emploi/221042.FR.php
Une étude met en évidence la spécialisation des filières d’accès à l’emploi
« La distribution et la spécialisation des canaux de recrutement génèrent des inégalités dans les modalités d’accès à l’emploi des diverses catégories de personnes et participent à la segmentation du marché du travail ». Emmanuelle Marchal et Géraldine Rieucau, Centre d’études de l’emploi, ont étudié les filières d’embauche : quelles stratégies facilitent l’accès ou le retour à l’emploi.
Leur travail met en évidence de fortes inégalités propres à la société française. » Des analyses rétrospective et comparative de la distribution de l’ensemble des filières donnant accès à un emploi sont tout d’abord menées. Elles permettent de mettre en évidence le poids constant qu’occupent les candidatures spontanées et les relations amicales, familiales ou professionnelles en France, et le rôle relativement marginal que jouent les annonces d’offres d’emploi et les intermédiaires ». Du coup, « les filières d’embauche sont spécialisées, de sorte que les personnes qui recherchent un emploi ne peuvent pas toutes les emprunter indifféremment. Les chercheurs d’emploi les plus âgés ont ainsi moins de chances que leurs cadets de trouver leur emploi par le biais d’une agence d’intérim, d’une d’offre d’emploi, d’une candidature spontanée ou encore d’un concours de recrutement. Ils trouveront davantage par le biais de l’ANPE ou de leurs relations ».
http://www.cee-recherche.fr/fr/rapports/filieres_embauche_enquete_2004_34.pdf
Un jeu pour donner le goût des sciences aux filles
Financé par la Commission européenne, Sitcom est un jeu de simulation qui fait découvrir les carrières scientifiques aux filles. La plate-forme Internet offre aux jeunes filles un jeu amusant de simulation de carrière; il s’agit d’un jeu de rôles où elles peuvent simuler des journées types de femmes travaillant dans les domaines des sciences, de l’ingénierie et des TIC. Tout au long du jeu, des concepts spécifiques à ces métiers leur sont inculqués au moyen d’exercices interactifs et de simulations couvrant les domaines évoqués ci-dessus. En plus du jeu, on trouve sur la plate-forme SITCOM des biographies de femmes de science, de techniciennes, de femmes ingénieurs, et aussi de nombreux liens utiles vers des sites connexes.
Ainsi un scénario s’intéresse aux professeures de mathématiques. » Assise à son bureau, la femme commence à rêver tout éveillée : une comète en approche de la terre risque de la heurter et la détruire. La femme prend un avion pour rejoindre le Centre de Recherches de l’Agence Spatiale Européenne et aider à sauver le monde. En parallèle, elle montre à ses enfants des exemples intéressants prouvant l’utilité des maths dans la vie courante. Au cours de leur expérience de découverte des applications utiles des mathématiques, les joueuses réalisent des calculs arithmétiques simples et apprennent les formules utilisées pour le calcul du volume de divers objets. Elles effectuent des calculs sur les frais d’essence et apprennent des notions de base en statistiques ». Le graphisme rend le jeu particulièrement attrayant. Le jeu a été développé par l’ORT.
http://www.sitcom-project.eu/