Quelles politiques pour les zones prioritaires ?
Le « Manifeste » lancé par les enseignants de l’Observatoire des zones prioritaires (OZP) vient heureusement réveiller un débat éducatif entraîné ces derniers jours vers des débats qui tiennent plus du comptoir que de la chaire universitaire.
L’OZP pose avec raison la question du pilotage du système éducatif. Il a d’autant plus raison de le faire qu’une sorte de fatalité abandonner la question sociale à elle-même dans le pays. Il n’est pas certain que le dur réveil de novembre 2005 suffise à impulser durablement ce souci social qui manque singulièrement à nos dirigeants. Inutile de rappeler que la loi Fillon « personnalise » les difficultés sociales…
L’OZP a raison également de rappeler que certains établissements zep obtiennent des résultats très supérieurs à d’autres et même à des établissements de centre ville. On peut, par exemple, citer des collèges de l’académie de Nantes où, selon une brochure académique, « des collèges présentant des taux de PCS défavorisées supérieurs à la moyenne académique figuraient parfois dans le peloton des établissements où les élèves réussissaient bien, voire très bien les tests d’évaluation… Là où une forme de fatalité sociale aurait laissé attendre des résultats faibles, on se trouvait au contraire face à de véritables réussites scolaires, en français comme en mathématiques ». Et l’OZP indique justement qu’une clé du succès c’est l’existence d’équipes enseignantes stables et communicantes. Un des points positifs du plan Ambition réussite lancé par Gilles de Robien l’année dernière est justement, grâce aux crédits d’heures du « professeur référent », de faciliter le fonctionnement d
e ces
équipes là où elles existent. Il s’est par contre avéré incapable de les faire apparaître ailleurs.
Faut-il pour autant s’en tenir au programme de l’OZP ? L’Observatoire est parfois moins convaincant.
Ainsi peut-on omettre dans les difficultés des zep celles qui sont générées par les établissements eux-mêmes ? Agnès van Zanten, dans L’école de la périphérie, a montré comment,par exemple, les établissements zep étaient amenés pour garder une certaine mixité sociale à hiérarchiser leurs classes et de fait à créer à côté d’une classe « d’excellence »,marquée par des options spéciales, des classes faibles où se regroupent les difficultés.
Doit-on également écarter, comme le dit l’OZP, l’effet lié à la taille des classes ? Si certains travaux vont en ce sens, d’autres concluent en sens inverse. C’est le cas des travaux de Thomas Piketty, visés par l’OZP, mais aussi d’études plus anciennes comme celles du programme Star aux Etats-Unis. Elles concluent sur l’intérêt des classes çà effectif réduit pour relever les résultats scolaires. Disons que cela peut être au moins une condition minimum pour une éducation nationale qui se soucierait pas uniquement des filières d’excellence mais aussi des enfants des classes défavorisées.
Et nous revoilà dans la question sociale. Car si l’OZP se soucie de pédagogie, au point de penser, probablement avec raison si on en juge par l’histoire de l’éducation, que ce sont justement les zep qui peuvent faire avancer l’Ecole dans son ensemble, on ne saurait retirer à la question de l’inégalité scolaire ses déterminants sociaux.
Dans « Améliorer l’école (PUF 2006), Marie Duru-Bellat montre « le développement (de l’enfant) est social dès la première heure, avec pour conséquences que les pratiques éducatives parentales exercent une forte influence. Or ces dernières portent la marque des inégalités matérielles ou culturelles qui caractérisent les familles ». Ce sont aussi les choix et les stratégies familiales qui creusent les écarts sociaux. Marie Duru-Bellat a beau jeu de rappeler que, au secondaire, « les enfants de milieu populaire visent moins haut que leurs camarades de milieu plus favorisé » et que « les élèves de milieu populaire fréquentent les (établissements) les moins efficaces ». Ce qui l’amène logiquement à proposer, pour lutter contre les inégalités, « des politiques dépassant le cadre de l’école, pour rendre les familles moins inégales ».
Rien ne semble donc pouvoir se faire sans un effort de justice sociale qui dépasse l’Ecole. Celle-ci, et l’exemple assez réussi du programme anglais « Excellence en ville » le montre également, a besoin d’un pilotage effectif et de marges de manoeuvre en termes d’équipe et de moyens sur le terrain.
Or on voit bien que le modèle de l’école traditionnelle arrive en fin de course et que celui de grand-père, qu’on essaie de nous convaincre d’utiliser, n’apporte pas de réponse. En zep comme ailleurs il faut sans doute concevoir une nouvelle école. Il n’y a pas lieu d’opposer la question des moyens et celle du pilotage. La République devra à la fois mettre de réels moyens dans les zep et oser la réforme scolaire.
nantes
http://www.ac-nantes.fr:8080/peda/pole_peda/reussite/index.html
Dans un Manifeste, l’OZP plaide pour davantage d’équipe en ZEP et non davantage de moyens
« Donner le meilleur est plus important que donner plus » affirme l’OZP (Observatoire des zones prioritaires), une association qui regroupe des enseignants et cadres éducatifs des zep. L’affirmation résume la pensée de l’OZP : il faut mettre de l’argent dans le fonctionnement et la formation des équipes enseignant en zep plutôt que dans l’allègement des effectifs élèves.
Estimant « qu’il faut tirer les leçons de 25 ans d’expérience », l’OZP estime que » dans les zones où il n’y a pas de projet local adapté, inter degrés et partenarial, la réduction des effectifs par classe n’entraîne pas à elle seule de progrès décisif, contrairement aux conclusions de certaines études. Des mesures dérogatoires de gestion des ressources humaines sont nécessaires pour garantir la présence, dans les territoires les plus en difficulté, d’équipes capables de travailler collectivement autour d’un projet. Ces équipes ont plus besoin de temps et d’accompagnement que de primes compensant la pénibilité du travail… Resserrer l’éducation prioritaire, ce n’est pas d’abord concentrer les moyens budgétaires, c’est garantir aux territoires très défavorisés que, grâce à un dispositif dérogatoire, des pratiques susceptibles de réussir y seront mises en oeuvre ».
Pour l’OZP, » Il faut généraliser les pratiques pédagogiques qui ont réussi dans certaines ZEP et développer une véritable innovation pédagogique pour que les besoins spécifiques de tous les élèves soient mieux pris en compte. Il s’agit de développer le travail en équipe et une démarche de projet, en particulier pour enseigner à des groupes hétérogènes ; former l’ensemble des équipes à l’analyse de pratiques, à l’évaluation, au travail en partenariat ; placer des projets culturels forts au coeur des apprentissages, à l’opposé de tout repli frileux sur les apprentissages fondamentaux ; faire vivre des dispositifs pédagogiques tels que les cycles à l’école primaire, les Programmes Personnalisés de Réussite éducative (PPRE), les Itinéraires de Découverte, etc. », toutes choses qui relèvent davantage d’un changement de perspective pédagogique que de moyens supplémentaires.
L’OZP appelle à différencier les zep. » Une action encore beaucoup plus radicale que celles proposées ci-dessus sera nécessaire dans les quelques territoires très peu nombreux où tout est réuni pour que l’exclusion sociale, la grande pauvreté et maintenant les clivages ethniques se transmettent de génération en génération. Dans ces territoires en détresse, que l’OZP nomme Sites Urbains Prioritaires en Education (SUPE), c’est l’ensemble de l’équipe pédagogique qui pourra être constituée par rassemblement autour d’un projet. La contribution de la politique de la Ville y sera décisive ».
Ainsi pour l’OZP, les zep pourraient devenir une sorte de laboratoire pour l’éducation nationale où se prépareraient des réformes pour l’ensemble de l’Ecole.
http://www.association-ozp.net/article.php3?id_article=3375
La situation scolaire continue à se dégrader en ZUS
» En ce qui concerne les indicateurs de réussite scolaire, le pourcentage d’élèves en retard de deux ans ou plus en 6e, a diminué dans les mêmes proportions dans les collèges en ZUS et dans ceux situés hors de ces quartiers. Par contre, les écarts se sont creusés au détriment des ZUS pour la plupart des autres indicateurs, qu’il s’agisse, du devenir des élèves de 3e qui avaient été orientés vers une seconde professionnelle, de la proportion d’élèves redoublant la seconde ou du taux de réussite au brevet en 2004-2005, nettement plus faible dans les collèges des ZUS, avec près de 13 points d’écart par rapport aux autres collèges. Pour ce dernier indicateur, l’écart de réussite entre filles et garçons, en faveur des premières est particulièrement net en ZUS ». Le rapport 2006 de l’Observatoire national des Zones urbaines sensibles (ZUS), les quartiers les plus défavorisés de France, montre quela situation scolaire ne s’améliore pas.
Les Zus sont caractérisés par des enseignants plus jeunes et une spécialisation renforcée des classes post-bac vers les STS. En lycée, la proportion d’élèves orientés vers la série S a encore baissé en 2004-2005 alors que les redoublements en fin de seconde ou les orientations en L.P. augmentent.
La situation sociale ne s’améliore pas non plus. » Sur l’année 2005, le taux de chômage dans les ZUS est plus de deux fois supérieur à celui des autres quartiers. Il atteint ainsi 22 %, soit une progression d’environ deux points par rapport à 2003, alors que le niveau du chômage est resté sensiblement stable dans les autres quartiers des villes comportant une ZUS (10,5 % en 2005). Sur cette période, le « surchômage » dans les ZUS tend donc à s’accentuer, mais cette aggravation ne concerne en fait que la population masculine de moins de 50 ans, et parmi celle-ci davantage les moins de 25 ans que les plus âgés, alors qu’elle semble épargner la population féminine ».
Rapport (en pdf)
http://www.ville.gouv.fr/pdf/editions/observatoire-ZUS-rapport-2006.pdf
Pour lire les pdf
http://www.adobe.fr/products/acrobat/readstep2.html